La naissance de la Faucheuse

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Défi :

Ecrire un texte libre à vous de choisir nombre de lignes ou de pages sur une scène d'horreur et de suspense qui donne la chaire de poule en incluant cette phrase dans votre extrait:

" Le jour ou j'ai appris à vivre est le jour ou je t'ai tué."



Quand le soleil tombe, englouti par l’obscurité, les sons s’estompent. Le silence m’enveloppe dans un cocon protecteur, m’emmène dans les tréfonds de mon esprit tandis que mes yeux hétérochromes se vident de sens. Le soir, je contemple mes souvenirs les plus vifs, les plus traumatisants et les plus froids.


Je repense à ces nuits où ma voix se déchirait sous les coups, où ma voix s’éteignait ayant précédemment passé des jours durant sans parler - à quoi bon parler quand personne ne m’entend ? - et où tu te fiolais, tu buvais jusqu’à tomber ivre mort, et parfois tu venais m’insulter de tous les noms, me disant que je n’aurais jamais naître.


Tu étais le maître de cet enfer qui me détruisait chaque jour depuis des années - enfin, je n’ai jamais vécu à proprement parler. Je me souviens quand tu t’es énervé car j’ai prononcé mon premier mot. Tu refusais que je t’appelle grand-père, tu n’avais jamais été un parent alors un grand-père était hors de question. Tu m’a giflé me hurlant des obscénités. Les voisins t’auraient sûrement entendu mais nous étions seuls au beau milieu de nulle part. Le jour, tu m’envoyais à l’école avec des vêtements cachant tous mes bleus - anciens et nouveaux, mes cicatrices physiques et mentales, me menaçant de ne jamais piper le moindre mot à propos de la façon dont tu me traitais. Mais à cette époque, ma confiance était un paquet de chips écrasé. J’étais constamment humilié par les autres - trop timide, trop silencieuse, disaient-ils comme justification ! Je n’ai jamais rien dit - pas par peur de mourir par ta main, non loin de là - mais parce que personne ne m’écoutait, personne ne voulait m’entendre. J’étais un paria à l’école, j’étais le monstre dans ta maison.


Et je me souviens du jour où tu as coupé mes cordes vocales. Tellement de sang s’est déversé ce jour-là. Tu as ri. Tu t’es moqué de moi encore. Encore et encore. Je t’ai aimé comme le parent que je n’ai jamais eu mais en même temps je t’ai haï. Tu es mon cauchemar et mon paradis. Malgré toute la haine que tu déversais sur moi, tous les coups qui marquaient mon corps, je ressentais que des sentiments paradoxaux pour toi. Tu étais mon sauveur - l’unique personne qui comme tu le disais bien était prête à m’élever tel le monstre que j’étais à tes yeux, et aux yeux des autres - et en même temps tu étais mon bourreau.


Je me souviens du jour où tu m'as souillé comme cadeau d’anniversaire de mes seize ans. Ce jour-là, j’ai réalisé que l’amour d’enfant à parent n’existait pas, que cet amour n’était le résultat d’une haine si profonde. Ce jour-là, c’est..


Le jour où j’ai appris à vivre est le jour où je t’ai tué.


Il était neuf heures trente. Comme l'alcoolique que tu étais, tu te fiolais comme s’il n’y avait pas de lendemain. J’étais dans ma chambre - une pièce dont une odeur nauséabonde mélangeait d’alcool, de drogues, de cigarettes, de nourriture pourrie, de carcasses et de sexe régnait - des déchets jonchaient le sol, les murs perdaient leur couleur bleu depuis de belles lurettes, mon lit n’était qu’un pauvre matelas dont on pourrait retrouver tout un tas de maladies. J’étais encore nue comme un vers, comme le jour où je suis née, pâle et dont les larmes coulaient silencieusement. La douleur s'était peu à peu transformée en rage. Je ne souhaitais qu’une seule chose à ce moment-là. Ton sang. La haine me forçait à me lever, à accomplir la vengeance que j’avais tant rêvé. Je me suis douchée ce jour-là, très rapidement, la boule au ventre ayant peur que tu reviennes. Ensuite, je me suis habillée.


Ce jour-là, sur la pointe des pieds je suis descendue à la cave là où tu gardais tous tes outils. Aussi monstrueux que tu étais, tu étais un acteur né. Tu jouais ce rôle de grand-père élevant seul sa petite-fille dont les parents sont morts. Je me armée d’un couteau que j’ai glissé dans ma poche ainsi que d’une hache. Je suis remontée en haut, marchant aussi silencieusement qu’un assassin s’apprêtant à tuer quelqu’un. Tu étais dans le séjour, affalé comme la merde que tu étais sur le canapé, une bière à la main. Tu balbutiais des incohérences, tu parlais des femmes que tu aimais mais que tu as abusé d’elles comme un enfant usait un jouet. Tu parlais de ton propre fils comme de la merde, un moins que rien qui n’avait jamais réussi, un fils que tu as élevé dans la violence pure. Tu parlais de ta belle-fille comme la catin du quartier, qui ne méritait pas l’amour de ton fils - jaloux de l’attention qu’elle recevait à ta place. Je me suis approchée lentement de ton crâne chauve, j’ai levé mes bras tenant fermement la hache entre mes mains. Je l’ai abattu sur son épaule droite, tu as hurlé. Un sourire carnassier s’est dessiné sur mon visage tandis que le sang éclaboussait mon visage. L’épaule s’est détachée comme le bras d’une poupée en plastique, il est tombé au sol. Tu pissais déjà le sang. La douleur te paralysait.


Comme un prédateur, j’ai contourné le canapé et je me suis rapprochée de toi. Tes yeux se sont écarquillés comiquement, j’ai éclaté de rire, mon rire te glaçait le sang. Jamais, au grand jamais, tu n’aurais cru que je puisse me retourner contre toi et te tuer, n'est-ce ? Mon rêve, l’unique rêve, se réalisait enfin. Tu ne souriais pas. Toi qui souriait quand tu me faisais mal. J’ai saisi mon couteau laissant de côté la hache, j’ai commencé par te faire de grandes entailles au niveau de joues pour que tu aies le plus beau des sourires, que tu sois fier.


Après tout, tu as élevé un monstre ! Quel exploit !


J’ai saisi ta main gauche tandis que tu gémissais, que tu t’étouffais dans ton propre sang, que tu pissais comme une vache, et j'ai arraché chacun de tes ongles. Tu étais encore en vie après cela, une vraie force de la nature ! Mais je n’avais pas fini, mes mots te transperçaient comme une lame empoisonnée tandis que je travaillais, je te poignardais encore et encore. Mon rire se répercutait entre les quatre murs, il était si froid et si chaleureux en même temps. Enfin, je te rendais la pareille. L’exaltation remplissait mon cœur vide, la jouissance se répandait en moi comme de la poudre à canon. Et je riais.


Encore et encore. Je riais. Mes vêtements se tâchaient, se teintaient de sang. Et toi, tu perdais rapidement ton essence de vie. Une masse fusque se répandait sur le carrelage du salon. Tes paupières se sont fermées au bout de quelques minutes où l’agonie te paralysait. Au rythme de la musique tu faisais, je ballais de gauche à droite. Tu étais mort sous mes yeux. Et je ne ressentais que de la joie. Tu étais enfin mort. Et j’avais ma vengeance. Enfin.


Ton cadavre n’est qu’un tas de cendres. Il ne reste plus rien. Et jamais personne ne saura comment tu es mort véritablement. Un petit secret, ça ne fera rien de mal , n’est-ce pas ? C’est que tu me disais. J’espère que tu es heureux maintenant… que tu es fier de moi, tu as participé à ma renaissance.


La naissance de la faucheuse.


Gare à vous, chers lecteurs, je suis là et je vous regarde.

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