Des morceaux de ciel - 2

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Une autre fois, tu as été réveillée en sursaut par un creuse-cœur gros comme la paume, d’un violet sombre, occupé à te lacérer l’abdomen pour y construire son nid. Tu as projeté au loin la créature surprise. Seulement dans les contes, croyais-tu jusqu’ici, la bête cauchemardesque confondait-elle les Dai endormis avec des bulbes de pasoa et leur forait les intestins en espérant atteindre un cœur liquide et chaud.

Malgré la relative superficialité de tes blessures, tu as manqué mourir. Tu as déliré pendant plusieurs jours et ton ventre meurtri a pris des couleurs surnaturelles. Tu as survécu par hasard, quand l’une des plantes que tu avais ingérées, tu ignorais laquelle, a fait taire le mal.

Bientôt, la forêt t’adoptait. Ou tu l’adoptais, l’un ou l’autre. Tu mangeais la nourriture que tu avais toi-même trouvée et préparée, avec les armes et outils que tu avais toi-même fabriqués. Si tu avais survécu jusqu’ici, c’était uniquement de ton fait. Et personne d’autre ne bénéficiait indûment de ton labeur.

Tu n’avais pas la sécurité du clan ni sa compagnie, mais il y avait une certaine quiétude à n’effectuer que des actions aux conséquences concrètes et immédiates sur ton quotidien. Tu notais sans mal tes progrès à la chasse, mais aussi l’évolution de tes sens, de tes réflexes et de ta force physique. L’apport accru de nourriture t’avait permis de développer ton corps, toujours petit et menu, mais moins frêle. Une délicate musculature commençait à se dessiner. Dans peu de temps, tu aurais perdu tes formes d’esclave. Et dans quelques cycles d’Essea, avec un peu de chance, tu aurais la carrure robuste d’une vraie Riao.

Tu avais dit à Royan, des pirishoan plus tôt, que tu irais retrouver l’Apræncal à la Cité ælv pour devenir une vraie Dai. Mais l’idée te séduisait de moins en moins. Outre la confrontation inévitable avec les Ælvn, tu savais qu'eux aussi te rejetteraient. Si, par quelque miracle, tu parvenais jusqu’à l’Entraîneur, il lui suffirait de te regarder pour te répudier. Tu étais trop faible. Que ferait-il d’une petite akci maigrichonne ? Rien. Rien du tout.

Dans la forêt, au contraire, tu gagnais ton droit d’entrée chaque jour. Tu passais ton temps à chasser, à fuir les prédateurs, à cueillir et à dérober quelques sixièmes de ciel de sommeil. Malgré tout, tu te sentais vivante.

Tu n’avais jamais eu l’occasion de remarquer que la présence des Dai te drainait. Il aurait été risqué d’échapper à la surveillance des membres du clan pour un seul à seul avec toi-même : on aurait pensé que tu tentais de t’enfuir. La solitude n’était pas une option pour les esclaves, alors tu la savourais pleinement.

Tu menais une existence plus dangereuse, plus esseulée, mais tu l’aimais bien davantage. Quoique la mort te guette constamment, tu ne regrettais en rien ta vie d’avant. Tu habitais le cœur de la forêt, dans ses régions inhospitalières, et tu t’en délectais.

De toute façon, l’Apræncal existait-il réellement ? Des rumeurs ne prouvaient rien. Il était improbable qu’un Dai entraîne des Dai de tous clans dans la Cité ælv. Un début d’entente entre les clans était déjà incroyable en soi, un havre dai chez les Ælvn relevait du fantasme.

L’Apræncal n’aurait pas voulu de toi quoi qu’il en soit, te répétait ton esprit en boucle. Trop faible, trop petite. Trop ælv. Mieux valait rester ici, dans la forêt. Ta forêt ? Aucun clan n’y vivait, mis à part les bannis qui l’arpentaient sans but. Ils avaient fauté, y avaient été envoyés de force. Tu y étais venue volontairement. Tu te l’étais appropriée, cette frontière dense entre les clans. En un sens, oui, elle et toi vous apparteniez.

Loin de l’orée tranquille aux abords de la plaine ou des clans, les rayons de Mur traversaient péniblement les branches luxuriantes de la végétation. Les créatures pourpres à bleutées foisonnaient, mais leurs déplacements malhabiles les rendaient inoffensives pour la plupart.

Tu ne les chassais pas non plus. Ton clan, d’aussi loin que tu te souvenais, n’avait jamais pris la peine de rapporter leur chair incomestible, allant jusqu’à ignorer les individus qui se prélassaient insensément aux abords de Riao.

D’autres espèces plus dangereuses fréquentaient tes nouveaux horizons ; tes rencontres avec de gros prédateurs se sont multipliées.

Il t’arrivait de plus en plus fréquemment de traverser les restes démesurés d’anciens troncs et de carcasses, arches naturelles de bois et d’os. Si on pouvait les ramener au clan, as-tu songé au début, nos huttes se construiraient presque toutes seules. Puis tu t’es reprise : la forêt était le seul clan qu’il te restait.

Une réflexion similaire t’a fait t’arrêter une autre fois, alors que, remontant un cours d’eau en quête d’une source claire, tu as découvert une forme grise et rectiligne. Tu t’es approchée pour toucher la surface lisse et froide du kuxaybi.

La pièce de métal était dense et large, parcourue des petits symboles cryptiques qui recouvraient parfois ces objets singuliers. Au clan Riao, ils auraient pu y forger plusieurs armes de qualité. Dans le clan de la forêt, elle te servirait tout au plus d’abri de fortune.

À une centaine de pas, un rongeur s’est arrêté de chanter. Tu as observé les environs en respirant silencieusement. Quoique la lumière de Mur soit encore très faible, mais tes yeux félins n’en avaient cure. Te redressant sans un bruit, tu as humé l’air, mais le vent soufflait dans le mauvais sens. Si un pressentiment persistait à t’avertir, ni ta vue ni ton odorat ne décelaient de présence ennemie.

Puis, une fine brindille a craqué à une cinquantaine de pas. Il aurait pu s’agir d’une bête inoffensive, mais tu es restée sur tes gardes. Fixant l’endroit d’où provenait le bruit, tu as bandé tes muscles. T’avait-elle repérée ? Tu as attendu. L’ennemi aussi s’était immobilisé. Tu distinguais à présent ses contours, presque parfaitement dissimulés par la végétation.

Le vent a tourné et une brise a transporté l’odeur d’un second prédateur, posté à une trentaine de pas dans ton dos. Tu reconnaissais cette odeur. Tes attaquants étaient des riyawn au corps épais, roux et rayé, à la crinière blanchâtre fournie : l’espèce dont Baraghi tenait le plus ses traits, la crinière en moins.

Une impulsion a failli te faire grimper à un jeune arbre, mais tu as bien vite repoussé l’idée qui t’aurait seulement permis de gagner du temps. Les riyawn, pas plus que les apalun, ne manquent de patience. L’arbre, de surcroît, n’aurait pas résisté bien longtemps à leurs pattes puissantes.

Tu as réfléchi rapidement. À une contre un, tu aurais eu peu de chance de l’emporter ; à une contre deux… ta célérité pouvait-elle te sauver ?

Ignorant les protestations de ton instinct, tu t’es avancée en direction du riyaw embusqué dans les fourrés. Aussitôt, il s’est élancé vers toi. Tu as entendu le second l’imiter. Alors, tu as pivoté et cavalé de plus belle. Pas surpris, le premier continuait sa course, tandis que le deuxième accélérait l’allure, ravi de pouvoir te croquer avant son compère.

Tu as ralenti pour les ramener tous deux à une distance égale puis, lorsque chacun ne s’est plus trouvé qu’à quelques pas de toi, tu as bifurqué d’un coup, t’écartant de tes adversaires. Des bruits de bagarre t’ont t'avertie de la collision. D’un rapide coup d’œil derrière toi, tu les as aperçus sauvagement entremêlés, les griffes de l’un dans les chairs de l’autre.

Il s’en était fallu de très peu.

Consciente que la querelle ne s’éterniserait pas, tu as mis la plus grande distance possible entre les riyawn et toi. L'écho rythmique de leurs pattes sur le sol te pressait davantage. Ton unique option était de détourner leur attention, de débusquer une bête plus lente qu’ils n’hésiteraient pas à prendre en chasse. Les conditions étaient moins qu’idéales pour traquer, mais ta survie en dépendait.

Heureusement, le gibier abondait dans cette zone, de sorte que tu as bientôt repéré un rongeur qui filait à toute allure. Si l’animal était trop petit pour intéresser les deux prédateurs, tu espérais qu’il freinerait leur course, t’accordant une seconde opportunité de les semer.

Les fauves n’ont pas jeté un œil au maigre herbivore. Tu as donc entrepris de le prendre toi-même en chasse et, sans t’arrêter, lui as brisé la nuque d’un coup de griffes. Le sang de ta proie s’est répandu en gouttes sur le sol, attisant l’appétit de tes poursuivants. Tu as lancé la pauvre bête au loin et, comme prévu, l’odeur du sang a eu raison d’eux : l’un et l’autre se sont élancés sur le cadavre pour se le disputer.

Dans le temps imparti, tu as distingué les effluves de plusieurs animaux, dont l’un t’a paru de taille à détourner pour de bon l’attention des fauves. Sans hésitation, tu as pisté le tuhyæl isolé tandis que les riyawn te rattrapaient. Ta proie insouciante sommeillait entre les racines d’un arbre lorsque tu lui as planté ton couteau en travers de la cuisse. Surpris, il a poussé un cri et détalé après t’avoir frappée à la mâchoire d’un coup de sabot. Ignorant la douleur, tu l’as suivi de près. Alors qu’il tournait la tête pour te mordre, tu lui as infligé une seconde blessure et, quand tu as estimé le flot de sang suffisant, as abandonné la créature à son triste sort, espérant de toutes tes forces que les riyawn n’auraient pas l’idée de délaisser ce ruminant gras et sanguinolent au profit d’une maigre Riao.

Les fauves ont hésité, puis se sont lancés à la poursuite du tuhyæl qui perdait rapidement du terrain. Rassurée, tu les as laissés loin derrière toi et t’es t’affalée pantelante sur une branche élevée, le cœur en cavale et la joue endolorie.

À peine te croyais-tu libérée de l’emprise de Baraghi que son esprit revenait te pourchasser.

Tu t’es remémoré malgré toi le sourire fier, le rire rauque et les encouragements d’Agi, dans son dai au fort accent riao.

Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Son inquiétude quand tu te blessais, sa grosse voix et ses grands crocs qui effrayaient les autres enfants, ses ronflements, la façon dont il plissait les yeux de contentement.

Pourquoi ?

Les rires qu’il provoquait chez ta mère, les kapsan qu’il grillait pour toi, les histoires qu’il te racontait.

Tu étais stupide de l’aimer.

… Étais-tu stupide de l’aimer ?

Dans tes moments les plus vulnérables, tu te remémorais tes souvenirs heureux et ils l’impliquaient presque toujours. Tu te haïssais d’être si sentimentale et tes traits tirés par la colère lancinaient tes blessures au visage. La douleur physique t’a ramenée à la réalité.

Qu’y pouvais-tu ? Baraghi t’avait élevée. Et même aimée. Et ç’avait été la plus dure leçon de toutes d’apprendre que n’importe qui pouvait te trahir, que tout le monde pouvait se retourner contre toi. Peu importe qu’ils croient t’aimer ou que tu leur fasses confiance.

Et dans ta faiblesse, tu referais la même erreur.

Parfois, dans des moments comme celui-ci, tu avais l’impression d’abriter un bouillon de haine, de honte et de peur. Les Dai n’étaient pas si fragiles, mais il était écrit dans ton sang que tu étais moins forte et moins sensée que tes pairs, que tu ne survivrais jamais que de justesse, que tu n’accomplirais rien d’importance, que tu te laisserais guider par ta faiblesse d’Ælv et que tu te fierais à des traîtres.

Sauf si tu restais ici, sans personne en qui placer ta confiance.

Tu payais cette relative tranquillité d’esprit avec tes propres chances de survie. Des apalun, meikæsn, riyawn et autres ragann n’avaient de cesse de t’attaquer, de te traquer et de te surprendre dans ton sommeil. Le camouflage, visuel comme olfactif, avait ses limites. Et, bien plus que le talent ou l’ingéniosité dont une akci était sûrement incapable, tu savais que c’était le hasard qui t’avait permis de survivre.

Ton bras saignait. Il te faudrait le désinfecter. Ta mâchoire tuméfiée craquait sombrement et la douleur irradiait de sorte que si tes dents avaient également souffert du coup, tu n’en avais aucune idée. Ton dos te faisait encore mal d’une chute précipitée l’avant-veille et de nouvelles éraflures apparaissaient sur ton corps sitôt les anciennes guéries. La douleur physique n’avait rien d’inédit pour toi. Mais cette fois-ci, tu avais été bien plus proche de mourir que jamais auparavant et tu savais que l’incident se reproduirait.

« Kyudæl aksharn. Les morts ne sont pas libres », disent souvent les atliln à la fin des récits dont les héros se sacrifient pour la liberté, l’honneur ou le bonheur, afin d’enseigner à leur jeune audience impressionnable que la morale de l’histoire est, en fait, de ne jamais donner sa vie. Qu’ont obtenu les héros dès lors qu’ils ne sont plus ?

Ni liberté, ni honneur, ni bonheur.

Rien. Rien du tout.

Les morts n’ont plus que la mort.

Tu ne voulais pas ressembler aux héros tragiques de ces contes moraux.

Le lendemain, sans l’avoir décidé consciemment, tu as repris ta marche en direction de Salainashra, vers la Cité et son Entraîneur de Dai. Par moments, des morceaux de ciel parvenaient à se frayer un chemin entre les feuillages épais. Loin de t’inspirer de la nostalgie, ils t’évoquaient la lumière filtrant à travers les barreaux d’une cage. Sous ce ciel clair, tu avais été esclave. Dans cette forêt profonde, tu gagnais ta liberté au péril de ta vie. Mais bientôt, espérais-tu, bientôt tu serais libre.

Et bientôt finit par arriver.

On a dit un très faible « Cháká », mais tu l’as parfaitement entendu. Surtout, tu n’en doutais pas un seul instant, c’était la voix de Royan. L’oreille tendue, tu as cherché l’origine du bruit, guettant un possible second appel.

— Je suis là, Royan !

Mais seuls retentissaient le grésillement des insectes, le piaillement des oiseaux et le souffle des plantes. Tu as crié encore et encore, mais le son ne s’est plus reproduit. Tu l’avais rêvé. Halluciné, même. Est-ce cela que la solitude inflige aux Dai ? Elle les rend fous ?

Je perds la tête, je perds la tête.

Tu t’es accroupie, le poing sur le front.

Tu peux rien faire de bien ! Stupide, stupide akci.

S’il s’agissait réellement de folie, elle était mineure. Il est facile de prendre les chants de la forêt pour des voix familières… N’est-ce pas ? Ça ne t’était pourtant jamais arrivé auparavant.

… Que tu saches.

Peut-être avais-tu mille fois imaginé des voix mais, entourée par les membres du clan, tu ne les avais jamais questionnées. Seulement dans l’absence de voix pouvais-tu discerner cette anomalie.

L’idée ne te rassurait pas, au contraire. Si c’était vrai, alors tu avais toujours été folle. D’un autre côté, si l’isolement t’avait fait perdre la tête, tu l’avais cherché pour avoir quitté le clan, pour avoir osé croire que tu t’en sortirais. Ton audace avait été récompensée comme il se doit : tu avais manqué servir de repas un si grand nombre de fois que tu en avais perdu le compte et ton esprit te faisait à présent défaut. Si tes sens t’abandonnaient à leur tour, il ne te restait plus rien.

Royan te manquait. Tu le savais, parce que c’était sa voix que tu avais cru reconnaître. Et tu le savais aussi parce que tu aurais vraiment voulu que cette voix soit réelle.

« Cháká » a résonné de nouveau. Tu as plissé les yeux. Étais-tu trop optimiste ?

Qu’aurait pu faire Royan ici ? Avais-tu laissé une piste si flagrante ? Tu as encore appelé : aucune réponse n’est venue. Mais tu avais une meilleure idée de l’origine de la voix et t’y es dirigée le cœur gonflé d’un espoir que tu n’avais pas la force de refouler. De la même direction te parvenait aussi une rumeur indistincte.

Cᴀᴇɪ ᴀ ʀᴇᴛʀᴏᴜᴠᴇ́ Rᴏʏᴀɴ ᴀ̀ ᴄᴇ ᴍᴏᴍᴇɴᴛ, ɴ’ᴇsᴛ-ᴄᴇ ᴘᴀs ?

Tu t’en souviens ?

S’ɪʟs ɴᴇ sᴇ sᴏɴᴛ ᴘᴀs ʀᴇᴛʀᴏᴜᴠᴇ́s, ᴛᴜ ᴘᴇᴜx ᴄʜᴀɴɢᴇʀ ʟ’ʜɪsᴛᴏɪʀᴇ. Cᴇ ɴ’ᴇsᴛ ʀɪᴇɴ ᴏ̨ᴜ’ᴜɴ ʀᴇ́ᴄɪᴛ, ᴀᴘʀᴇ̀s ᴛᴏᴜᴛ.

Non, je ne changerai rien. Je veux que tu redeviennes Caei. Celle qui a existé, pas celle des histoires.

Iʟ ʏ ᴀ ᴅᴇs ʜɪsᴛᴏɪʀᴇs ?

Il y en a, des histoires sur ta naissance, de nulle part apparemment. On raconte que tu parlais, marchais et portais le poids de dix Dai avec aisance, dès le premier jour.

Cᴇ ɴ’ᴇsᴛ ᴘᴀs ʟᴀ Cᴀᴇɪ ᴅᴏɴᴛ ᴛᴜ ᴘᴀʀʟᴀɪs ᴛᴏᴜᴛ ᴀ̀ ʟ’ʜᴇᴜʀᴇ.

Non, en effet. Et pourtant… aucune de ces fables ne rend justice à ce dont tu es capable aujourd’hui.

Rɪᴇɴ ᴏ̨ᴜ’ɪʟs ɴᴇ ᴘᴜɪssᴇɴᴛ ᴛᴏᴜs ᴀᴄᴄᴏᴍᴘʟɪʀ ᴜɴ ᴊᴏᴜʀ ᴀ̀ ʟᴇᴜʀ ᴛᴏᴜʀ.

Revenons à la vraie Caei.

Tu venais d’entendre une voix familière t’appeler par deux fois. Tu as sauté sur la branche d’un akabi élancé, es montée le long du tronc pour atteindre sa cime et a cherché un signe de Royan. Peut-être avait-il eu, lui aussi, l’idée de prendre de la hauteur. Tu l’as appelé plusieurs fois, en vain. Tu ne l’entendais plus et la lumière éclatante de Mur t’aveuglait. T’étais-tu vraiment trompée ? Peut-être était-ce le chant du vent.

La main en visière pour te protéger les yeux, tu as aperçu un filet de fumée là d’où était venue la voix. Un vent contraire soufflait ; aucune odeur ne t’en parvenait. Ami ou ennemi : rien ne te permettait de le deviner. Tu as hésité. Un si grand feu présageait un groupe, or la plupart des groupes de la forêt étaient les criminels rejetés par les clans. Mieux valait attendre que le vent tourne, pour savoir au moins de quelle espèce il s’agissait.

Tu pouvais aussi t’en éloigner au plus vite, mais l’idée que Royan puisse être à portée de main te retenait. Tu l’avais abandonné, pourtant. Il servait probablement Riao en ce moment même, puni pour ta fuite, voire…

Tué.

Tu as frémi. Un âcre sentiment de culpabilité t’a enserré la gorge. Pourquoi ne pensais-tu jamais à ces choses-là ? Seulement maintenant envisageais-tu les ennuis que Royan encourrait à cause de tes actions. Si tu l’avais perdu, c’était entièrement ta faute. Et peut-être que les voix que tu entendais étaient les gémissements de son âme défunte.

Tu as pris ta décision. Si tu devais mourir des mains d’un groupe d’exilés, tu l’avais mérité.

Tu as sauté au pied de l’akabi et avancé d’un pas certain vers l’inconnu.

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