Il y a à peine quinze jours, mon petit frère, à qui je montrais avec fierté mon exemplaire papier de Coupable d'aimer, a balancé à ma grand-mère de bientôt quatre-vingt-six ans que j'écrivais des livres et que j'en avais même publiés.

Passé les "arrêtez, vous vous moquez de moi", "c'est une blague ?" et compagnie, et les preuves sous les yeux, elle a compris que ce n'était pas une plaisanterie. Bon, à son âge, elle n'a pas tout compris non plus, mais le principal était intégré : sa petite fille écrit.

Figurez-vous que le lendemain matin, j'avais un coup de fil. Mamie, Mamina pour les intimes (merci Frédéric François !) a réfléchi à tout ça et a eu une idée. Pourquoi ne pas écrire sur sa vie à elle ? Bon, c'est différent de ce que j'écris, elle le comprend bien et me laisse le temps d'y réfléchir.

Forcément, tout ça fait son petit bonhomme de chemin. Et je ne peux m'empêcher d'y réfléchir. Beaucoup. Honnêtement, une partie de moi se demande bien quoi raconter, au juste. Mais l'autre... Se dit que peu importe ce que je pourrais bien écrire, ce qui compte avant tout, c'est de partager ça avec Mamina. Je n'ai pas envie de regretter ça, plus tard...

Et puis, plus j'y pense et plus son histoire me parle, plus j'ai envie de mettre en lumière certaines choses. Alors hier, je me dis, c'est parti. Et me voilà, aujourd'hui, à aller déjeuner avec Mamie. Et ce moment d'échange est carrément génial. Franchement, quand ta propre grand-mère te parle du bruit des obus, de celui qui passe au-dessus de sa tête et s'écrase dans la cour des voisins d'en face... Quand elle te raconte que sa grand-mère a accouché dans un champ et repris le boulot après une petite toilette...

Et pourtant, je ne suis pas totalement dedans. C'est vrai, comment l'être aujourd'hui ? Ma grand-mère a vécu la seconde guerre mondiale, elle a vu les américains débarquer dans le petit chemin à côté de chez elle. Elle se souvient du gâteau de riz, du chocolat, des chewing-gums qu'ils ont donnés à sa famille... Sauf qu'on est en 2022, qu'on mange des profiteroles et qu'en fond sonore, ce sont les informations à la télé. Et mon regard est inévitablement attiré par les images.

24.02.2022 : j'aurais pu partager un moment extrèmement fort avec Mamina, mais depuis mon réveil, j'ai la tête en Ukraine et le cœur qui saigne.