Chapitre 3

2 minutes de lecture

Gwen voyait les autres humains comme des bipèdes sans consistance, pleins de suffisance et de morgue. Ils supportaient difficilement sa présence. En général, lorsqu'il croisait quelqu’un, il utilisait leur mode de communication : l’ignorance. Comme dans un jeu de miroir opaque.

Tout le monde ignore tout le monde, joli monde !

En réalité, personne ne voulait voir l’autre, ou son importance. Détourner la tête avec brio, d’un petit geste sec, ni discret ni ostentatoire, était la norme. Après un bref rodage, l’efficacité de la technique s’acquérait fort tôt dans l’enfance, pour la plupart des gens.

Une normalité sans attraction qui enchaînait la société humaine dans des obligations sociales.

Seulement, la fille avait souri. Pourquoi ? Deux ongles gratouillèrent l’entrejambe, apaisant une démangeaison malvenue. Il devrait peut-être songer à se changer. Indécis, Gwen passa plusieurs fois sa main dans sa touffe de cheveux. Celle-ci reprit aussitôt sa place, imperturbable, rappelant une tête de loup marron agrippée au sommet de son crâne en partie rasé.

Ce sourire avec ces dents blanches le perturbait. L’odeur aussi. Il saisit le sac poubelle qui gisait, dans un coin de la cuisine. En quelques gestes efficaces, il y fourra les restes de repas oubliés depuis une semaine, suivi de la pizza mangée la veille. Enfin, ce qu’il en restait une fois délestée d'une grande partie des ingrédients. L'extrémité du sachet fut nouée avec quelques difficultés, attirant son regard sur sa paume. Des restes de pizzas séchés dessinaient comme un nuage sur sa peau. Joli. Les nuages étaient fascinants, utiles. Tout le monde disposait d'un cloud.

Gwen hésita. Devait-il se laver les mains ? Pour sortir les poubelles et ramasser d’autres miasmes ou microbes sur les portes communes ? Aucun intérêt. Mâchoires crispées et clés en main, il descendit les trois étages qui le séparaient du local à ordures. Tenir la poignée, baisser, ouvrir la porte. Sans un regard, il jeta le sac, et laissa le battant se refermer dans son dos, avant de s’immobiliser.

Quelque chose n’allait pas. Un détail. Non, il ne voulait pas savoir ! Pourtant… Non ! Il s’intima l'ordre de résister puis se retourna en se traitant de MyDom* et autres joyeusetés qui n’existaient peut-être pas. Il rouvrit la porte rose du local. Ce rose qui l’agressait à chaque fois.

Que quelqu'un eût choisit de lier cette jolie couleur aux ordures était pour lui source de bug. Une véritable insulte au girly, et les femmes ne disaient rien. Pas la plus petite particule de révolte, de lettre anonyme, de blog à ce sujet, vérification faite via un super moteur de recherche "home made". Il fallait admettre qu’elles avaient courbé l’échine. Désormais sous la coupe de la pensée universelle construite à coups de messages subliminaux et d’obligations légales, elles étaient intégrées dans le système.

*MyDom ou Mydoom : ver informatique (ou virus si vous préférez), l'un des plus connus pour sa dangerosité, ayant fait "flancher" Google rendu inaccessible toute une journée. Créé en 2004, il agit encore aujourd'hui sous diverses variantes. Son concepteur reste un mystère, mais ce texte dans le code "andy; Je fais juste mon travail, rien de personnel, désolé, " laisse penser qu'il a été payé pour le créer. Ses dommages sont estimés à 38,5 milliards.

Voilà, j'attends vos retours avec impatience, angoisse, doute... Merci !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 9 versions.

Vous aimez lire mytifle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0