5. M

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La soirée se continua au Paradis Perdu, la petite fliquette avait visé juste et le bar me plut immédiatement. Ambiance tamisée, décoration cosy, musique folk, je me dis que j’y retournerai un week-end histoire de profiter d’un concert acoustique. Lauren aimait également cette atmosphère paisible. Autour d’un cocktail, nous ne fîmes plus mention de l’enquête en cours. Une nouvelle investigation commençait pour moi : qui était-elle ?

La belle se dévoila facilement, elle n’avait aucune honte à m’avouer qu’elle avait quitté le domicile familial vers ses dix-huit ans pour fuir un père alcoolique et violent. Elle avait enchaîné les jobs pour se faire le pécule nécessaire à son cursus de médecin. Après son diplôme, elle avait tenté sa chance à Paradise Corner, espérant rejoindre les locaux de Genix Pharmacom. Le légiste du coin recherchait une assistante, en quête de sa première expérience, elle postula. Elle ne s’attendait pas à se prendre d’amour ce métier hors du commun. Elle n’avait jamais quitté ce poste depuis.

Je buvais ses paroles, mon cursus était bien moins glorieux : armée, Quantico et me voilà. Dès mes dix ans, je savais déjà que je serais agent du FBI. Mes parents avaient soutenu mon projet. Bref, un parcours banal. Aidé par la vie, je n’ai pas eu besoin de chercher des petits boulots pour amasser ce qu’il me fallait pour vivre ; un coup de fil à papa et maman suffisait.

Nous enchaînâmes sur des banalités : nos rêves et nos projets. Lauren trouvait fabuleux le fait que je sois amené à voyager à travers le pays. Pour sa part, elle rêvait de visiter l’Europe donc quand je lui dis que j’avais déjà vu Paris, Rome et Londres, elle m’écrasa de questions afin de s’assurer que la réalité était conforme à ses attentes.

Cette atmosphère paisible et amicale fut brutalement refroidie par la venue d’un étrange personnage. Le brouhaha des conversations cessa subitement à son arrivée. Je compris alors pourquoi on parlait de M avec un tel respect et une telle déférence. Le gars suintait de charisme. Totalement habillé de noir, sa chemise légèrement entrouverte laissait apparaître des pectoraux proéminents. Il arborait une coupe militaire présageant un homme était froid et calculateur. Sa cour le suivait ; un ramassis de midinettes en quête de reconnaissance du maître et de gardes du corps bien moins bodybuildés que lui. Il prit place, comme un roi dans un box VIP et étudia les gens présents dans la salle de son regard perçant.

Un blondinet à la crinière d’ange se pencha vers lui pour lui murmurer quelque chose. L’information ne dut pas lui plaire, car il frappa violemment sur la table d’un air fâché. Trois de ses sbires désertèrent alors le bar et M continua son inspection.

Lorsque nos regards se croisèrent, je sentis la puissance du félin. Ce type était mauvais, un véritable prédateur. J’en fus convaincu quand il se leva pour se diriger nonchalamment vers notre table.

  • Il est rare de voir de nouvelles têtes par ici, déclara-t-il d’une voix chaude et mielleuse. Bienvenue au Paradis Perdu monsieur Ambrose, je suis M.

Il tendit la main vers moi et je la serrai sans me poser de question. Il avait une poigne de fer et me broya littéralement les phalanges. J’en profitai pour l’attaquer :

  • M ? m’interrogeai-je tout haut. C’est le diminutif de quoi ? Maurice ? Marcel ?

Il se fendit d’un sourire carnassier et répondit simplement :

  • Mensonge.

J’allais de nouveau le titiller lorsque je vis Lauren se décomposer littéralement. Elle venait de recevoir un coup de fil qui l’avait bouleversée. Promettant d’arriver rapidement, elle coupa la conversation puis se tourna vers moi :

  • James, annonça-t-elle. Il y a eu un nouveau mort.

Je vérifiais mon propre portable. Pas d’appel. Ça devait être une fausse alerte. À moins que Miguel soit en train de cuver au motel. Je savais que mon numéro était mentionné sur le répondeur de ce dernier.

  • Impossible, déclarai-je. On m’aurait appelé.

Mais ce qu’elle m’avoua me cloua sur mon siège :

  • La victime est votre coéquipier.

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