Qui lutte contre son destin lutte en vain

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Je ne voulais pas. Je vous l’ai déjà dit.

Je sais qu’il ne se souvient pas. Comment l’aurait-il pu ? D’ailleurs, qui se rappelle ? Moi-même, j’ai tenté de noyer mes souvenirs pendant toutes ces années. Mais c’est peine perdue, vous voyez ? Son souvenir me hante. Me harcèle. Je le vois le jour, alors que je me lève, alors que je vis. Je le vois la nuit, dans mes rêves et mes pensées. Je me rappelle encore parfaitement de ses traits, de son visage, comme si juste quelques journées avaient passées. Comme si il pouvait revenir d’une minute à l’autre, me dire que c’est ma faute, que j’aurai pu faire autrement. Que j’aurai pu lui sauver la vie.

Je ne voulais pas. 

Mais non, je ne pouvais pas. Je commence à croire que je ne suis pas normale. Car comment aurait agi une personne normale si on lui avait annoncé que sa vie serait sauve, à condition de tirer l’adversaire ? Aurait-elle refusé ? Se serait-elle offerte aux balles de l’ennemi ? Moi, j’ai choisi de lui cribler la poitrine de plomb. Cela fait-il de moi un monstre ? Je me perds dans mes réflexions, je revis sans cesse la scène. D’ailleurs, aurait-il appuyé ? Peut-être n’était-il pas aussi égoïste que je le suis. Peut-être avait-il pensé à ma vie, à ma famille, à mon avenir ? Il pensait peut-être que j’étais quelqu’un de bien, quelqu'un méritait de vivre une vie heureuse. Pourquoi ? Ces pensées ne m'ont pas atteintes alors que j'ai appuyé sur la détente. Tandis que la balle est partie dans un bruit du tonnerre. Je n'ai même pas vacillé sous l'effet du recul.

Puis l'objet meurtrier a fini sa course dans la poitrine de ce jeune garçon. Qui a fait quelques pas. Qui m'a regardé, surpris. Et qui est tombé dans un bruit sourd sur le bitume, la vie l'ayant déjà quittée. 

Je ne voulais pas. 

J'ai senti les larmes me piquer les yeux, et j'ai lâché le pistolet qui a résonné dans tout l'entrepôt. Et ils sont venus me voir. Ils m'ont dit que je pouvais partir, que ma vie était sauve, que j'avais réussi le test. Ils avaient l'air heureux, l'un m'a même félicité. Il m'a dit que c'était ce qu'il fallait faire. Que de toute manière, je n'avais pas eu le choix. 

Tout aurait été beaucoup plus simple s’il avait été plus rapide.

Vous me demandez pourquoi je ris ? Mais n’est-ce pas évident ? Voici encore une preuve flagrante de mon égoïsme. Je préfère choisir la facilité et laisser les autres se débrouiller avec leurs remords. Je vous dis que quelque chose ne va pas chez moi.Mais c’est trop tard n’est-ce pas ? Et puis, qui me dit qu’il en aurait eu, des remords ? J’aurai enfin rencontré une personne censée, même si c’était le dernier visage que j’avais aperçu.

J’aimerai lui dire que je regrette. J’aimerai lui dire que je ne voulais pas. Mais que je devais le faire. C’est comme ça, c’était décidé. Il parait que le destin est écrit, et je trouve cela cohérent. Du moins, c’est ce qui répond en plus grande partie à mes questions.

J'espère que d'où il est - ça je n'en sais rien, c'est une autre histoire - il arrive à me pardonner. Moi, je n'arrive pas. Il faut quand même être sacrément inhumain pour ôter la vie à quelqu'un d'autre. 

En tout cas, je le dis et le redis. 

ça, tout ça, je ne le voulais pas. 

Qui lutte contre le destin lutte en vain.

Eschyle. 

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