Retour au bercail

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Les yeux fermés, le sommeil rythmé par les vibrations du bus, je suis bien. C'était sans compter sur la douane Suisse qui, à quatre heures du matin décide de fouiller le bus, de demander les cartes d'identité, et évidemment, comme ce sont des Suisses, ils mettent leur vie.

Réveillé, je vois Léo qui fait la gueule, et me dis que c'est pas le moment de lui parler. Après une demi-heure d'incompréhension entre un douanier Suisse-Allemand qui parle mal l'anglais, et un Roumain qui ne parle pas du tout anglais, le bus repart. On s'approche de la maison ; enfin.

On s'arrête à Zurich vers cinq heures du matin. Il fait encore nuit, j'ai envie de chier, de pisser, d'un café et d'une clope. Mais j'ai plus de cigarettes, y'a aucune toilette d'ouverte, et le seul café disponible est celui d'un petit magasin vendant des expressos hors de prix, qui sont affichés qu'en ces foutus CHF.

Je me fais donc enculer par le vendeur et lui prend un café qui a du me couter quatre euros. Je rage contre la Suisse, j'ai envie de lui jeter ma haine à la gueule car son putain de café, en plus d'être trop cher, est infect. Je le finis même pas, et voit mes quatre euros s'écouler dans une poubelle. J'essaie de parler à Léo, mais il a la tête dans le cul, et préfère lire que de me parler.

Au bout de vingt minutes, notre bus arrive. Allelujah ! Il est écrit "Direction Lyon" en gros dessus ; la maison n'est plus loin. Je m'empresse de monter, je m'installe dans mon petit fauteuil, et voit la Suisse défiler devant moi. Dans ma tête, je lui lance de furtifs doigts d'honneur imaginaires, maudissant leur richesse et leur CHF.

Le trajet passe assez vite, et vient le moment où on arrive à la douane française. Un grand brun à l'air de "fais-moi pas chier" me demande ma carte d'identité, en anglais, et alors que je lui réponds en français, il me lance un sourire.

- Ah, on rentre à la maison ?

- Ouais putain. Il était temps.

Il le sait pas, mais à ce moment précis, j'ai envie de l'embrasser. Sur la bouche, langoureusement, avec le plus grand amour qu'une frontière ait connu, pour la simple et bonne raison qu'il est français. Mais bon, il me rend ma carte, en me remerciant ; la magie de l'amour patriotique n'a pas du opérer en lui.

Ne nous leurrons pas, les routes françaises sont identiques aux routes suisses, mais les panneaux sont qu'en français, les prix sont en euros, et les gens roulent mal. On est de retour à la maison, enfin.

Dans la joie et la bonne humeur, on arrive à la gare Perrache. La gare routière est bourré de touristes comme nous étions y'a une semaine, prêts à rentrer chez eux ou à partir découvrir l'étranger à leur tour. Je les regarde avec un grand sourire, presque gênant aux yeux de certains, et le bus de Léo pour son maudit Grenoble arrive. Il fait plus la gueule, et on se fait un gros câlin, avant de se séparer. Je traverse la gare, appréciant le simple fait d'entendre du français de partout. Ca pue, c'est sale, mais c'est chez moi.

Il fait assez beau, et je traverse la ville à pied pour rentrer. La dalle m'assaille, alors j'entre dans une boulangerie, prend de quoi manger en discutant avec la boulangère, réalisant à quel point il est appréciable de ne plus être l'étranger.

Après avoir gobé mes quiches, je rentre chez moi, et m'affale dans mon plumard. Mon chat est là, et se frotte à moi comme si j'étais parti que depuis deux heures, et je retrouve mes colocs dans leur petite vie normale. Je m'endors, à quinze heures, heureux d'être rentré.

A ce moment-là, qui n'est pourtant pas très vieux, le Coronavirus commençait à bien faire parler de lui. L'Italie commençait à se faire du mouron, mais en France on prenait la chose à la légère. Moi, comme la majorité de mes compatriotes, je disais "Les gens s'inquiètent pour rien. Dans deux semaines, ce sera oublié cette histoire". Nous sommes à peu près deux semaines plus tard, et je suis enfermé chez moi, comme tous les autres français, avec l'autorisation de ne sortir que pour mes courses.

Après avoir baroudé, j'ai plus de droit de bouger. Ma foi, ça laisse le temps de penser, de se poser et de se rappeler. J'ai comme l'impression qu'il pourrait presque y avoir une morale à cette histoire, mais les morales, moi, ça m'a toujours fait chier. Je pense plus à Léo, enfin de sa crève plutôt, en me demandant "N'était-il pas atteint du Covd à ce moment-là ?". Je vois ensuite l'Autriche prendre des mesures hygièniques drastiques à son tour à cause de cet épidémie, repense aux lieux qu'on a visité, et me dit que le virus leur a peut-être été ramené par un petit rital, qui se balladait à Vienne.

Ce carnet de bord prend alors une tout autre dimension...

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