Chapitre 1 - Partie 2

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 Il faisait déjà terriblement chaud pour la saison, même si le soleil n'avait pas encore percé à l'horizon. La ville suffoquait déjà sous les vingt-cinq degrés de pollution et de chaleur humaine.

 Lev sortit en trombe de l'immeuble. un rapide coup d'oeil à son bras lui confirma ses craintes : il était une fois de plus en retard.

  • Maudite couette.. maugréa-t-il en pressant le pas.

 Il marcha une dizaine de minutes et atteignit finalement la porte d'entrée du métro.

 Les escaliers d'accès étaient bondés. Toute une foule de travailleurs se pressait à dévaler les marches en pierre. Malgré ses efforts pour se préparer rapidement, il arrivait bien trop souvent en même temps que le flux quotidien de passants.

 Le quartier dans lequel il vivait était au sud de la banlieue de Kolsoy, elle-même située bien loin de tout océan, dans la périphérie intermédiaire de Moscou. Cette dernière, centre névralgique du monde, était l'une des rares anciennes capitales encore debout. Même New York la Suprême était tombée sous le joug des terribles inondations.

 À trente kilomètres du centre historique de Moscou commençait sa banlieue la plus proche, Blizkoy. Ceux qui y vivaient étaient particulièrement riches et faisaient partie de l'élite de la société. Ils benéficiaient de lignes de métro réservées qui desservaient directement le quartier des affaires. Une autoroute permettait également de rejoindre la ville.

 Un peu plus éloignée, Kolsoy accueillait une population plus modeste, la classe moyenne. Ces gens-là n'étaient ni particulièrement riches, ni particulièrement pauvres. Bien souvent, il s'agissait d'ouvriers ou artisans, luttant quotidiennement pour vivre, et parfois survivre. Lev y avait emménagé avec Katya trois ans auparavant. Encore jeunes, et bien que promis à un avenir professionnel confortable, ils ne pouvaient prétendre à la zone la plus riche. Les lignes de métro, nombreuses, n'interféraient jamais avec celles de Blizkoy. Certaines permettaient néanmoins d'accéder au centre historique, même si la plupart menaient à des usines et centres d'activité, au coeur du Kolsoy.

 Enfin, Dalsoy était la banlieue la plus éloignée de la capitale, à un peu plus de soizante-dix kilomètres de distance. Les conditions de vie y étaient les plus dures et les gens s'entassaient dans des cages à lapins insalubres. La précarité sévissait, et plus de quarante pourcents de la population était sans emploi. Beaucoup rêvaient d'une vie meilleure et tentaient leur chance à Kolsoy. Mal considérée, l'immigration était strictement contrôlée et un mur infranchissable se dressait entre les deux zones.

 Lev finit par s'engouffrer à son tour dans les souterrains. En bas des marches, des portiques de sécurité s'assuraient du paiement des voyageurs. A son tour, il passa le bras gauche dans la grosse fente en prenant soin de ne pas abimer son Profiler. La machine laissa échapper un bip distinctif et les portes s'ouvrirent.

 Il s'avança dans les allées sombres et se dirigea vers le quai vingt-six, d'où partit son train quelques minutes plus tard.

***

 Une heure après, Lev arriva au journal, exténué par son trajet. Debout toute la traversée, il n'a cessé de se faire bousculer par les autres travailleurs, notamment lors des arrêts, fréquents, où le flux de personnes était le plus intense.

 Il épousseta ses habits, prit le temps de se recoiffer, et pénétra dans le grand bâtiment. Deux vigiles gardaient l'entrée principale. A côté d'eux, une caméra à reconnaissance faciale et un lecteur NFC permettaient l'identification des employés. Il prit place face à la caméra et positionna son bras sur le lecteur.

  • Lev 1-0-0-3-2-5-0, déclama-t-il d'une voix forte.

 L'instant d'après, une diode verte s'alluma et le SAS s'ouvrit. Il rejoignit l'ascenseur et composa le code d'accès du huitième étage. Il entra dans l'open-space, salua ses collaborateurs et rejoignit sa place. Son responsable voyait d'un mauvais oeil son retard mais retint ses commentaires désobligeants. De part sa seconde profession, avocat, Lev bénéficiait d'un traitement de faveur. Il servait ainsi les intérêts du journal lorsque le besoin se présentait.

 La matinée se passa dans un silence relatif. Quelques groupes bavardaient dans leur coin, d'autres ne cessaient de taper sur leur clavier d'ordinateur. Lev passa quelques coups de téléphone, notamment pour recueillir les témoignages des familles. Une boule se forma dans son ventre lorsque le nom de Gino Gallo s'afficha à l'écran. Il ne pouvait se résigner à appeler sa femme, qui tenait pour responsable le journal de l'état de santé mentale de son mari avant son suicide.

 Il était près de onze heures lorsque, enfin, il termina la rédaction de son article. Il se rendit à la machine à café pour y faire une pause bien méritée.

 A son retour, un brouhaha avait envahi la pièce.

  • Que se passe-t-il ? demanda-t-il à son voisin, tout en s'asseyant à sa place.
  • T'as pas vu la nouvelle ? Regarde ton Profiler.

 Ses yeux pétillaient de plaisir et d'excitation. Autour de Lev, tous les journalistes étaient penchés sur leur propre machine. Il en fit de même, intrigué. Un message prenait l'intégralité de l'écran.

"Bienvenue, Lev 1003250"

Circonspect, il appuya sur le texte et en dévoila la suite.

"Félicitations pour votre première connexion. Vous venez de gagner 0.40я."

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