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Que… ?

Ce baiser involontaire est si parfait. Tes lèvres sont si douces… Rien à foutre du sang séché qui les borde !

Sacré Bald ! Je n’aurais jamais eu le courage d’embrasser Myranda, et pourtant ce n’est pas l’envie qui manque !

Mais maintenant, je fais quoi ? Je reste immobile et là laisse choisir ? Je la repousse ? Je mets la langue ? J’ai tellement envie de mettre la langue ! Non, je dois la repousser, ce baiser n’est ni voulu ni prévu pour elle. Mais si je la vexe en faisant ça ?

Oh non… Quel pétrin…

Maïeul, stupéfait, a les yeux grands ouverts. Il garde ses mains en l’air, ne sachant pas quoi en faire, les avançant parfois pour saisir le visage de Myranda puis se ravisant.

Quand Myranda ouvre les yeux, il se perd dans leur brillante noirceur. Aussi surpris que comblé de bonheur, il la sent sourire contre sa bouche.

Mais, presque immédiatement, elle pose ses mains sur son torse et rompt le baudet.

— Tu es bien téméraire, Maïeul avec un i, pas avec un y, plaisante-t-elle doucement en lui faisant un clin d’œil. C’est pas comme ça que je… voulais te remercier… mais ça fait l’affaire… Non ?

Maïeul rougit tellement qu’il a la sensation que son visage est en feu. Il se frotte la nuque, les yeux baissés, n’osant plus la regarder.

— Je…

— Tu peux l’ouvrir ? l’interrompt Myranda en lui montrant le coffre. Je suis sure que l’intérieur est… aussi magnifique que l’extérieur.

Maïeul n’aurait pas cru ça possible, mais il rougit encore davantage. Il déglutit et, dans un mot, obéit avec des gestes lents et délicats.

— Nom d’un Zlurpy en slip ! s’exclame Myranda en toussotant, parvenant à contenir une nouvelle quinte de toux.

Maïeul regarde intensément Myranda, se focalisant sur le sang séché aux coins de ses lèvres, puis il observe Archibald, qui semble se poser les mêmes questions que lui et être tout aussi inquiet que lui. Et cette inquiétude qu’il retrouve en son petit frère, cela me surprend, le rassure.

Il n’a pas le temps de réfléchir plus avant, car Myranda interrompt le fil de ses pensées.

— La boîte n’est pas vide ‽ C’est un galet ‽ Il est beau ! Tu l’a pris où ‽ Et ça c’est… une feuille de chêne ! Oh et tu as mis un gland aussi ! Comment tu as eu cette idée ‽

— C’est toi qui m’as inspiré l’idée…

Maïeul se passe une main derrière la tête, gêné.

— C’est quoi un Zlurpy ? fait-il diversion, avec curiosité malgré tout.

— Tu ne m’auras pas… aussi facilement… Maïeul avec un i… pas avec un y ! s’amuse Myranda, espiègle. Explique-toi et je… te le dirai !

Maïeul l’observe longuement, hésitant, puis il jette un coup d’œil à Archibald, qui hoche presque imperceptiblement la tête. Il soupire, vaincu.

— Tu m’as dit que tu ne vas jamais dehors, et Bald et moi on a été se promener en rentrant de chez toi hier alors… Si tu ne peux pas aller à la nature, alors je fais venir la nature à toi… C’est idiot, je sais, m…

— C’est pas idiot, c’est touchant, Maïeul. C’est le plus beau… cadeau de l’univers, merci. Tu as eu un… baiser bien mérité, du coup !

Myranda lui fait un clin d’œil, souriante : il pique un fard et elle éclate de rire, ce qui lui provoque une légère quinte de toux. Elle plaque son mouchoir déjà souillé de rouge devant sa bouche.

— Ça va ? s’inquiètent Maïeul et Archibald simultanément et s’approchant davantage d’elle.

— Plus de peur que de mal, assure-t-elle, enjouée malgré la situation. Zlurpy, c’est un nuage. Quand je suis tombée malade… j’étais perdue, furieuse, confuse… Je ne savais plus… où j’en étais. Le pus dur était de rester clou…ée au lit alors que… le monde m’attendait dehors… Papa a quitté son travail pour… rester à mon chevet et… il faisait tout pour que j’oublie le dehors. Il était pas très doué… Puis on a créé une histoire ensemble… comme dans les mille et une nuits… Zlurpy est né comme ça !

— T’es mignonne…

Réalisant ce qu’il vient de dire, Maïeul s’empourpre.

— T’es tellement… « mignon » quand tu rougis comme ça, le taquine Myranda en caressant délicatement sa joue, insistant avec espièglerie sur le mot « mignon ». Archibald, ton frère est toujours aussi timide ?

— C’est ce qui fait son charme, ricane Archibald alors que Maïeul, le teint toujours écarlate, lui lance un regard noir. Toi, j’t’aime bien, tu peux m’appeler Archi, ou Bald ! s’exclame-t-il ensuite, tout sourire.

— Approche voir, Bald. Toi aussi tu mérites des remerciements, non ?

— Tu l’as dit ! Surtout qu’hier pour que Maille que Maïeul te voie j’ai diverti ton père dans l’armoire à phramacie ! phrama… pharama… phar-ma-cie ! répond Archibald alors que Myranda l’enserre dans une étreinte faible mais tendre.

— Putain, Bald, ta gueule… marmonne Maïeul, au comble de la gêne pendant qu’Archibald peine à prononcer le mot « pharmacie ».

Ni Archibald ni Myranda ne semble l’entendre.

— T’as quoi au juste ? demande Archibald en s’éloignant de Myranda pour la jauger, sans aucun tact.

— Bald… tente de l’interrompre Maïeul, malgré la curiosité qui le ronge.

— Non, laisse. Y a pas grand-chose à répondre, de toute façon… Les médecins cherchent toujours… à comprendre mon cas et à… mettre un nom sur ma maladie… En f…

— Les petits monstres, tout va bien là-haut ‽ s’enquière Monsieur Perrier du bas de l’escalier. Mymy chérie, tu n’as besoin de rien ‽ Tu te reposes bien ‽

L’air heureux et comblé d’amour, Myranda lève les yeux au ciel.

— Ça va ! s’exclame-t-elle, se brisant la voix, avant de recommencer à tousser.

Elle boit le maigre fond d’eau qu’il restait dans son verre et le repose sur la table de chevet. Maïeul le saisit.

— Bald, descends, je te rejoins, Myranda doit se reposer. Je lui remplis son verre et j’arrive.

— Ok ! Salut Mymy, à très vite !

Myranda lui répond par un signe de la main, souriante. Il quitte la chambre d’un pas léger et insouciant.

MaÏeul se sent bête, le verre à la main, parfaitement immobile. Son corps refuse de lui obéir, et il ne sait pas pourquoi. Il reste là à contempler Myranda comme si elle était la huitième merveille du monde.

— Je… heu… jjjjjjj… je… heu… Tu… Il… Tu as aimé le… cadeau ?

… baiser… Tu as aimé le baiser ?

— Bien sûr ! répond Myranda en se passant la langue sur les lèvres, ses yeux noirs plongés dans l’immense forêt qui lui évoquent les yeux verts de Maïeul.

La meilleure partie de ce cadeau était quand je t’ai remercié… se dit-elle avec regret, sans oser énoncer cette pensée à voix haute, effrayée à l’idée qu’il ait détesté ce moment. Je n’ai rien pour moi… J’avais du sang séché sur et dans la bouche… déjà que j’ai l’air d’un cadavre… Tu ne reviendras jamais me voir…

Elle sent des larmes lui picoter les yeux, mais elle les retient tant bien que mal, prévoyant de pleinement lâcher les vannes quand Maïeul ne sera plus là.

— Tu sais, Maïeul avec un i, pas avec un y, que ce verre ne va pas se remplir tout seul ? plaisante-t-elle en déviant son regard de celui de Maïeul pour le poser sur sa main qui tient le verre.

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