2.5 : Mehdi

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— Merci, Monsieur, bonne soirée.

— Vous aussi, amusez-vous bien !

Mehdi fulminait en regagnant le siège conducteur. Quel culot de lui dire, à lui, « Amusez-vous bien ! », à bientôt une heure du mat. Encore un de ces petits glandeurs biberonné aux réseaux de ses parents, qui commençait sa journée au milieu de la nuit sur les Champs. Il se promit pour la centième fois de ne plus quitter son volant pour leur ouvrir la portière, à ces larves qui le traitaient comme un larbin, alors qu’il pourrait presque être leur père. Inconcevable ! Son fils à lui, il lui inculquerait le respect de certaines valeurs : travail, considération… Et puis quoi, patrie tant qu’on y était ? Il se reprocha ces principes de vieux con réactionnaire. Il allait demander à Maud son avis sur l’éducation des enfants, cela les distrairait ce soir. La nature avait doté sa cliente d’un véritable don d’empathie, au point qu’il se surprenait à se confier à elle pendant qu’ils étaient confinés dans l’habitacle. Sans doute qu’elle lui remettrait les idées en place. À l’évocation de sa passagère du soir, il recouvra sa bonne humeur.

Son regard s’attarda sur l’Obélisque. Le privilège de son métier : admirer les plus beaux monuments du monde à longueur de journée. Rien qu’aujourd’hui, il avait vu Notre-Dame, Le Louvre, l’Arc de Triomphe, la Tour Eiffel, et s’était amusé de la tuyauterie de Beaubourg sur la rue Renard. Une invitation à l’histoire de France. Il se promit une fois encore de s’y mettre avec Ryan, qui était revenu de la sortie scolaire à la Galerie de l’Evolution avec la passion des dinosaures.

Le chauffeur alluma l’autoradio, un réflexe lorsqu’il se trouvait seul. Il s’attendait à tomber sur le bulletin d’informations, mais c’était déjà la météo. Suivirent les résultats du PSG en Ligue des Champions. Il était en retard. Dans ces cas-là, Maud en profitait pour se griller une dernière cigarette, avant de lui faire remarquer qu’il serait responsable de son cancer.

Il approchait de l’enseigne « Paradis des Cancans » lorsqu’un agent en uniforme posté au milieu de la chaussée l’obligea à stopper. Des éclats de gyrophares se reflétaient sur les façades blondes des immeubles. Il eut beau signifier, à grand renfort de gestes, qu’il avait quelqu’un à prendre un peu plus loin, le policier lui intima de tourner à gauche. Il avança la Toyota de quelques mètres dans la perpendiculaire et se gara sur un emplacement de livraison. Par SMS, il prévint Maud de consulter l’appli pour le localiser. Au bout de dix minutes, comme le froid se faisait vif, il attrapa son manteau à l’arrière et s’en recouvrit, somnolant à l’écoute d’un programme de la nuit sur les énergies renouvelables. Le manège des véhicules de police se poursuivait dans son rétro. Son téléphone sonna. Il s’en empara. Ce n’était que Sabrina. Une ambulance passa toutes sirènes hurlantes. Le trafic reprit sur l’artère.

Mehdi effectua un demi-tour, roula jusqu’à la ruelle où Maud aurait dû poireauter. Impossible d’y accéder. L’endroit grouillait de voitures de patrouille. Il poursuivit sa route, luttant pour chasser ses inquiétudes : avec tout ce remue-ménage, elle était certainement rentrée avec un de ses collègues. Alors il déconnecta son application, s’avisant qu’elle totalisait quinze courses non répondues, et tenta une dernière fois de joindre Maud.

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