Jour 1

4 minutes de lecture

Le départ est prévu pour huit heures trente, à la gare de Perrache. La veille, Léo a quitté son funeste Grenoble pour dormir chez moi, et ce con a réussi à choper la crève de par sa grogniasse. "Merde, que j'me dis, tu vas voir que cet enfoiré va me filer ses saloperies, et je ne verrai l'Autriche qu'entre deux éternuements, crises de toux, reniflements et ravalements de glaires". On s'est fumé un jog', et le rital s'est endormi comme un gosse, mais le matin, il râlait encore de sa maladie.

Malgré tout, on part à l'heure, et on arrive en avance. Devant le bus, plein de gens comme nous, encombrés de gros sacs, sapés comme des ploucs et qui, comme nous, vont passer une douzaine d'heure le cul dans un bus.

Les chauffeurs sont deux ritals, bien coiffés, l'air arrogant, avec toujours un demi-sourire qu'on sait pas si c'est du lard ou du cochon.

On monte. Y'a pas tant de monde que ça, et on trouve le moyen d'être assis côté à côté. Léo, le nez goûtant de microbes, rage et se plaint déjà alors que le bus n'est pas parti. Décidemment, ce rital est plus français que moi.

Le bus démarre, et c'est parti pour l'Autriche. Bye-bye Lyon, ciao la France, je m'en vais voir si l'herbe est plus verte à l'Est.

Bizarrement, ce voyage ne me fût pas désagréable. Léo dort, moi j'erre sur mon téléphone. Quelques personnes discutent. En français, en espagnol, en anglais, et une ritale a passé quasiment une heure et demie au téléphone avec sa "mamma", pour lui parler de la France, de Milan, et de trucs d'italien auquel je n'ai rien compris.

Le voyage se passe bien, jusqu'à ce que nous faisons escale à Génève. Là-bas, l'italienne part, nous ôtant ses gérémiades latines du bus, et moi, je descends fumer ma première clope de la journée.

Une belle jeune femme aux longs cheveux bruns et à la pâleur d'un éjaculat arrive, avec sa valise, et demande au chauffeur italien si ce bus est pour Paris. "No" lui dit-il, et la belle à l'éclat lunaire s'en va, nous privant de sa grâce aussitôt qu'elle nous l'eut donné.

Je remonte dans le bus avec l'image d'elle, hésite à descendre pour aller la draguer, pense au fait que je pourrais me prendre un rateau et rater mon voyage, me dit donc que c'est une mauvaise idée, et le bus repart. Sans italienne, sans belle brune, mais toujours avec la morve de Léo gouttant de son nez. Mais surtout, il y avait l'homme qui, l'espace d'un voyage, fût mon ennemi juré. Ne connaissant pas son nom, mon cerveau l'enregistra sous ce sordide sobriquet; "le Roumain."

Pendant les dix heures qui nous séparaient de Munich, pas une seule minute ne passa sans qu'il ne fût au téléphone avec sa copine portant le nom de Maria. C'était comme s'il voulait que tout le monde sache que sa copine s'appelait Maria, car il le répétait à tout va. Maria par ci, Maria par là; et il le gueulait en plus ce con. Il a passé tout son trajet à gueuler de toute façon, à part à un seul moment, où nous aussi, avec Léo, on a pas fait les fiers; quand la douane Suisse est passée.

Escale à Lausanne, il devait être midi. Le roumain raconte je ne sais pas quoi à Maria, en répétant quatre fois Maria dans une seule putain de phrase, jusqu'à ce qu'un cinquantenaire chauve à l'air bien suisse entre, et dise:

- Douane, messieurs-dames. Sortez vos papiers d'identité, et votre passeport.

Tandis que des étrangers lui expliquent qu'ils ne comprennent pas le français, je sors ma carte, pépère. Léo, lui, est aux chiottes, et doit pas trop comprendre ce qu'il se passe.

Alords que j'attends le chauve, du mouvement se fait dans le bus. Un chien déambule, et renifle partout, la queue battante.

Il s'approche de moi, et soudain, n'a d'nez que pour le sac de Léo. Une douanière suisse, vachement plus intimidante que le chauve arrive, et me demande ce que son chien peut tant aimer dans le sac. Léo sort des toilettes, perdu, et on lui demande s'il fume des produits illicités.

Comme il en avait fumé hier, il répond, presque dans un réflèxe "Non", mais douteuse, la douanière vide le sac. Je serre le cul, car si ce con a oublié ne serait-ce qu'un bout de shit dans son sac, elle pourra vraiment nous faire chier.

Mais elle vide tout, ne trouve rien, et avec Léo, on relâche nos sphincters. La douane s'en va, et le bus repart. Nous nous remettons de nos émotions, et le Roumain reprend ses Ave Maria sans Ave.

Le voyage continua calmement, Léo comatant toujours, et moi mangeant du riz au thon qui embaume tout le bus d'une odeur méditéranéenne. Devant nous, deux très belles femmes à l'air chic et intello, mes préférés, lisent. A côté, Léo bade, car une des deux est le portrait craché de son ex. Il la dévisage, elle prend un air gêné, et tout ceci dura jusqu'à Munich. Là-bas, nous devons changer de bus, mais il n'arrive qu'à vingt-trois heures vingt, et il n'est que vingt heures trente au moment de notre arrivée à la gare. On attend trois heures donc. Léo grelotte, se plaint, tandis que je bois du café en mangeant des bonbons allemands. Nos activités respectives, nous les tenâmes les trois heures durant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Lucas Baran ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0