Chapitre 2

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Ambruine récupéra un morceau de papier : « 10 Avenue de la Somme, au Samb'ar ». Elle sortit du petit jardin. La guerrière avait l’impression que ses pieds se trouvaient posés sur deux grandes échasses, elles-mêmes frappant un sol recouvert de braise. Non loin, une arche photosensible venait d’ouvrir ses portes. Le tube feuillu dévoila ses crocs de lianes et postillonna des gouttes d’eau rafraîchissante sur les passants. À ses pieds, les quais de pérovskite se remplissaient de jeunes gens joyeux. Ambruine aurait presque agrémenté ce paysage de quelques phrases émerveillées de la femme holographique : « la pérovskite est une roche capable de se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique ». Ici, la contrainte mécanique, c’étaient les dizaines de pieds fougueux qui foulaient la pierre grossière et, de cette invention, tout le système de transport en commun était alimenté en électricité.

– Enfin, quand il fonctionne, murmura Ambruine comme pour se répondre à elle-même.

Sans tarder, elle rattrapa les quais de la Somme. Les bars jonchaient le haut des allées, de même qu’en contrebas sur l’Avenue de la Somme où de multiples échoppes se creusaient dans la roche, jadis, là où passait le fleuve de la ville d’Amiens. Ambruine emprunta une plateforme magnétique pour descendre dans le lit de celle-ci. Ses yeux balayèrent rapidement la rue avant de trouver le Samb'ar sous un pont qui permettait de relier les deux rives. Elle se glissa dans l’établissement. À l’intérieur, la pierre nue se couvrait d’une charpente d’acier de style art nouveau, fignolée de caillebotis cloué sur le sol. Derrière le bar de métal, des bras mécaniques s’activaient à satisfaire les clients. La jeune femme se racla la gorge et s’adressa à eux :

V F, chuchota-t-elle.

Une partie de la plaque qui la séparait des bras robotiques se souleva. Ambruine traversa le comptoir, emprunta la porte de l’arrière-cuisine et salua son collaborateur. Ils entrèrent dans un boyau grossièrement taillé. Des photographies d’antan jonchaient les murs. Ses yeux balayaient la Cathadrale qui se hérissaient sur son parvis, munis de multiples arrêtes rocheuses qui agrémentaient sa noblesse. Ambruine se stoppa devant un cliché de la Somme. La jeune femme fut peinée que l’image ne soit pas animée. Elle aurait voulu voir l’eau circuler le long des quais. La pellicule se gravait d’une date : « 2021 », les prémices du Siècle Maudit. Ils continuèrent à avancer dans la cavité jusqu’à ce qu’une large pièce se dévoile sous un ample halo lumineux. Des bras robotiques s’articulaient avec aisance, venaient attraper les matériaux et les disignaient avec précision. Ambruine examina les modules en construction : ils s’agissaient de petits cubes, comme une boite noire, reliaient de fils gris, de connexes et de commandes. Son collaborateur se dirigea vers l’une des tables de travail, abaissa un levier et l’un des bras s’immobilisa au-dessus. Ambruine posa ses paumes contre le métal chaud.

- Mes collègues ont récupéré ce processus de première génération à Paris ! lui expliqua son associé.

Ambruine observa le module. Quelques graphes siliconaient l’un des côtés. La jeune femme s’en mordit les lèvres ; le transformateur ne semblait pas en bon état. Ses ongles caressèrent l’acier grignoté. Elle tira sur la surface roussâtre comme pour retirer l’opercule d’une bouteille. Un pan de rouille se déchira dévoilant l’intérieur vide du boîtier. Ambruine se retourna, le canon d’un revolver se pointait sur son front. La jeune femme trébucha d’étonnement. Son collaborateur actionna la détente. Son cœur brutalisa sa poitrine comme d’un écho avec la balle qui transperça son crâne. Elle tomba à la renverse. Les couleurs sombres de l’atelier virèrent au blanc. Ses paupières se fermèrent sous le choc. Ses poumons se comprimèrent de douleur. Des nausées l’envahirent, aussitôt.

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