Chapitre 8

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— Entrez !

— Bonjour, Monsieur.

— Oui, bon, asseyez-vous. Vous savez pourquoi je vous convoque ?

— Je ne suis pas…

— Je vais vous le dire, moi ! Vous ne DEVIEZ PAS LUI ADRESSER LA PAROLE.

— Je suis désol…

— Pourquoi avez-vous fait ça ?

— Écoutez-moi, pour une fois. Je suis un scientifique. Sans doute le plus grand de notre siècle, alors je crois que vous me devez un minimum de respect. Je vous rappelle que l’expérience a dépassé toutes nos espérances, cette fois. HOPE2.0 est parfaite. Vous l'avez vérifié en personne. La seule chose qui la différencie de nous est la composition de nos corps : circuits contre chairs, vous comprenez ? Elle est conçue de manière à imiter tous les comportements –biologiques et psychologiques– humains. N’importe qui voyant cette jolie brune serait incapable de faire la différence. Elle est presque humaine. Je ne pensais pas qu’elle le serait à ce point. Je l’ai soutenue, ou bernée, à vous de voir, pendant tout ce temps, alors je crois que je lui devais au moins ça : des excuses. HOPE2.0 a souffert pendant plus de quinze mois ! A cause de moi. Quand je la désactivais chaque jour pour vérifier ses “ fonctions vitales ” et disposer sa nourriture par la trappe du plafond, à chaque fois, j’avais un peu plus envie de la sortir de là. Je ne l’ai pas fait. Pourquoi ? Parce que je suis une pourriture qui préfère un salaire mirobolant et une renommée planétaire, plutôt que faire ce qui est juste. Vous avez gagné, vous voyez ! Elle a gardé espoir, jusqu’au bout. La dernière chose qui séparait l’homme de la machine a été annihilée. Même l’androïde peut se buter dans la stupide logique humaine, peut sentir la faim, le sommeil, la haine, la tristesse… l’Amour. Vous m’avez donné les moyens et l’argent nécessaires à la construction de ce laboratoire hors normes, et je vous en suis reconnaissant. C’est grâce à vous que j’en suis là (même si je ne sais pas très bien où se situe ce “ là ”), mais cela reste mon expérience, ma Rosalie. Si cela n'avait dépendu que de moi, tout ceci aurait pris fin depuis longtemps. Alors comprenez au moins que je suis énervé, votre stupide contrat m’empêche de m’opposer à votre décision de la désactiver, d’effacer sa mémoire…

— Mais qu'est-ce qui vous prend ? Vous perdez la raison ! HOPE2.0 n'est qu'un androïde, un robot, une machine, un tas de ferrailles ! Si nous la désactivons, c'est parce qu'elle n'est qu'un prototype. Nous devons l'étudier, l'améliorer encore...

— Cette fois, ce sera sans moi. Je refuse de continuer. Je veux démissionner.

— Que dites-vous ! Pensez à tout ce que vous avez sacrifié pour ce projet, et à tout ce que vous avez investi ! Voulez-vous que vos efforts soient vains ? De toute façon vous avez signé un contrat avec notre entreprise ! Si vous ne le respectez pas, vous pourrez dire adieu à votre salaire, et vous perdrez tous vos droits sur notre produit !

— Ma décision est prise. J'ai perdu l'espoir que j'avais en ce projet de recherche. J'aurais dû comprendre bien plus tôt ce qu'il engendrerait. Je ne peux pas continuer. Ma conscience crie d'horreur en nous voyant essayer de recréer l'humain en laboratoire, à des fins qui lui semblent ambiguës. Ce que nous faisons est inhumain.

— Vous devenez fou... Nous reparlerons de tout cela demain, quand vous aurez réfléchi calmement.

***

    Une ombre se glisse furtivement dans la pièce plongée dans l’obscurité. La tête transpire. Les mains tremblent légèrement. La silhouette allume sa lampe torche. Les yeux découvrent deux corps presque identiques, l’un à côté de l’autre. Tous les deux morts. L’ombre s’avance vers la jeune femme brune, celle de droite. L’expression inanimée de son visage lui arrache un frisson. La silhouette s’agenouille devant elle, et les doigts passent sur la nuque du cadavre, plongent à l’intérieur, et récupèrent une toute petite carte. Soudain une alarme retentit. Il s’est fait repérer. L’intrus va sortir, mais au dernier moment, il se ravise. Il hésite. Finalement, il prend aussi la carte de l’autre, sur laquelle on peut lire H1, puis il les range prestement dans la poche de son jean. Rosalie avait confiance en lui. Elle n’avait pas perdu espoir. Mais lui aussi, croyait toujours en elle, et il allait la sauver. 

    Il passe la porte, et à travers la sirène qui veut le rattraper, il court.

 

 

 

 

 

 

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