Chapitre 40 Princesse sans royaume - Partie 2

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  Hank posa son verre sur le bar et frappa des deux mains sur le comptoir. Il se retourna vivement et vit que cela avait eu l'effet escompté. Toutes les têtes étaient levées vers lui. Hank balaya toute la salle des yeux pour tenter de capter des regards amicaux. Il vit des visages connus, notamment quelques anciens habitants de Cosrock, mais la plupart venaient des régions du sud, et Hank les connaissait mal. Il leva les bras et s'éclaircit la voix. Il était clair pour tout le monde qu'il avait quelque chose à dire, et il devait le faire vite, s'il ne voulait pas perdre toute crédibilité d'entrée de jeu.

- Bonsoir à tous, parvint-il enfin à articuler.

 Il ne s'était pas attendu à un accueil des plus chaleureux, mais il n'obtint même pas un signe de tête en guise de réponse. Sa côte de popularité n'était vraiment pas au plus haut. Il se racla une nouvelle fois la gorge et reprit :

- Je ne vous dérangerais pas longtemps. Je suis venu vous demander votre aide.

- Au milieu de la soirée ? Ça ne pouvait pas attendre demain, questionna un homme au milieu de la salle.

- Non, parce que demain, je ne serais plus là.

 Quelques murmures traversèrent l'assemblée. Voyant qu'il avait l'attention de tout le monde, Hank se dépêcha de raconter son histoire.

- Comme certains d'entre vous le savent peut être, il y a quelques jours, ma femme et moi, on a quitté le village et on n'est revenus qu'après trois jours. On s'était lancés à la poursuite des djaevels qui ont attaqué le village, et on a pu les rattraper avant qu'ils ne soient trop loin. Si on a fait ça, c'est parce qu'ils avaient enlevé notre amie Tabatha. Les plus jeunes d'entre vous la connaissent peut être, ainsi que les plus anciens habitants de Ts'ing Tao. Je pense notamment à ceux qui nous ont suivis à Cosrock.

 Hank tourna les yeux vers Ryban, qui lui adressa un petit signe de tête.

- Bref, on l'a retrouvée et on l'a ramenée saine et sauve. Si je viens vous parler ce soir, c'est parce que tout ne s'est pas passé comme prévu. Nous avons pu revenir, mais un autre de nos amis avait décidé de nous rejoindre, et il s'est fait enlever à son tour. On a essayé de le sauver lui aussi, mais on a rien pu faire. Je pense que vous connaissez tous notre ami. Il s'agit de Maximilien Strauss, mais tout le monde l'appelle Maxou.

 De nouveau, des murmures s'élevèrent dans la salle, et les gens échangèrent des regards choqués. Hank leva les bras au dessus de sa tête pour les calmer et réclamer l'attention.

- Je sais que Maxou est très apprécié dans le village, et c'est pourquoi je pensais pouvoir compter sur votre aide.

- Et vous dites qu'il a été enlevé ? Par les djaevels ? Est-ce qu'il n'est pas trop tard pour lui, intervint un jeune homme assis à une table du fond.

 Il paraissait si jeune que Hank fut surpris de le voir ici. Il se demanda furtivement s'il avait l'âge de boire, avant de réfléchir au fait qu'ils n'avaient jamais écrit de lois sur l'âge minimum pour boire de l'alcool. En réalité, Sin fo et lui avaient pris très peu de décisions concernant la vie courante. Ils avaient tranché des questions importantes, comme d'attribuer une parcelle de terrain et un emploi à chaque nouvel habitant, mais pour les problèmes courants, ils attendaient que les gens viennent se plaindre auprès d'eux pour trancher les litiges.

- En fait, Maxou n'a pas été enlevé par des djaevels, mais par un homme qui les contrôlait. Les djaevels n'étaient pas à côté de nous lorsque c'est arrivé, et Maxou n'avait pas été mordu.

- Qui vous dit qu'il ne l'a pas été plus tard ?

- Si cet homme avait voulu le tuer, il l'aurait fait immédiatement. Il avait besoin de lui vivant.

 Après une seconde de silence et devant leurs moues sceptiques, Hank ajouta :

- Par dessus tout, je connais Maxou. C'est un jeune homme courageux, qui ne se laisse pas abattre. Je sais qu'il est capable de résister à toutes les épreuves. Mais il aura besoin de mon aide pour s'enfuir. De notre aide. De notre aide à tous.

- Vous voulez aller le chercher ?

- Est-ce que tu sais seulement où le chercher, demanda Ryban.

- On y a réfléchi bien sûr. D'après nous, cet homme est retourné auprès de son maître, à Soripolis.

 Un silence de mort tomba sur la salle. Pendant quelques instants, tous furent figés et demeurèrent muets, puis ils se mirent tous à parler en même temps.

- Tu es devenu fou !

- Vous avez perdu la tête !

- Maxou est perdu, il n'y a plus rien à faire pour lui.

 Ceci n'est qu'un échantillon de ce que Hank parvint à comprendre parmi le vacarme qui s'éleva dans la salle. Soudain, un bruit métallique strident retentit. Tout le monde se tut presque instantanément et regarda vers le bar. Hank se retourna pour voir Roussel qui tenait encore la cordelette de la cloche accrochée au dessus de son comptoir.

- Un peu de calme je vous prie, tonna-t-il d'une voix puissante. Je ne tolérerais pas ce genre de raffut dans mon établissement. Et toi, dit-il en pointant son index sur Hank, j'en ai assez de tes histoires. Je sais que tu aimes l'aventure et le danger, mais nous ne sommes pas tous comme toi. Tu veux te rendre dans l'endroit le plus dangereux du royaume et risquer ta peau, ça te regarde, mais ne nous demande pas de te suivre. Déjà la dernière fois, à cause de toi, nous avons perdu cinq des nôtres.

- À cause de moi ? Les djaevels ont attaqué notre village !

- Et tu nous as forcés à sortir !

- Je faisais ça pour protéger vos vies !

- C'était très efficace, répliqua ironiquement Roussel. Arrête de provoquer les djaevels et peut être qu'ils nous laisseront tranquilles.

- Tranquilles ? Mais tu ne comprends pas ? Vous ne comprenez pas, cria Hank en se tournant vers tous les habitants. La tranquillité, c'est terminé. Le maître des djaevels sait où nous sommes désormais, et il ne nous laissera jamais en paix. Vous voulez attendre qu'il vienne vous tuer quand bon lui semblera ? Très bien ! Mais moi je ne l'accepte pas ! Je sais que je risque de mourir, mais au moins ce sera debout. Je vais aller à la capitale chercher mon ami, et je tuerais tous les djaevels qui se dresseront sur mon chemin. Et s'il le faut j'affronterais leur maître.

 Après un tel discours, Roussel ne sut pas quoi répondre. Il resta silencieux, presque prostré, à regarder Hank, comme presque tous les gens présents dans la salle. Seul un petit rire se fit entendre. Il s'agissait d'un jeune hembra adossé au mur dans un coin. Il décroisa les bras et applaudit lentement Hank.

- Quel beau discours, très inspiré. Vous, les humains, êtes vraiment incroyables. Mais il ne faut pas confondre courage et inconscience. Vous parlez du maître des djaevels, mais savez-vous à quel point il est puissant ? Nous, les hembras, sentons sa présence maléfique. Tout le royaume en est imprégné, vicié. Et vous, petit homme, voulez aller frapper à sa porte et provoquer sa colère ? De quel droit mettriez-vous ainsi un royaume entier en danger ?

- Justement parce que ce royaume ne lui appartient pas, intervint une jeune femme à l'entrée.

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