Rencontre

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L'esthétique... un idéal que j'ai souvent poursuivi, tâtonnant, expérimentant, comme dans la discipline qui est la mienne, la peinture.

La beauté du corps humain, naturel ou sublimé par la résille, le métal, le cuir.

Je ne m'y intéressais tout au début pour l'amour de l'art, l' ineffable expressivité du sujet, l'abandon dans le plaisir, l'harmonie dans la souffrance.

À travers cela, je découvrais tout un monde, virtuellement, d'abord.

L'instantané d'une photographie puis l'intensité d'une vidéo. Une femme tenue en laisse, prosternée au pied de son maître, flagellée jusqu'à l'extase, les seins transpercés pas une multitude d'aiguilles, les orifices outrageusement dilatés par toutes sortes de jouets. Les plus délicats symboles de la féminité férocement malmenés. Et cette indicible expression sur son visage crispé dans l'orgasme.

Cet érotisme brutal avait réveillé mes sens qui s'étaient assoupis depuis de nombreuses années déjà. Je le rêvais, je le désirais, je souhaitais ardemment l'éprouver dans ma chair...

Mais comment y parvenir ? Comment trouver la bonne personne pour cela ?

Car, pour joueuse que j'étais, je ne voulais pas que ce soit réduit à un simple jeu.

Je ressentais en moi le besoin de me soumettre, un besoin profond et authentique, mais uniquement envers un dominateur dans l'âme.

Je ne voulais pas feindre ou simuler cette relation, mais la vivre pleinement.

On dit souvent quand on parle de l'acte d'amour qu'on est possédé. Mais en réalité, de possession, il n'y en a guère, des caresses furtives, aussi vite données que reçues, et oubliées plus vite encore. D'appartenance, il n'est pas vraiment question, il ne s'agit que de lieux communs évoqués au détour de la passion.

Or, c'était précisément une possession, une appartenance tangible à laquelle j'aspirais, quelque chose de durable et d'ancré dans ma peau, littéralement.

J'exprimais cette envie brûlante, à mots voilés. Je la jetais au vent en espérant que celui-ci me répondrait, éperdue.

Et l'improbable se produisit, le vent me répondit, sur un ton inattendu. Moqueur, les hommes jouant aux maîtres étaient pitoyables en réalité, me dit-il.

Etonnée, je l'interrogeai, le questionnai, pourquoi ce jugement si abrupt ?

Et au fil de la conversation, la raison fut enfin évoquée. Il avait lui-même tenu ce rôle, par le passé.

Je lui demandai de m'en faire le récit détaillé. Il m'en parla longuement, de lui et de ses soumises, de ce qu'il leur avait infligé. Des tourments que je devinais délicieux, humiliation, souffrance, jouissance entremêlées. Je découvrais cette facette de sa personnalité, perverse, cruelle, inflexible, qui me fascinait. Je sentis en lui ce que je recherchais depuis si longtemps.

Je brûlais qu'il exerce ses talents sadiques sur ma chair, qu'il y abatte sa férule implacablement. J'induisais, insinuais, louvoyais, n'osant formuler directement ma supplique.

Qu'il m'asservisse de son despotisme conquérant.

Je le voulais, lui, plus que tout au monde. Ce désir singulier balayait tout devant lui, plus rien n'existait en dehors de lui.

Puis au détour de la discussion, la sentence tomba enfin.

" À partir de maintenant, appelle-moi Maître" exigea-t-il, froidement.

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