Brocéliande - 1

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Après avoir longé le quai Mitterrand, la bicyclette bifurqua sans crier gare sur sa gauche et s'engouffra sous un porche du Louvre, puis fonça délibérément en direction de la pyramide sans ralentir son allure. A la plus grande stupéfaction de la foule faisant la queue au niveau de la pyramide du Louvre, le vélo kamikaze fonça comme un missile vers la porte de la pyramide et s'engouffra dans l'escalier, la cycliste maniant fermement la barre faisant office de guidon sur cette bicyclette tout-terrain. La foule s'écartait sur son passage, ameutée par le tintamarre de sirène de police qui semblait émaner de la cycliste elle-même.

Négociant les virages au niveau des paliers à grand renfort de dérapages contrôlés, témoins d'une grande maîtrise de cette singulière discipline, la bicyclette enragée vira enfin vers un long corridor rappelant un couloir de métro.
Ignorant les portes de service blindées flanquant le corridor à intervalles réguliers, conférant à celui-ci un aspect hybride de caserne, de prison ou encore de laboratoire, la bicyclette fonça délibérément vers le mur situé à l'extrémité du corridor. D'un geste leste, la cycliste actionna une télécommande. Un cadre bleu fluorescent en forme de porte apparut dans le mur, comme dessiné à la craie, puis sans ralentir … la bicyclette passa à travers le mur.
Une déflagration stridente retentit une fraction de seconde plus tard.

Le mur s'était rematérialisé inopinément avant que la bicyclette n'eût le temps de le franchir entièrement, bloquant celle-ci instantanément, quant à la cycliste, elle se vit propulsée par sa propre inertie, dans l'espace situé au-delà du mur. Elle termina son plongeon contre le sol d'une salle vide. La salle, ou plutôt le puis, car cet espace s’étendant verticalement comme le puis d'un ascenseur géant, était illuminée par le haut par le truchement d'une verrière.


La cycliste glissa sur le sol, puis vint achever sa course contre un des murs, également en verre, encadrant le puis de lumière. Après quelques secondes d'immobilité la silhouette se releva, puis boitant légèrement, se dirigea vers une porte métallique aménagée dans la paroi de verre. D'une poche de son sac à dos, elle produisit un badge. La porte s'ouvrit lorsqu' elle s'en approcha.
D'un air dégagé, feignant une innocence quelque peu forcée, elle suivit alors la galerie qui faisait le tour du puis, prit une porte qui conduisait à un dédale de corridors rappelant des couloirs de bureau, entra dans l'un d'entre eux et entreprit de changer de tenue vestimentaire, troquant son vêtement de sport contre un jean et un tee-shirt qu'elle venait de sortir du minuscule sac à dos qui complétait sa panoplie sportive.
Toujours de l'air le plus innocent du monde, elle se dirigea vers une salle de conférence, son boitement s'étant atténué. Elle poussa délicatement la porte de la salle de conférence, et y pénétra sur la pointe des pieds quand une sirène retentit.

"Code d’alerte orange," débita une voix de synthèse.

"Tentative de pénétration des locaux sécurisés" continua la voix impassible.
"Dysfonctionnement du nano mur numéro trois".

Les regards des personnes présentes dans la salle de conférence se tournèrent lentement vers la nouvelle venue, puis la voix grave du docteur Flamel, à la fois sévère et suave, trahissant un grand degré de self-contrôle se fit entendre :

"Mrs Stone, vous nous faites un bien grand honneur de vous joindre à nous, quand bien même ce serait avec 5 minutes de retard ! Le trafic est pénible à cette heure-ci, n'est-ce pas ?"

Ash s'efforça de produire le sourire le plus innocent qu'elle avait à sa disposition, dans sa riche collection d'expressions faciales (la plupart étant pour l'essentiel des airs désabusés, dédaigneux ou sarcastiques). Cessant d'épingler cet air un peu niais, elle resta figée avec cette expression attendant la suite des évènements quand une des portes de la salle de conférence s'ouvrit avec fracas, laissant entrer le sergent O’ Reilly, en fureur, le visage cramoisi qui se dirigea directement vers elle, ne la quittant pas du regard.

"Que dites-vous de ça ?" dit-il en brandissant deux moitiés de ce qui était encore quelques minutes auparavant un vélo.

"Wow", dit-elle, sans se laisser décontenancer une seconde, "vous avez déchiré un vélo en deux". C'est une performance, même pour vous !"

"Non ! dit-il, c'est une performance, même... pour vous !"

"Ce n'est pas moi qui ai déchiré ce vélo en deux", dit-elle !

"Mrs Stone, dit-il, cette bicyclette vous appartient bien ? N'est-ce pas ?"

"Vous savez ce qui arrive à des objets métalliques lorsqu'ils entrent en contact avec un nano mur ?".

"Laissez-moi deviner, dit-elle, fronçant le sourcil, feignant de cogiter intensément".

"Assez", dit Flamel qui avait repris la parole, de sa voix aux accents anciens, aristocratiques, suave mais incisive.

"Mrs Stone", vous viendrez me voir après ce meeting pour tirer cette affaire au clair".

"Padma", continua Flamel, "ayez l'obligeance de récapituler les faits pour le bénéfice de Mrs Stone", en attendant, Daniel Lambert va me remplacer comme chairman de cette réunion, on m'attend au QG de Londres".

Puis Flamel s'en vint, de son pas mesuré de diplomate ancien style.

"Les faits sont les suivants", dit Padma, prenant la parole de son ton professoral "les autorités ont été contactées par une compagnie d'assurance dont des agents, chargés d'une enquête au sujet d'un accident de la route, ont disparu".

"L'accident en question a eu lieu en Bretagne, à proximité de ce hameau isolé", dit Padma en dirigeant son pointeur laser vers un l'emplacement correpondant de la carte qui s'affichait sur un des écrans de l'amphitéâtre.

"En quoi ce fait divers nous concerne-t-il ?" demanda Ash.

"L'enquête n'a pas abouti, en dépit des efforts de la police", répondit Daniel.

"De plus, ce n'est pas la première disparition aux alentours de cet endroit. Des faits semblables ont été rapportés et consignés au travers des siècles".

"Des faits divers et de vieilles légendes," dit Ash, "c'est tout ?".

"Non", dit Padma, un léger sourire gêné aux lèvres, "Comme l'affaire ne nous paraissait pas particulièrement alarmante, Tenpé nous ayant fait part de son désir de participer à une de nos investigations, nous l'avons chargé de nous faire un rapport sur la situation".

"Ne me dites pas que Tenpé est sur la trace d'un véritable phénomène surnaturel", dit Ash !

"Non", dit Daniel, "… il a disparu … !"

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