Le roi Soleil

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Il était un roi au-dessus de tous les rois et qui ne subissait ni l’âpre loi de la terre ni les méandres du ciel. Né de la fusion de deux étoiles, il fut nommé Soleil, aussi étincelant que la dorure de ses longs cheveux de feu. Il n’était certes pas le plus grand de ses frères mais demeurait-il pourtant lumineux comme mille astres. Et dans le cercle de sa lumière se tenaient une poignée de planètes si admiratives devant son éclat qu’elles restèrent à ses côtés, tantôt proches tantôt éloignées en fonction des affinités que le Soleil leur portait. Ainsi dura longtemps le règne du Soleil auprès de ses sujets. Le temps passa lentement mais le Soleil ne s’en souciait pas. Trop heureux de la place qu’il occupait il s’amusait à voir les planètes qui l’entouraient permuter pendant que lui-même ne changeait point.
Et un jour survint une comète. Oh, des comètes, le Soleil en avait vu des millions durant son long règne, mais jamais astéroïde aussi gros ne parvint jusque chez lui et dans sa trajectoire la pierre volante frappa de plein fouet l’une des planètes, la troisième de son cercle. L’astéroïde s’en repartit comme si de rien n’était, mais la troisième planète, après son passage, se mit à tourner sur elle-même plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait. Dans sa vitesse elle se déforma et un bout de sa personne s’allongea dans le firmament. Et elle continua de s’allonger jusqu’à ce que ce petit bout qui s’en allait se détachât complètement d’elle. Alors la troisième planète redevint ronde et calma sa danse furieuse pour retrouver son calme d’autrefois. Quant au petit bout qui s’en détacha, il devint rond lui aussi, se mit à tourner sur lui-même, comme le faisaient les autres planètes, mais au lieu de tourner autour du Soleil cette planète-ci se mit à tourner autour de sa planète mère.
Furieux qu’une planète l’ignorât ainsi, le Soleil se pencha plus en avant et tendit ses yeux vers la nouvelle-née. C’est alors qu’il la vit pour la première fois. Elle n’était pas bien grande, bien plus petite que toutes ses consœurs. Elle n’était ni rouge, ni bleu mais d’un gris d’argent comme jamais le Soleil n’en avait vu. Elle se nommait Lune, et la Lune tournait irrémédiablement autour de sa planète mère, sans jamais se tourner vers le Soleil ni admirer son éclat de feu doré. Trop loin pour qu’il ne la touchât, le Soleil resta sur son trône et attendit, attendit, attendit que la Lune daignât tourner vers lui ses yeux de nuit. Mais jamais elle ne le fit, et le Soleil attendit.
Il vit le temps passer encore et encore, et jamais il ne le trouva aussi long que depuis que la Lune était née. Toujours s’impatientait-il mais jamais, ô grand jamais elle ne se tourna vers lui. Il vit le feu s’emparer de la première planète de son cercle, une parure qu’elle arbora pour ressembler à son roi. Il vit la quatrième rougir de jalousie devant la première pendant que la deuxième, ne pouvant ni s’enflammer ni rougir, se fit force de se créer une robe de miroirs pour qu’aussi longtemps que le Soleil brillât elle renvoyât sa lumière aux quatre coins de la galaxie et se fit à son tour admirer comme une étoile. Il vit la neuvième se lasser du temps passé et s’éloigner de plus en plus, si bien qu’un jour elle se retrouva hors du cercle du Soleil et depuis, ses sœurs plus jamais ne lui parlèrent.
Il vit même la troisième changer encore et encore. Sur le bleu de sa robe naquit du vert, une immense tache vert qui s’étala sur la planète en une poignée de marques. Il vit quelques êtres s’y installer, tout d’abord petits et peu nombreux, puis colossaux comme des montagnes et fort nombreux. Un jour une autre comète, bien plus petite que la précédente, revint s’accoler à la planète et cette fois-ci y resta. Le Soleil vit la planète se mettre en colère, si furieuse qu’on l’occupe qu’elle s’entoura de nuages noirs. Longtemps elle demeura ainsi et lorsqu’elle retrouva son éclat d’autrefois les géants qui l’habitaient n’étaient plus, remplacés par de petits êtres bien étranges qui, quelques temps plus tard, se mirent à arpenter l’espace comme s’il leur appartenait.
Et pendant ce temps la Lune ne changea point, se contentant de tourner sur elle-même en un ballet calme et langoureux. Toujours elle tourna le dos au Soleil, jamais elle ne le regarda et le Soleil, depuis son trône de feu, ne cessa d’attendre le jour où la Lune, enfin, se tournerait vers lui. Bien souvent le Soleil envoya vers elle des doigts de feu, mais jamais ils ne la touchèrent et seule la troisième planète s’en procura les rendez-vous pour les honorer de mille lumières sur sa robe de ciel.
Alors le Soleil, fatigué d’attendre, triste de tant d’inattention cessa d’illuminer ses pairs et se laissa s’éteindre. Alors les planètes, les plus éloignées de son cercle, s’en allèrent les unes après les autres chercher une autre étoile à aduler. Les plus proches s’éteignirent à jamais et ne devinrent à leur tour que comètes divaguant dans le grand univers. Seule resta la troisième planète qui à jamais se gorgeait du Soleil. Et avec elle la Lune. Alors le Soleil, dans le peu de lumière qu’il lui restait, envoya un dernier filin de feu à la Lune, espérant de tout cœur que la Lune l’écouterait. Celle-ci ne lui remit en échange aucun signe et le Soleil, affligé, ferma ses paupières. Longtemps il les ferma et longtemps il resta silencieux mais jamais il ne s’éteignit. La troisième planète resta avec lui et la Lune aussi. Lorsque le Soleil se sentit mourir, il rouvrit les yeux pour voir une dernière fois la dame argentée qui jamais ne le regarda. Et il s’illumina de nouveau. Deux grands yeux de nuit, où se miraient les étoiles, le regardaient.
En ce jour, le Soleil avait rendez-vous avec la Lune. Et pour la première fois, la Lune était là.

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