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— Waaaaaaaaaaaaaaah, Maille qui Maïeul, regarde ça ! s’émerveille Archibald en pointant le table de jardin des Perrier du doigt ! Quand je vois ça je veux graille !

Maïeul, de la sueur lui dégoulinant douloureusement dans les yeux, grimace en s’essuyant le visage dans son tee-shirt avant de se tourner vers son petit frère. Passer la tondeuse l’a mis au supplice, et il soupire de soulagement à cette pause bien méritée que Monsieur Perrier leur accorde avec un regard aussi doux que son sourire est tendre.

Madame Perrier, à la demande de son mari, leur a préparé une collation qui a pour effet de lui faire se lécher les babines alors que son estomac gronde. Archibald lui, s’est précipité sans demander son reste et est déjà assis, de la confiture de cerise partout sur le visage. La bouche pleine, il gémit, l’air benoît.

D'une main hésitante, Maïeul prend un croissant et l’approche de sa bouche. Mais il ne croque pas dedans.

Son regard se pose sur le paquet toujours au bord de la fenêtre, et il pense à Myranda, seule, là-haut, alitée, à un étage de lui.

Je dois demander. Même si j’ai peur. Je dois demander.

Je veux monter voir Myranda !

Madame Perrier sursaute et renverse le verre de jus d’orange qu’elle tendait à Archibald sur la nappe, les lèvres pincées, visiblement contrariée. Monsieur Perrier, lui, est d'un calme olympien, souriant avec bienveillance. Quant à Archibald, il est surpris, mais il lutte contre le fou rire en regardant son grand frère.

Maïeul réalise alors avec horreur qu’il vient de crier, et non de penser.

— Bien sûr, mon garçon. Les petits dorment dans leurs chambres, ne fais pas de bruit, s’il te plaît, dit Monsieur Perrier, alors que son épouse lui lance un regard noir tellement fugace que Maïeul pense l’avoir imaginé.

Il se saisit de son paquet et entre dans la maison, alors que Madame Perrier lui sourit, avenante.

— Je peux aller avec lui ‽ demande Archibald, tout excité, en s’empressant de terminer sa collation.

— Lavez-vous bien les mains et le visage avant d’aller voir Myranda, s’il vous plaît, pour son b…

— Virginie… l’interrompt Monsieur Perrier d’une voix douce, avant de continuer à lui parler silencieusement grâce à son regard.

Archibald se hâte à la suite de Maïeul, qui lui sourit, amusé, en levant les yeux au ciel. Il le guide jusqu’à la salle de bain de l’étage en frottant son genou à l’endroit de son pansement de Sam. Maïeul, lui, pense aux consignes de Madame Perrier, inquiet pour Myranda.

Je l’ai mise en danger encore et encore depuis le début ! Pourquoi j’ai pas pensé à ça ‽ aux fichus microbes ! La prochaine fois je viens avec une combi !

J’avais il n’a été aussi méticuleux pour se laver les mains et le visage, et c’est avec un soin extrême qu’il vérifie qu’Archibald l’est tout autant.

— Parfait, suis-moi.

Au moment d’ouvrir la porte, il déglutit en serrant son paquet si fort contre son cœur que les jointures de ses doigts blanchissent et qu’il a mal. Son cœur bat fort, douloureusement, il court vers Myranda alors que Maïeul n’a pas encore esquissé le moindre mouvement.

Cette fois, Myranda ne dort pas. Le livre qu’elle tient, pourtant fin, semble si lourd entre ses longs doigts maigres et faibles. Mais elle ne semble pas s’en soucier outre mesure, bercée par l’habitude de son quotidien hors du commun.

Maïeul sourit tristement alors qu’Archibald observe curieusement Myranda, les sourcils froncés, puis se concentre sur la pièce avant de revenir à Myranda. Ils restent tous les deux immobiles et silencieux. Puis Maïeul fait un pas, fébrile. Le parquet grince.

Et merde.

Et merde ! s’exclame Archibald en écho à la pensée de Maïeul, surpris par le bruit.

Myranda, qui n’avait pas conscience de leur présence dans la pièce, se redresse brusquement, les mains sur son buste, peinant à respirer, secouée par une affreuse quinte de toux, du sang sortant de sa bouche. Son livre s’écrase sur le sol avec un bruit sourd.

Comme un seul homme, Maïeul et Archibald se précipitent à son chevet pour la secourir. Maïeul jette son paquet sur les draps trempés de sueur. Avec les yeux d’un cheval fou, il cherche le regard d’Archibald, pour savoir quoi faire. Celui-ci est tout aussi perdu et effrayé que lui.

Luttant contre sa toux, Myranda tâtonne pour atteindre la table de chevet, à la recherche de quelque chose, en vain. Maïeul comprend : d’un geste rapide, il saisit le verre d’eau qui y est posé. Il tremble tellement qu’il en renverse sur lui, sur le lit et sur Myranda. Quand il l’approche des lèvres de Myranda, il est si angoissé qu’il le fait claquer contre ses dents.

Malgré ses efforts, elle n’arrive pas à boire : elle vomit toute l’eau, rosie par son sang, tant par la bouche que par le nez, avec des bruits de bouche qui apeurent Maïeul et Archibald.

Quand sa crise passe enfin, Myranda les observe étrangement. Doucement, privée de ses forces, elle pose sa main sur le torse trempé de Maïeul, pour le faire reculer.

— Que fais-tu là ? demande-t-elle sèchement, mais ne pouvant retenir une pointe de curiosité dans son ton.

Maïeul est troublé : il ne comprend pas. Archibald non plus, vu son corps tendu, sa bouche ouverte dans un o étonné et ses sourcils froncés. Il ne sait pas quoi répondre, alors que pour lui la réponse à sa question est tellement évidente ! Les secondes passent et le silence perdure : il a envie de pleurer de sa stupidité.

Dis quelque chose ! Réponds-lui ! Tu es venu pour elle ! Tu as un cadeau ! Tu veux la voir ! Tout le temps !

Mais les mots refusent de franchir la barrière de ses lèvres. Il plonge ses yeux verts dans ceux de Myranda, pour lui dire tout ce que sa bouche est incapable de prononcer.

Elle est furieuse contre moi, comprend-il. Pourquoi est-elle furieuse contre moi ‽

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