La nuit était tombée quelques heures plus tôt. Pourtant, un groupe de jeunes gens était encore de sortie. Un bon nombre d’entre eux semblaient ivres, pour le plus grand désespoir de leurs amis encore sobres.

« Nico ? Tu sais où on est ? »

C’était un grand blond qui venait de poser la question. Son regard vert, inquiet, implorait son ami de lui donner une réponse positive. Cependant, il ne reçut pas ce qu’il souhaitait, son camarade avait hoché la tête de gauche à droite.

« Putain de merde, c'était de qui déjà l'idée d'aller dans une saloperie de forêt ? »

Les yeux dépités du groupe se tournèrent vers l’auteur de la question. Nico essaya de se rappeler, était-ce vraiment de sa faute ? Non, ce n’est pas possible, en n’ayant pas bu, il n’aurait pas pu proposer une idée aussi stupide. Du moins, c’est ce qu’il pensait jusqu’à ce que ses amis lui montrent des preuves.

« Regarde ça ! Tu pourras rien dire après ! »

Une jeune femme lui donna son téléphone, la galerie ouverte sur une vidéo. Nico la démarra, curieux, et fut surpris de sa découverte. On l’y voyait faire le zouave, ses cheveux, noirs colorés de rouge aux pointes, comme arme contre les autres.

« Weeeesh ! Ça vous dit on va aux bois pendant que le loup y est paaas ? »

L’accusé était consterné, depuis quand l’un d’entre eux enregistrait tout ce qu’ils faisaient ? Il ne se souvenait absolument pas avoir été dans cet état et avoir proposé une idée aussi farfelue.

« Attendez… Quelqu’un a mis quelque chose dans mon jus d’orange ?! »

Du mouvement se fit parmi le regroupement d’ivres. Du mouvement, mais aussi du bruit. Heureusement qu’ils n’étaient pas en pleine rue, sinon ils se seraient sûrement pris une amande pour ivresse en voie publique.

« Franciiiis, on a rien faiiit ! Promiiis ! »

La personne qui venait de beugler était Adam, le meilleur ami de Nico. Le jeune homme s’étalait de plus en plus au sol, son allure bancale ne lui permettant pas de garder son équilibre plus de cinq minutes.

« Il a raison, on a surveillé les verres pour éviter d’être tous morts et que les parents de Bruno nous agressent.
-Alors comment j’en suis arrivé dans cet état ? »

Nico reprit le téléphone. Il essayait de comprendre, mais au fur et à mesure qu’il relançait la vidéo, son cerveau se transformait en une usine à pensées compulsives. Les moindres détails passaient sous les radars de ses yeux bruns.

Jamais il n’avait été dans un tel état, c’est impossible. Même s’il n’avait pas la meilleure mémoire au monde, il était sûr et certain qu’un tel évènement n’avait jamais eu lieu pour lui. Pourtant, ce n’était pas l’avis de ses amis, alors le jeune homme visionnait en boucle l’extrait vidéo de sa courte folie.

Tiens ? Pourquoi ses yeux étaient-ils jaunâtres ? Était-ce le simple reflet de la lumière des lampadaires combinés au brun naturel de son regard ? Ou alors, était-ce à cause d'un produit suspect ? Ou encore, cela pouvait être à cause de la cigarette ? Oui. Ce ne pouvait qu’une de ces hypothèses. À force de chercher la petite bête, Nico commençait à devenir parano ; comme si une entité pouvait le possédé en lui changeant la couleur de ses iris, impossible.

« Excusez-moi... »

De sa voix criarde, un vieil homme venait de faire sursauter une bonne moitié du groupe. Venait-il d’apparaître par magie ? Non. Concentrés sur leur problème, ils n’avaient juste pas dû pas le remarquer.

« L’un de vous pourrait-il m’aider ? Voyez-vous, il semblerait que ma canne soit coincée un peu plus loin... »

Le groupe s’échangea des regards. A vrai dire, ils n’avaient pas vraiment envie de se séparer dans une forêt, qui plus est en pleine nuit. L’homme les observait, décontenancé. Voyant alors que sa demande d’aide gênait, il avait aimablement annoncé qu’il se débrouillerait et commença à repartir.

Pourtant, quelque chose se passa dans l’esprit de Nico. D’une manière soudaine, il attrapa le bras du vieillard. Il n’avait pourtant pas envie de quitter ses amis, mais quelque chose lui hurlait d’assister cette personne.

« Oh… Merci jeune homme ! Venez donc avec moi… Ma canne devrait être par ici… Ou bien par là... »

Étrangement, le jeune adulte avait l’impression de marcher très longtemps. En fait, il sentait qu’ils s’enfonçaient de trop dans la forêt. Inconsciemment, il le savait ; ce n’était pas normal. Si le vieil homme était proche du groupe, sa canne devrait l’être aussi. Soudain, son pouls s’accéléra.

Ce gentil vieillard avait une allure menaçante. Pour Nico, ce n’était pas normal. Autre chose de peu commun, la façon dont l’aîné s’approchait du jeune adulte. Son sourire malsain le terrifiait ; était-ce à cause de la situation actuelle, ou bien de ses longues canines pointues ?

Pris de peur, Nico tenta de fuir, mais, mine de rien, le vieillard avait de la poigne et le retenait. Plus il forçait pour courir, plus la main de son agresseur se resserrait sur son bras. Les crocs de l’homme se plantèrent dans son cou, lui faisant lâcher un cri de douleur.

Se débattant de plus en plus fort, Nico réussit enfin à s’échapper du vieillard. Il se mit à courir, sans réelle arrivée. Tout ce qu’il voulait, c’était fuir. Alors, il cavala du mieux qu’il pouvait dans cette forêt sombre qu’il connaissait si peu.

Évitant les branches, les racines, les creux et tous ces obstacles naturels, il fonçait. Il ne devait pas regarder derrière lui, ce ne ferait que le ralentir et l’empêcher de voir les dangers face à lui.

Courir, il ne faisait que courir. Il le fallait. Il ne voulait pas mourir. Il ne devait pas s'arrêter. Soudain, son pied cogna. Son corps bascula. Nico se sentit tomber. Longtemps. Trop longtemps. Et puis...

Plus rien.