Les fluctuations antipodales

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Un après-midi au réveil lascif et caféiné, dans le jardin je tiens un livre en ombre de chevet. Des fourmis tentent une ascension vers mes sommets, elles se cherchent un radeau de fortune. D’un souffle je les balaie, prises à leur échelle dans une tempête, transbordées sur les belles flamboyantes qui se font butiner par les abeilles et les bourdons. Pendant ce temps, mes yeux glanent les mots du célèbre navigateur Yvan Bourgnon, en route vers les Marquises. Entre les brindilles dansantes, je croise l’oeil intrigué de la vieille poule rousse, immobile. Elle relève le cou, un grain de maïs s’échappe de son bec. Sent-elle aussi l'air qui gronde ?

- Chéri ?

Pas de réponse, mais la porte vitrée se claque dans un fracas et continue de trembler dans sa gâche, incessamment.

Un dense nuage vient à éclipser le jardin, présageant une fine pluie qui farine déjà sur les cases du quartier, et à mesure que les secondes s’écoulent, les gouttes se gonflent. Les chiens aboient sans relâche, et les merles de Maurice mugissent telles des sirènes élevées au sommet des pylônes électriques. Encore, plus fort la cacophonie.

Je lève le nez du papier, les yeux plissés vers le chahut. Pourquoi suis-je déjà aussi détrempée et - mes cheveux rêches; et - ce goût de sel dans la bouche, d’où… ?

Ex-nihilo, je suis aveuglée et abattue par un éclair, une fulgurance.

Dans le silence, un battement de coeur; mes yeux s’écarquillent. Et du chaos de la dernière inspiration d’un mort, je renais.

Mes poumons sont extirpés de leur cage, et j’inhale un paquet de mousse salée que je vomis instantanément. Agenouillée, le décor défile à une vitesse folle sous le filet tribord, et l’indomptable tangage du catamaran me fait décoller le coeur.

- Mais t’es qui toi ?! Qu’est c’que tu fous là ?!

Je relève la tête, mais pas un mot ne sort. Je suis ahurie, comme abêtie, mais pas effrayée, car je sais.

De la contre-gîte à bâbord, il me dévisage et secoue la tête à plusieurs reprises pour se rappeler à lui:

- Puisque t’es là, aide moi, reste pas à tribord, c’est trempé. Et dégueule pas dans mon bateau !

Je le rejoins et m’amarre rigoureusement. Nous nous regardons de longues secondes sans trop savoir quoi se dire. Il finit par briser le lourd silence :

- Où est c’que t’étais cachée ? J'vais pas t'engueuler. T’as embarqué aux Galápagos, c’est ça ?

Sans même me laisser le temps de répondre, il marmonne dans sa barbe grise :

- C’est pas possible, je t’aurais vue, et puis ça fait 10 jours. Ma Louloutte n’est pas habitable…- d’où tu viens, toi ?

- Tu m’croirais pas, je préfèrerais te dire que j’ai embarqué sur ton bateau accompagnateur… Je saurais pas te donner d’explication plausible… à quoi tu pensais avant que j’arrive ?

- Que j’m’étais embarqué dans un sacré défi encore ! C’est pas l’premier tu sais jeune fille. Et puis j’rêvais d’un peu de confort et de verdure pour une fois. Après ces semaines de nav’, j’imaginais même une femme dans ce décor…

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