Flamboyance

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Peter Phoenix rentrait de sa promenade, sa cartouche de cigarettes sous le bras, un mégot allumé au coin des lèvres, le masque baissé sous son menton. Dans l'étroit couloir de son immeuble, il croisa sa voisine, elle détourna la tête en bougonnant : "Toujours à fumer comme un pompier et en plus, il ne porte pas son masque comme il faut..."

L'homme marcha près d'elle, sans répondre et en l'ignorant superbement. Enfin, il put pousser le battant de son minuscule meublé, il écrasa son mégot dans le cendrier à pied du hall, claqua la porte et poussa un "ouf !" de soulagement.

Il passa dans l'unique pièce de son logis. Elle faisait office de cuisine, salle-à-manger, salon, sans compter le côté buanderie, (à droite de la kitchenette) où un étendoir à linge, accueillait ses vêtements à sécher. Le soir, la pièce se transformait en chambre quand il dépliait le convertible.

Cette vie modeste, si ce n'est misérable, ne lui pesait pas, son seul souci : passer inaperçu, éviter toute contrainte sociale, toute contrariété, car inévitablement il se mettait en colère et ce n'était pas beau à voir. Ainsi il n'avait pas d'emploi, il vivait d'aides sociales et d'autres expédients. Ses besoins étaient chiches. Son seul vice restait sa tabagie aiguë. Une cartouche de cigarettes lui faisait à peine trois jours. Il était d'ailleurs le meilleur client du bar-tabac du coin de la rue. La moitié de ses allocations mensuelles finissait chez le propriétaire du commerce en question.

En contrepartie son frigo ne contenait que du lait d'amande, quelques fruits et légumes, et du jus d'agrume. À son crédit, précisons-le, il ne buvait pas d'alcool et mangeait végan. Peter passa dans sa minicuisine. . Il sortit du réfrigérateur une canette de jus de citron pressée, une pomme. Puis passa dans la partie salon, posa son chargement sur la table basse et remarquant que le cendrier débordait de mégots, s'empressa d'aller le vider. En même temps il entrouvrit l'unique fenêtre de la pièce. Un air froid et salvateur s'y engouffra et chassa les effluves écœurantes de tabac froid.

Ceci fait, l'homme s'installa commodément sur le canapé, attrapa la télécommande de son téléviseur et l'alluma. Il tomba automatiquement sur une chaine d'info continue. Il ne zappa pas. Peter ne regardait que cela sur cet écran, les autres programmes ne l'intéressaient pas. Tout en restant attentif aux informations débitées par les différents intervenants, il ouvrit son paquet de cigarettes, en sortit une, l'alluma et aspira sa première latte. Il était, cette fois, totalement détendu...

Il déplia le convertible à vingt-trois heures et rejoignit son cabinet de toilettes, se lava les dents, passa un pyjama et se coucha. L'homme volontairement avait laissé la croisée ouverte, le froid nocturne prit possession des lieux. C'est avec sérénité que Peter s'endormit....

"Le rêve l'emmenait loin de son quotidien, il voguait au-dessus des nuages, majestueux, tel la créature mythique qu'il était. Ses ailes de flammes l'emportait, plus haut, plus fort il passa la troposphère, puis la stratosphère, la mésosphère, la thermosphère..... Voilà il quittait la terre et se dirigeait vers le soleil à vitesse croissante. Il plongea avec délices, au cœur de la naine jaune, enfin il se ressourçait, oubliant le temps qui passait... Le phénix ressortit de l'astre revigoré et, refaisant le chemin inverse, retourna sur la terre..."

Peter se réveilla brusquement vers sept heures. Redécouvrant son misérable logis, il frissonna. Sautant hors du convertible, il alla fermer la fenêtre, avant d'enclencher l'unique radiateur. Il se dirigea vers sa cuisine en baillant et ouvrit son frigo. Il attrapa la brique de lait d'amande, la secoua et se dit : "Il va falloir que je retourne en acheter." Il versa ce qui restait dans un bol et le but d'un trait. Ceci fait il alluma sa première cigarette de la journée.

L'homme venait de quitter son domicile et se dirigeait vers l'épicerie bio de son quartier. Ce faisant il croisa deux adolescents qui sortaient d'un autre immeuble, leurs sacs de cours sur le dos. En passant près d'eux, Peter entendit :

"Mais puisque je t'ai dit que je l'ai vu Arthur, comme je te vois, c'était presque minuit, par la petite fenêtre des chiottes, un grand oiseau de flammes, qui volait dans le ciel...."

L'autre répliqua hilare :

"C'est ça, un oiseau de flammes ! T'es grave mec, si tu veux un conseil arrête la fumette, ou de boire ou les deux..."

Peter n'entendit pas la suite, mais, derrière son masque, il se permit un petit sourire et hâta le pas vers le magasin...

En sortant, il ne rentra pas immédiatement. Il alla s'asseoir sur un des bancs d'un petit square proche de là... Il faisait beau ce jour-là, mais froid. Il choisit le siège le plus exposé au soleil, ôta son masque, extirpa son énième cigarette de la matinée de son paquet, et la glissa au coin de ses lèvres. Peter souffla doucement, une fine buée s'échappa de sa bouche, le mince cylindre s'alluma aussitôt. Il sourit encore en pensant à la discussion surprise entre les jeunes gens un peu plus tôt. Son regard clair étincela. Il frotta brièvement ses mains pour se réchauffer, quelques flammes s'en échappèrent....

Peu après, il écrasait son mégot sur le sol, le récupérait puis le glissait dans sa poche. Enfin il retourna chez lui en sifflotant...

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