Chapitre 6 : Duel

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Le bruit du moteur du module dans le hangar me réveilla non sans violence et je failli tomber du prototype de lit sur lequel j’étais. Au feeling j’évaluai mon temps de sommeil à 4h environ vu l’état de mort dans lequel j’étais. Etant dans l’obscurité presque totale, j’écoutais attentivement l’extérieur pour capter un minimum ce qu’il se passait.

J’sais pas si vous voyez le bruit que ça fait une casserole sur un mur mais c’est à peu près le son que mon crâne a produit quand la porte l’a percuté. Une blonde en blouson noir se dressait devant moi avec la lumière du couloir dans le dos, assez épique comme scène, du moins si elle était pas en position de m’étrangler à mort en raison de menottes. Sans me laisser le temps de faire mes prières elle me lança son meilleure pénalty dans l’arcade et je senti une gerbe de sang s’en échapper avant que ma tête se fracasse sur le mur opposé. Sans aucune once ou forme de respect, l’espèce d’animal qui venait de me frapper me choppa par le col et me traina dans le couloir tel un gros sac de faiblesse et de fatigue. Après m’avoir relevé avec une force de bras que je ne soupçonnai pas et avoir ouvert la porte du hangar avec mon visage, la Valkyrie me lâcha après 20 mètres de souillage dans le couloir. Ma joue froide sur le sol sec et poussiéreux j’ouvris les yeux et vis cette dernière faire quelques pas vers la grande porte puis se retourner vers moi. Elle m’avait tellement sonné que je n’arrivai pas à discerner la direction de son regard ; ma vue était flou et ma tête me faisait un mal de chiennasse. Je pris la décision de me relever et levai donc un bras pour me soulever malgré la douleur. Une fois surélevé je voulu bouger ma jambe pour me mettre debout mais Leila se mit accroupi et me fixa. Je m’arrêtai dans mon mouvement et la fixa à mon tour dans les yeux. Son regard était comme une gigantesque lance qui vous transperçait le cœur et l’esprit à chaque coup d’œil. Tant de couleur sur un si petit iris devrait être interdit. Elle me regardait comme on observe un enfant galérer, partagé entre moquerie, pitié et compassion. Je me mis complètement debout contre tout attente et fit en sorte d’avoir l’air un minimum solide et fier, parce que je vous explique, un gosse me mettait à terre en me crachant dessus, j’avais un manque de sommeil de plusieurs années et des douleurs multiples à tous les endroits où l’on pouvait avoir mal, c’était pas la folie. Elle me fixait toujours accroupi. Elle finit par se relever tout en soutenant son regard. Elle fit un pas dans ma direction, puis deux.

« Si tu peux me prévenir avant de me frapper ça m’arrange, lui dis-je en essayant de cacher ma détresse.

Elle continuait d’approcher.

-C’est quoi ton souci à me fixer en fait ? enchainai-je pour combler ce silence gênant alors qu’elle approchait lentement, depuis la gare t’as pris un malin plaisir à le faire c’est chelou.

Elle était à deux mètres, la portée de coup de pied était atteinte, je suai un peu plus.

Je fis un pas en arrière par mesure de sécurité personnelle, je faisais en sorte d’être sur le même rythme qu’elle.

-Tu sais si tu me disais c’que tu veux savoir ça serait plus simple, parce qu’avait le nombre de patates que tu m’as mise j’vais pas tarder à plus pouvoir faire usage de mes poumons.

Elle s’arrêta, je fis de même.

-Tu me répètes ton nom beau gosse ? me lâcha-t-elle avec la voix associée à ce genre de « beau gosse »

-¤¤¤¤¤¤¤¤

-Ouais c’était bien ça.

-Pourquoi ?

-T’as aucune idée de pourquoi ce gang en noir t’as choppé du sang je suppose ? me demanda-t-elle.

-Que dalle.

-Mmh mmh.

-Tu sais pourquoi ?

-Nan.

-Ok on est avancé du coup.

-Pourquoi tu t’es autant vénère contre ces flics ?

Elle enchainait les questions sans prendre en compte les miennes c’était un plaisir.

-Je sais pas. Ce genre de truc ça me fout la gerbe puis j’avais rien d’autre à foutre.

-Rentrer chez toi pt’être ?

La question fit mouche. Elle était forte. A peine la question posée son regard changea en voyant le mien changer.

-Alors ? enchaina-t-elle.

-Tu cherches quoi exactement ?

-Fais pas le fou réponds.

-Nan sérieux dis-moi directement c’que tu veux savoir ça sert à rien de jouer.

-T’as dit que t’habitais où déjà ? Vers le Tralion c’est ça ? Secteur 4 ?

-T’écoutais dans le camion ou elle t’a dit ?

-Personne retrouve son chemin naturellement sans savoir naturellement aussi nous prend pas pour des cons.

-Tu me sous-estimes un peu j’trouve.

-Wooo tu prends la conff mon grand, dit-elle en ricanant un peu, tu caches un truc et j’vais trouver c’que c’est.

-Je cache un truc ? répondis-je en riant, meuff mais t’as craqué en fait ? Juste parce que je te dis pas où j’habite je cache un truc ? Détends-toi poulette

Son regard pencha alors pour la moquerie.

-Sérieusement ? rétorqua-t-elle en souriant, tu penses vraiment que j’suis débile beau gosse, fais pas genre, depuis la gare tu le sais très bien, tu l’as vu.

-De quoi ?

Je savais très bien de quoi elle parlait.

Son regard trembla et revint à celui qui se moquait de moi, qui me regardait comme un petit garçon arrogant. Mais j’avais capté ce tremblement, je lui fis comprendre en la fixant de nouveau dans les yeux.

-Je…

-T’as pas besoin de le dire

Elle ferma les yeux, son visage passa du sourire à l’impassibilité.

Elle soupira.

Elle rouvrit les yeux.

-Ils y sont passés comment ?

Ma gorge se noua. Je continuai de la fixer. Elle me fixait aussi, mais je prenais le dessus. Le premier qui détournait le regard gagnait et elle allait perdre.

-Accident ? me demanda-t-elle la voie fébrile.

Je ne détournai pas mon regard, ma gorge s’était tellement nouée qu’un semblant de crampe y apparut.

-Me regarde pas comme ça putain… me lâcha-t-elle en détourna le regard, des sanglots dans la voix.

-Tu l’as cherché, répondit-je sèchement.

-Nan…Je voulais juste…

-Tu l’as cherché.

-Putain non ! Je voulais pas…

-Tu l’as fait alors assume.

Elle n’osait plus me regarder dans les yeux, elle avait rougi, c’était la première fois que son regard traduisait de la faiblesse.

Je décidai d’arrêter de la fixer.

-Putain… lâchai-je en riant nerveusement, ça fait quoi ? Une demi-journée peut-être qu’on s’est croisé et tu veux déjà en savoir beaucoup trop sur moi. Le problème c’est qu’en faisant la maline t’as trouvé un truc que t’étais pas prête à trouver n’est-ce pas ?

Elle pleurait presque.

-Ferme ta gueule putain… murmura-t-elle.

Je me mis à rire.

-Ta gueule bordel ! commença-t-elle à crier.

Je fis un pas vers elle.

-T’en as entendu parler c’est ça, toi et ta squad de fouineur vous avez forcément entendu parler de ça. Je suppose que mon histoire de « Secteur 4 » t’as mis la puce à l’oreille.

Elle releva la tête. Ses cheveux étaient décoiffés, ses yeux étaient rouges sang mais pas comme tout à l’heure, rouges de malheur, ses joues étaient brillantes, couvertes de larmes, ses lèvres étaient crispées et son regard plein de haine et de souffrance. Elle respirait fort.

Je fis un autre pas. Je baissais la tête tout en continuant à la fixer pour que mon regard soit à la même hauteur que le sien.

-Ouais… Tu sais très bien ce qui s’est passé en fait et ça te tue de savoir que ça s’est vraiment passé alors que tu l’avais oublié.

Elle se jeta sur moi, j’écartai ses bras prêts à m’étrangler et saisis sa tête de mes mains. Je collai son crâne au mien en continuant à la fixer. Les souvenirs me revinrent précisément avec leur lot de haine et de souffrance. Ses yeux étaient bouillonnants, ses pupilles vibraient et le reste du sang imbibés semblait s’y mouvoir telle de la lave en fusion.

-ILS Y SONT TOUS PASSÉS LEILA ! TOUS BORDEL ! LES FEMMES LES ENFANTS LES VIEUX LES HANDICAPÉS LES PRÊTRES LES INFIRMIERES TOUS BORDEL ! TOUS !

Je l’entendis murmurer « Arrête » entre deux de mes cris.

-J’AI TOUT VU PUTAIN ! J’AI TOUT VU ! DES COLONNES VERTEBRALES ARRACHÉES AUX TETES DECAPITÉES DES ENFANTS DEVANT LE PORTAIL DE L’ECOLE ! JE LES AI VU VIOLER CETTE WAXX PUIS LUI ECLATER LE CRANE SUR LE TROTTOIR AVEC LEURS BOTTES BLINDÉES ! JE LES AI VU LEUR DECHIRER LES ENTRAILLES ET CRACHER DANS LES TRIPES ETENDUES SUR LE BETON ! J’AI TOUT VU LEILA ! J’AI FUCKING TOUT VU RIEN NE VEUT S’EFFACER, ABSOLUMENT RIEN, TOUT EST LA, TOUT M’APPARAIT LA NUIT ET MEME DE JOUR ! PUTAIN J’AI ASSISTÉ A TOUT ET JE CREVAIS D’ENVIE D’ALLER LEUR ARRACHER LA NUQUE AVEC LES DENTS S’ILS NE M’AVAIENT PAS TENU DANS CE PUTAIN DE COFFRE ! J’LES AURAIS TOUS BUTÉ, TOUS MASSACRÉ, ILS SERAIENT RENTRÉS CHEZ EUX EN MORCEAUX ET IL AURAIT FALLU DES SIECLES POUR ASSEMBLER TOUS LEURS PUTAIN D’CORPS DE FACHOS DE MES DEUX…

-Stop… tenta-t-elle de crier, stop putain… stop…

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