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Lycée, Clermont-Ferrand, plus tard dans la journée.

Mégane n’avait pas l’esprit aux études ; il lui restait encore quelques heures de cours qui, chacune, lui paraissait interminable. Distraite, ce qui était d'ordinaire assez rare, elle faisait partie des élèves les plus studieux de la classe. Son esprit était encore à Aurillac, courant dans la forêt, évitant les arbres dans la pénombre, fuyant un danger certain. Les mots, ‘’revient salope’’, résonnaient dans sa tête. Elle ne parvenait pas à ôter de sa mémoire ce qu’elle avait vu ce soir-là. Plus les jours défilaient, plus le stress et la peur grandissaient en elle. Louise, son amie de toujours, voyant qu’elle n’allait pas bien, posa sa main sur son épaule, tout en lui adressant un regard compatissant.

—Tu vas bien Még ? demanda Louise à voix basse.

—Ça va aller, je suis fatiguée. Une fois reposée, ça ira mieux. Il me tarde les vacances.

Un des élèves du fond, généralement les plus agités, lança une boulette de papier en direction de Louise et Mégane.

—Hey ! Les gouines ! Un peu de discrétion, beugla-t-il en pouffant de rire.

Aussitôt, le prof se retourna en hâte et chercha du regard le coupable. Le visage renfrogné, il se dirigea vers le fond de la classe. Louise, qui n’avait pas froid aux yeux, rétorqua d’un ton moqueur et provocateur.

—Si tu savais te servir de ton salsifis, tu saurais que c'est très sympathique une nuit avec deux lesbiennes ! Mais bon, vous les mecs avec vos cerveaux d'huître, complexés, vous n'êtes bons qu’à aller sur pornhub.

—Mademoiselle Bess, je vous en prie, contenez-vous. Monsieur Barandel, dois-je prévenir vos parents pour vos propos des plus déplacés ? Ce genre de langage ne saurait être toléré dans ma classe ni dans cet établissement. Je vous demande donc de rester à la fin du cours, annonça le prof sans s’énerver.

Mégane ne supportait plus cette ambiance puérile et mesquine qui planait au lycée. Elle n'était pas la seule à être l’objet de multiples moqueries. Claire Legrand, par exemple, solitaire et artiste dans l’âme, passait le plus clair de son temps à dessiner. Elle faisait l’objet de maintes agressions, verbales et parfois physiques. Aux yeux de Mégane et de Louise, le lycée était une jungle où se défiaient des bêtes féroces avides de sang. Par chance, elles avaient avec les années formé un groupe d’amis solide, le fait qu’il s’agissait de leurs voisins les aidait. Les familles Lonval, Garde, Floran et Bess se fréquentaient à longueur de temps. Cette promiscuité qui d’apparence pouvait être dérangeante finissait par devenir une forme de sécurité. Tout le monde se connaissait, les adultes, les enfants, avec le temps des liens solides s’étaient formés.

—Quel connard ce mec, je me demande ce que Camille lui trouve.

Mégane, qui d’ordinaire aurait répondu du tac au tac, paraissait de plus en plus distraite. Le regard vers la cour du lycée, son esprit se perdait dans les tréfonds de sa mémoire. Elle n’entendait plus le bruit environnant, elle ne voyait plus des camarades chahuter au dernier rang. Elle ne pouvait s’empêcher de revivre cette sinistre soirée qui pourtant avait si bien commencée.

*

Aurillac, début de soirée à l’extérieur de la ville

Ce soir-là, une légère brume s’emparait du chef-lieu du parapluie. La route principale qui d’ordinaire était déserte à cette heure-là bruissait d’une certaine agitation. Au loin, il était possible de voir une bâtisse derrière des arbres, d'où s’échappaient des fuseaux lumineux. Il s’agissait d’une boîte de nuit qui se trouvait à la lisière d’une forêt. Ce lieu inauguré dans les années 90 avait su garder son charme tout en se renouvelant. Le Volcano accueillait chaque week-end les jeunes et les moins jeunes pour danser, écouter de la musique et surtout passer une bonne soirée entre amis, ce que Mégane et ses amis venaient précisément faire. Mégane surveillait Léon, attendant qu’il daigne enfin faire le premier pas. Louise, célibataire, cherchait une fille aussi dynamique et exubérante qu’elle. Elle ne voulait pas d’une simple relation fugace, sans lendemain, mais elle voulait créer une histoire durable. Lucie, accompagnée de son frère Rémi, ne jurait que pour Léon, qui ne lui adressait aucun regard amoureux.

—J’espère qu'il y aura du monde, s’exclama Rémi d’une voix forte.

—À cette heure-ci, ça va être calme. Ça nous laissera une chance de trouver une bonne table, rétorqua Mégane en donnant de brefs coups d’œil à Léon.

Mégane se trouva propulsée en un quart de seconde dans la forêt attenante à la boîte de nuit, courant dans la pénombre, le cœur battant, le souffle court. Elle entendait à peine la musique qui hurlait dans la boîte de nuit. Derrière elle, un individu semblait la poursuivre.

—Reviens, salope, tu ne peux pas m’échapper.

L'esprit confus, Mégane n’arrivait pas à comprendre ce qu’il s’était passé ; tout était allé si vite. Elle se voyait faire une pause derrière sur la petite terrasse qui donnait vers la forêt. Quelques minutes plus tard, elle courait seule, dans le noir, sans savoir où elle allait.

Par chance, elle heurta Louise qui l’attendait à l’entrée de la forêt qui donnait vers le parking.

—Où étais-tu, ma belle ? On te cherchait partout !

Tremblante, elle se précipita vers la voiture de Louise.

—Vite, on s’en va ! lança-t-elle sans rien ajouter, tout en fonçant vers la voiture.

Mégane revint à la réalité en entendant la sonnerie stridente qui annonçait la fin des cours. Après des jours, elle n’arrivait toujours pas à ôter ces images de son esprit. Et comme si ça ne suffisait pas, son téléphone l’obligeait à lire des messages qu’elle aimerait également oublier.

‘’Je vais te retrouver.’’

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