ÉPILOGUE

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 Je ne vous cache pas que je fus à la fois étonné et intrigué quand je reçus par courrier ce manuscrit. Un roman inachevé. Je trouvai dans l’enveloppe une lettre de motivation. Le fait qu’elle ne soit pas de la main de l’auteur m’avait interpelé.

 La plume qui avait commencé cette histoire avait, comme vous le savez, quitté ce monde dans des circonstances tragiques. Le rédacteur du courrier avait demandé que l’on termine le travail interrompu, et que l’on publie le livre à titre posthume. En trente ans de métiers dans l’édition, jamais je n’avais reçu une telle proposition !

 Je fouillai l’enveloppe cartonnée.

 Des coupures de presse accompagnaient le document. L’agression d’Orianne Lambert, ainsi qu’un fairepart de son décès ; un papier sur la fusillade au domicile de Joseph Vandekassbeek ; un article sur le meurtre odieux de Ayana ; l’assassinat manqué d’un Chinois venu à Liège pour affaires ; la fin tragique d’un couple de fuyards à moto… En fait, toute cette documentation se rattachait à un seul et unique fil rouge : la trame du roman. J’en déduisis qu’il devait s’agir d’une histoire vraie.

 D’ailleurs, l’auteur de la lettre demandait que l’on change les noms de famille des protagonistes sauf un : celui de Kinovsky. Le signataire voulait que cet inspecteur, s’il venait à prendre connaissance de ce livre, comprenne sa responsabilité dans la mort du héros de cette aventure.

 Mon premier réflexe se résuma à jeter le tout à la corbeille. Puis, sans que je puisse me l’expliquer, sans doute la curiosité, je me ravisai. Je me lançai dans la lecture du manuscrit. Un intérêt particulier pour ces hommes et ses femmes qui souffrirent de l’entêtement de ce fameux Pierre-Alexandre prit naissance en moi. Je me procurai les rapports de police concernant l’accident de moto. Je pus alors imaginer la fin du livre. Pour ce faire, je m’imprégnai du style assez chaotique du premier jet de l’écrivain, puis me mis à l’ouvrage.

 J’allais envoyer la nouvelle version du manuscrit à la correction. Puis, insatisfait qu’il se termine si vite, je le complétai par quelques notes. En effet, je m’étais attaché à ces personnages qui avaient évolué tout au long de cette histoire. Je me lançai en conséquence dans de nombreuses recherches.

 Ainsi, je compris que Marc Lambert fût manipulé du début à la fin par ce policier de la PJ. Quand il s’en rendit compte, déjà très fragilisé par la perte de sa fille, il se perdit encore davantage dans la dépression. Le décès de son ami intime, Pierre-Alexandre Mangon, l’avait tant affecté qu’il lui était devenu impossible de se concentrer sur sa tâche de policier. De mois en mois, il s’enfonçait dans la culpabilité de lui avoir fourni dans l’ombre de Kinovsky la fiche signalétique de Giulia. Ne pouvant plus assumer ses fonctions, il fut mis à la retraite anticipée pour raison médicale. Il se consacre à présent à son petit-fils, né quelques mois après le drame.

 Le fameux Joseph, l’homme qui écoutait du Metal symphonique et lisait du Zola, celui qui lâchait des caisses sans réserve, décéda trois mois plus tard de complications pulmonaires suite à un virus venu d’Asie. Il laissa une fortune en biens immobiliers à sa fille unique Anne. Plusieurs mois après avoir expédié les affaires courantes de feu son père, rien ne la retenant plus à Liège, elle partit ouvrir une maison d’hôtes en France dans le Périgord. Elle y retrouva une ancienne amie belge expatriée depuis plus de vingt ans : Françoise. Cette dernière tentait tant bien que mal de lui faire oublier l’amour de sa vie : Ayana.

 Les complices du chimiste croupissent à la prison de Lantin. Ils ne seront pas libérés avant de nombreuses années. D’autres ont déjà pris leurs places dans le circuit de la drogue. C’est un milieu où l’on ne chôme pas !

 Kinovsky, lui, continue ses enquêtes sans état d’âme, et à tous coups avec autant d’efficience. Sa devise : la fin justifie les moyens ! On a vu le résultat… Il vous rétorquera que l’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs.


 Je pense avoir fait le tour de la question.


 Ah ! j’allais oublier : c’est toujours le même jardinier qui tond les pelouses du Mémorial interallié de Cointe.

FIN

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