Epées et Arbalètes

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Plume s'arrêta aux deux grands madriers qui condamnaient l'ancienne galerie. Elle avait d'abord bouché le petit boyau qu'ils avaient utilisé à la descente. Si les soldats essayaient de remonter par là, ils seraient bloqués par un vieux wagonnet qu'elle avait basculé dans l'ouverture.

Elle remit sa capuche en place et se dirigea vers le puits Couriot. Elle avait récupéré son sac de jute qu'elle avait rempli de roches quelconques. Piolet à la main et sac sur l'épaule, elle avança un peu plus dans la galerie.

Passant devant un tunnel secondaire, elle écouta. Elle entendait le rythme haché d'une pioche et le ronronnement d'un mélange de voix. Rien d'anormal, elle continua. Quelques lumières venaient vers elle. Mineurs ou soldats ?

Trop tard, elle cala son sac pour cacher. au mieux, son visage et recommença à marcher. C'était un groupe de mineurs. Fatigués, ils lui firent un bonjour de la tête. Elle répondit de même, seul l'enfant à l'arrière du groupe la salua d'un clin d’œil. Elle n'allait pas tarder à voir le contremaître devant le wagon de charbon qui attendait d'être rempli avant de partir vers l'élévateur.

Elle éteignit sa lumière. Au bout, elle voyait le clerc qui depuis ce matin n'avait pas vraiment bougé. Il ne mangeait plus mais il buvait. Il se pencha pour attraper une bouteille de vin cachée dans la pénombre. Même si elle ne pouvait voir précisément son visage, elle savait qu'il devait être suffisamment éméché pour ne pas remarquer quelques verdoyants de plus passer devant lui.

Elle allait repartir chercher les autres quand elle remarqua de nouvelles lueurs qui arrivaient du panier de descente.

Le clerc planqua la bouteille de vin dans le wagon de charbon et se redressa, tenant le wagon pour ne pas tomber. Une dizaine de soldats, en armes, stoppèrent devant lui. Certains avaient déjà tiré leur épée, d'autres tenaient une arbalète sur l'épaule. Le sergent responsable de la troupe parlait avec le contre-maître.

Plume ne comprenait pas la conversation mais elle se doutait de sa teneur. Elle partit en courant prévenir les autres.

Cube s'arrêta derrière les deux madriers en croix, interdisant cette partie de la galerie. Il était content de s'être écarté pour un temps de ce puits appelé "Alouette". C'était le nom qu'il avait lu sur la palissade au moment de descendre par la corde. Drôle de nom pour un puits qui puait la charogne.

Il hésitait à se montrer au delà des madriers. Sa corpulence était impossible à cacher. Et même les mineurs pourraient prévenir les gardes. Il n'eut pas à se questionner longtemps. Plume arrivait de sa foulée souple. Elle ne semblait pas très surprise de le voir au fond de la mine.

- Les soldats arrivent, dit Plume.

- Ça va ?

- Où sont les autres ?

- Ils sont montés par une corde que nous avons descendue dans le puits. Mais il va falloir attendre qu'ils nous la renvoient.

- J'ai peur que les soldats arrivent avant la corde, dit Plume.

Cube arracha un des deux madriers qui fermaient la galerie. Le panneau " Danger - Galerie abandonnée " tomba par terre.

- Viens j'ai une idée.

Et il partit, suivi de Plume. Dans la première courbe, il s'arrêta. Utilisant le madrier tel un levier, il commença à desceller les poutres et planches qui étayaient la galerie.

- Mets toi derrière moi et surveille l'arrivée des soldats.

Les poutres et les planches tombaient et, avec elles, quelques rochers mais pour l'instant sans provoquer l'écroulement de la galerie. Cube, concentré sur son sabotage, vit passer au coin de son œil une bille de métal. Elle frappa en pleine poitrine un jeune soldat parti en éclaireur. Tombé, il cria à pleins poumons pour avertir ses collègues. La fronde tourna une nouvelle fois. La pierre assomma le militaire.

- Ça ne marche pas dit Cube. Ces vieilles galeries sont plus résistantes que je ne pensais.

Comme pour lui donner tord, un éboulement se produisit. Ils attendirent que la poussière retombe. La galerie n'était qu'en partie obstruée. Il suffisait pour passer, de déblayer le haut du tas de cailloux.

Ils repartirent vers le puits.

- Si la corde n'est pas là, tu grimpes sans m'attendre, dit Cube.

Et la corde n'était pas là. Plume se pencha, passant la tête dans le puits. Rien ! Ni corde ni lumière.

- Ils ne sont que dix, dit Plume.

- Je t'ai dit de partir.

Elle ramassa deux morceaux de planches assez courts qu'elle soupesa.

- Je m'occupe de ceux avec les arbalètes. A toi de te débrouiller avec les épées.

Elle posa sa lampe frontale à terre et partit, un bâton dans chaque main, dans le tunnel obscur.

Inutile de discuter avec elle,. Cube se pencha pour mieux éclairer le boyau avec la lampe de Plume. Il enleva son lien de cuir au poignet pour s'attacher les cheveux. A la vue des premières lueurs s'agitant sur les parois au fond du tunnel, il dégaina son épée dans le dos et prit une longue inspiration.

Les soldats, leurs épées pointées, s'arrêtèrent à quelques pas devant lui. Arbalètes en main, quatre militaires en seconde ligne le tenaient en joue.

- Tourne toi et jette ton arme dans le puits ! dit le chef du groupe.

Cube n'eut pas le temps de répondre. A la lisière du cône de lumière, une ombre tomba du plafond. Par surprise, Plume désarma un, puis deux arbalétriers. Les soldats aux épées foncèrent sur Cube.

Pour le premier, ce fut facile. Tout le monde sous-estimait l'envergure de ses bras. Cube évita le coup à fendre et agrippa le bras du soldat le projetant derrière lui. Tombant dans le puits, son cri ricocha sur les parois pendant quelques secondes avant de s'éteindre d'un plouf final. Pour le deuxième, ce ne fut guère plus compliqué. Il arracha un madrier et l'envoya dans la face grimaçante du soldat. Le militaire s'affaissa.

Dos à la paroi, la lampe de Plume éclairait ses opposants à chaque fois qu'ils sortaient de l'obscurité pour l'attaquer.Maintenant, ils se méfiaient de lui. Trois soldats l'attaquaient sans relâche mais ils n'osaient trop s’avancer dans le cercle de ses bras. Pareils à des loups hésitant à attaquer un gros ours, ils agaçaient l'animal, sans pouvoir le blesser. "Que croyaient-ils ? Qu'il allait fuir ?"

Ce qui était une ombre, entra dans la lumière. Un soldat avait toujours son arbalète et le tenait en joue. Le trait siffla à son oreille et ricocha sur la roche derrière lui. Le soldat lâcha son arbalète, un carreau dépassait de son épaule. Gueulant, Cube fonça sur les deux soldats à sa droite. En deux coups d'épée, il assomma le premier et blessa le deuxième.

Voir un géant manier une épée aussi pesante qu'une massue par de grands moulinets fit disparaître les dernières traces de courage des gardes. Les soldats, encore debout, détalèrent vers les ténèbres accueillantes de la galerie.

- Plume ? PLUME ?

- Je suis là.

Il balaya de sa lampe le côté gauche du boyau. La lumière accrocha les pieds de la verdoyante. Adossée à la paroi, elle tenait encore l'arbalète qui avait blessé le soldat. Une tache foncée imprégnait sa tunique.

- Tu es blessée !

Elle souleva le tissu. Un carreau d'arbalète lui traversait l'aine.

- Enlève moi cette merde !

- Si je le retire, tu feras une hémorragie.

Elle n'insista pas. Les cours les plus importants de Mathusalem étaient dédiés à l'évaluation des blessures et à leur traitement.

- Je vais te remonter et Esther s'occupera de toi la haut.

Il se retourna vers le puits. La corde oscillait lentement tel le pendule d'une horloge.

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