Chapitre 2

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Au creux de l’abîme gisait un corps inerte. Tâchés ecchymoses et de blessures profondes, les vêtements qui le couvrit à peine étaient teintés d’un rouge carmin. Une partie de son visage se cachait sous une chevelure blonde cendrée. Du sang presque séché maculait sa mâchoire inférieure ainsi que son cou. Deux grandes ailes écarlates reposaient au sol, l’une d’ailes semblait avoir été profondément malmenée à en juger par sa position anormales et les traces de brûlures.

Cette découverte macabre provoqua une vague de frissons dans l’échine de l’héroïne. Ses pupilles se dilatèrent une nouvelle fois sous la pression de l’horreur. Cette chevelure similaire à la sienne, ces ailes au plumage écarlate. Ses membres ainsi que sa lèvre inférieure se mirent à trembler avec frénésie. L’hybride ténébreuse reconnut de suite à qui appartenait ce corps meurtri.

- Non... C’est pas possible...

D’un mouvement fébrile, elle glissa dans la fosse. Ses sanglots augmentèrent au fur et à mesure que la distance se réduisait entre eux. Alors qu’elle se rapprocha de son compagnon, l’héroïne se répétait le même mot en boucle. Ce simple mot de trois lettres qui pouvait tout dire comme ne rien dire. Une simple expression aux significations diverses et variées. Le déni rongeait son esprit tel un poison, telle une peste. Les sentiments néfaste et destructeurs de la tristesse embrumèrent son esprit. Tout semblait devenu sombre autour d’elle. Le monde se brisait dans des bruits lourds et terrifiants, son cœur la torturait. La jeune femme eut l’impression d’être tirée de tous les côtés, d’être déchirée en deux.

Elle s’approcha avec peine du blond et le secoua légèrement dans l’espoir vain de le réveiller. Mais les ténèbres se montrèrent résolus à garder leur victime entre leurs griffes. Et son manque de force conséquent ajouta un degré de plus à sa douleur physique et psychologique. Elle ne pouvait utiliser son alter pour soigner ses blessures. Celles-ci étaient bien trop profondes et le maintenir dans la conscience l’épuiserait. Elle ignorait si les secours les retrouveraient. Y avait-t-il des secours pour commencer ?

L’hybride ténébreuse disposa délicatement la tête du faucon sur ses cuisses. Sa vue se brouilla instantanément sous le flot des larmes. Ces dernières s’écrasèrent sur son visage terni par les cendres et la poussière. Avec une délicatesse mesurée, elle écarta quelques mèches de son front et découvrit ses yeux clos. Elle le caressa ensuite du bout des doigts, peu importe si ses mains se recouvrirent de sang. Son seul et unique souhait à l’instant était qu’il soit encore vivant, même aux portes de la mort.

- Keigo... Mon cœur, réveille-toi. Je t’en supplie. Articula-t-elle entre deux sanglots d’un ton suppliant.

Les yeux du dénommé demeurèrent clos dans les ténèbres. Sa voix affaiblie par l’effort et brisée par les sanglots, ne cessait malgré tout de l’appeler avec désespoir. La blonde put sentir son rythme cardiaque battre faiblement sur une cadence presque apathique. La mort fut prête à l’emmener.

Malgré ses propres blessures et la fatigue menaçant de briser sa conscience, l’hybride ténébreuse ferma les yeux et se concentra pour activer son alter. Ses veines s’illuminèrent alors d’un faible rouge écarlate tandis que son corps se mit à dégager une aura. Celle-ci vint alors entourer le cendré, ses blessures ne tardèrent pas à se résorber avec lenteur. Les secondes semblèrent alors défiler au rythme des heures pour la blonde. La jeune femme se mordit la lèvre inférieure jusqu’au sang afin d’étouffer sa peine. Ses forces vitales commencèrent dangereusement à manquer mais elle fut déterminée à maintenir le héros en vie. Un filet de sang coula bientôt de son nez et de sa bouche. Et les vertiges ne tardèrent à rejoindre se supplice infernal. Son corps se transforma littéralement en brasier. L’hybride ténébreuse eut l’impression d’avoir des aiguilles plantées dans son œsophage.

Dans un tel état, utiliser la régénération provoquait des dégâts internes et pouvait la mettre sérieusement en danger. Elle en était consciente et sacrifier sa vie pour l’homme qu’elle aime, lui importait vraiment peu. Rien ne la retenait dans la vie hormis le faucon et si sa dernière action fut simplement de le sauver alors elle le ferait sans broncher.

La torture et la fatigue déformèrent son visage. L’héroïne frôlait dangereusement le malaise. Ses ultimes ressources vitales venaient d’être puisées. Elle se mit à cracher le sang accumulé dans une forte toux et porta ensuite une main à sa gorge. Une grimace de dégoût étira son visage sous la caresse du liquide carmin sur son palais. Cet horrible goût métallique lui refilait des nausées. Elle rouvrit les yeux, laissant apparaître des orbes bleues céleste et observa le cendré.

Une partie de ses ecchymoses et blessures mineures avaient disparues. En revanche, ses plus grandes plaies demeuraient ouvertes mais moins conséquentes. Les forces de la blonde ne suffixèrent plus à compléter le processus de guérison. Bien trop faible, la jeune femme réalisa avec avec tristesse et frustration qu’elle ne pouvait le sauver. Elle aurait embrassé la mort avant même d’avoir pu le sauver de son sillage. Néanmoins, elle avait réussi à la repousser. Elle frappa le sol avec force et poussa un faible juron.

L’hybride ténébreuse se demanda alors quand est-ce que tout avait dérapé. Pourquoi fallait-il que sa vie prenne une tournure aussi sombre ? Aurait-t-elle été plus clémente si ses choix avait été meilleurs ?  Si son passé avait-été différent, aurait-elle pu éviter de tels drames ? Les dommages collatéraux furent si nombreux que l’héroïne osa penser : Si elle disparaissait, cela cessera-t-il enfin après son départ ? La pauvre se sentait désemparée face à ce massacre semblable à un génocide. Elle était épuisée aussi bien mentalement que physiquement. Elle ne savait plus où se mettre désormais.

Les nombreux barrages que la jeune femme avait longtemps érigé et gardé par crainte de représailles, de perdre tout ce qu’elle avait durement acquis cédèrent enfin, tel des dominos dans un fort bruit effrayant entendue par elle seule. La blonde laissa enfin libre cours à ces sentiments qu’elle avait longtemps enfoui au plus profond d’elle-même, là où personne n’irait et n’oserait chercher. Ce coffre-fort perdu au plus profond de son cœur s’ouvrit enfin.

Ses larmes coururent sans limites sur ses joues et s’écrasèrent sur le visage de son bien-aimé, parti désormais de l’autre côté de la frontière. Son esprit fut dévoré par la culpabilité, la tristesse et la colère. Les émotions et les sentiments vinrent la submerger tour à tour telles des vagues meurtrières prêtes à la noyer. Ses membres tremblèrent sous les sanglots. La douleur de ses blessures physiques fut bien dérisoire face à celles de son cœur meurtri sans relâche par les années de souffrance et d’angoisse. C’est comme si l’hybride ténébreuse avait tout perdu en un claquement de doigt car la vie estimait qu’il fut assez pour elle de croquer dans le fruit interdit du bonheur.

«Misérable, tu es fière de toi ? »

«Ta pathétique faiblesse l’a tuée, tu aurais du mourir à sa place !»

«Traitresse, maniuplatrice»

«Assassin»

«Tu auras beau te battre aux côtés des héros, tu resteras toujours une vilaine !»

Son esprit se fit un malin plaisir à lui répéter ces mots en boucle. Ses pleurs redoublèrent alors de force. La jeune héroïne eut la désagréable sensation d’entendre une cacophonie assourdissante. Elle plaqua brutalement ses mains sur ses oreilles et planta ses ongles dans son crâne. L’envie de hurler le poids de ses émotions la tiraillait mais ses cordes vocales bien trop endommagées l’en empêchaient. Ses dents grinçaient entre elles sous la force de sa mâchoire crispée. Ses yeux fermés et plissés n’avaient pas laissé place aux ténèbres mais à tous ses démons. Ces créatures mentales qui empoisonnaient son corps en plus de son esprit.

«Tu mérites de mourir ! Brûle en enfer sorcière !»

«J’ai toujours su que tu étais maudite»

«C’est un démon ! regardez ses ailes !»

Les voix se mélangèrent et résonnèrent en écho autour d’elle. Son corps tremblait sous la pression de la torture mentale qui lui était infligée. Le poids de la culpabilité sembla se décupler à chaque mot prononcé. La jeune femme se sentit écrasée par ses émotions, oppressée par ses bourreaux qu’étaient son passé ainsi que ses blessures. Elle se sentit acculée par ce déferlement de haine soudain. Ses ongles s’enfoncèrent encore plus dans son crâne. Quelques gouttes de sang teintèrent bientôt les racines de sa chevelure solaire. La blonde implorait inconsciemment le silence, celui qu’elle trouvait autrefois tyrannique lors de son errance. Hantée par ses bourreaux et par ses plaies sanglantes, elle ignorait désormais la douleur qu’elle s’infligeait. Les vertiges ne tardèrent plus à la prendre en assaut.

Le monde sembla abattre ses injures tels des coups de fouets. Malgré ses yeux fermés, l’hybride ténébreuse se sentit partir, prête à rendre les armes. Sa volonté s’effrita au rythme des horreurs que son esprit lui répétait tel un disque rayé.

- Pourquoi ?

Elle ouvrit brusquement les yeux et leva la tête. Tout était noir. Il n’y avait ni ciel, ni terre. Le sol avait l’apparence de l’eau bien qu’elle eut pied. Les ruines de la ville balayée par la guerre avaient laissé place à un désert plus obscur que la nuit elle-même. Une atmosphère lourde et glaciale écrasait la pauvre femme. Ses yeux rougis par les larmes erraient sur les alentours sans fin. Le froid mordit violemment sa peau. Elle se redressa avec lenteur. Ses mains se délogèrent de son crâne pour venir entourer ses bras. Malgré cette protection dérisoire contre l’air glacé, l’héroïne sentit la chaleur de ses paumes se diffuser faiblement. Le regard perdu sur ces environs infinis, elle tourna sur elle-même.

- Pourquoi ?

Cette voix qui résonnait en écho dans cet espace infini pétrifia la blonde sur place. Elle ne lui était pas inconnue. Au contraire, celle-ci lui était bien trop familière. Elle se retourna dans une lenteur démesurée puis fit face au cauchemar qu’elle redouta le plus. Celui dont elle avait été séparée, se tenait debout à quelques mètres d’elle. Couvert par les blessures de la guerre, le cendré avait l’apparence d’un cadavre. Sa mâchoire ainsi que son cou étaient abondamment couverts de sang. Son visage dénué d’émotions contrastait avec ses yeux écarlates et onyx, lançant un regard inondé de haine et de tristesse.

Mais un seul détail retint vraiment l’attention de l’hybride ténébreuse. Un long frisson parcourut l’intégralité de son corps. La jeune femme eut l’impression qu’elle ne cesserait de si tôt d’être secouée par cette vague de frissons désagréable. La vue macabre offerte sous son nez lui provoqua une nausée brutale. Mais elle demeurait figée, incapable de bouger ne serait-ce qu’un ongle. Le choc et l’horreur se gravèrent sur son visage.

Keigo n’avait plus ses ailes...

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