FICTO

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Lorsque M. rentre chez elle, elle passe du temps avec ses colocataires. Trois nanas bien dans leurs baskets, qui aiment le rhum et les applications de rencontre. L’une des filles monopolise la conversation. M. écoute à moitié. Elle chauffe de l’eau pour le thé, lâche quelques rires parfaitement synchronisés, divague au gré de ses pensées.

Elle se demande ce que Sam lui aurait dit, là à l’instant T, si seulement il existait.

Elle reformule ses dialogues, ceux qu’elle a lu un peu plus tôt, dans le métro, puis les adapte à sa réalité. Elle connait par cœur sa prose, entend parfaitement chaque mot, chaque intonation. M. aime se perdre entre ses lignes, elle les drape autour d’elle pour qu’elles glissent le long de sa peau et viennent caresser son esprit.

A l’écart du groupe, M. ne pense qu’à une chose. Retrouver Sam. Il l’attend, une phrase en suspens, pour vivre à travers elle. Toutefois, M. prend son mal en patience. Lorsqu’elle le rejoindra, ce sera sans barrière, sans limite, sans tabou.

L’attente, puis l’excitation. Elle anticipe Sam, l’entrevoit dans toutes ses dimensions et, dans toutes ses directions, M. n'a d'yeux que pour lui.

Quand M. et Sam sont ensemble, tout est fusion. Leurs mots se cherchent, se frôlent et se caressent, leurs sens tous azimut se percutent, se mélangent. Sam a le goût du thé, chaud, réconfortant et l’odeur boisée d’un livre maintes fois ouvert. Depuis les lignes, Sam la contemple. Il l’interpelle, la convoite, sait user de spontanéité.

Attendrissant, tout de même, lorsqu’il est prévisible.

Sam n’a pas besoin de s’incarner. Il a la beauté qu’ont les idées et cela suffit à M. pour dériver sur les vagues de son désir.

Après tout, un corps, c’est surfait ! ça pèse, ça pue, ça parle pour ne rien dire.

Ça fait mal, aussi, et c’est laid !

Des orteils crochus, des cuisses qui sont toujours trop molles, trop maigres, trop pâles, et puis un sexe, repoussant, agressif, brandit comme une arme.

Lorsque M. et Sam font l’amour, M. n’a pas besoin de chair. Quittant son enveloppe comme on laisse choir un peignoir de soie, elle prend enfin possession d’elle-même. Libérée de toute entrave, de toute douleur, gêne ou insatisfaction, elle exulte, s’enfonce dans son intellect, dans celui de Sam, surtout.

Seule sa respiration donne le rythme, tel un métronome derrière la mélodie de son extase. Car c’est lui, c’est Sam qu’elle embrasse depuis son âme. Sam, qui dans son irréalité est pourtant vrai, plus vivant que jamais au fond d’elle. Plus il prend vie, et plus M. s’écarte, lui laisse de l’espace, le fait grandir. M. devient un monde, son monde à lui, dont il occupe chaque parcelle, comble chaque brèche, chaque couloir, comme s’il cherchait à le fuir. Sam se faufile, s’insinue, s’enfle, à l’infinie.

C’est ainsi que M. jouit. Au milieu de ses colocataires, ou parfois même dans le métro.

Personne ne le devine, nul ne se l'imagine.

Parfois, le sexe n’est pas toujours concret, cela ne veut pas dire qu’il n’en est pas moins vrai.

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