Stratégie gagnante

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Lorsque son soleil traversait le plan équatorial de Centora II, le moment était venu. Ce signal céleste se manifestait par une durée équivalente pour le jour et la nuit et les Sophos le percevaient parfaitement bien. A ce moment de l’année toute la communauté s’activait pour se préparer à sortir du Phyton. Les Sophos émettaient un cortège de molécules organiques pour communiquer leur état, tant physiologique que nerveux. La phase de fécondation achevée depuis déjà longtemps, ils étaient prêts à se lancer dans le monde extérieur. Ils produisaient certaines molécules très particulières durant ce moment clef de leur existence et une forme de mélancolie envahissait alors le fluide du Phyton. Celui-ci leur avait fourni ressources alimentaires et abri tout au long de la première phase de leur développement et le quitter leur causait un sentiment exaltant accompagné d’une forme de tristesse. Sans Phyton, les Sophos ne pouvaient ni se développer ni se reproduire. Cette grande créature sessile de couleur verte représentait tout pour les petits Sophos.

Le premier Sophos sortit du Phyton le matin suivant. Il nagea lentement en quête d’une cible valable. Son instinct le poussait à rechercher un animal mobile, et même, si possible, vif et capable de se déplacer sur de longues distances. Sa récente métamorphose lui avait donné deux nageoires et un rostre aiguisé. Sa quête était désormais celle d’un chasseur. Un chasseur d’un genre particulier. Il traquait celui qui saurait le conduire loin de son Phyton père et lui offrirait le moyen de rejoindre un autre hôte de la même espèce quelque part, le plus loin possible. Le Sophos était programmé pour cela, il n’avait d’autre choix que conquérir de nouveaux territoires le plus loin possible. C’était ainsi depuis des millions d’années. Les Sophos colonisaient les Phytons à travers tout Centora II en pénétrant dans le corps d’animaux de passage qui leur servaient de véhicule. Ils quittaient ensuite leur hôte pour parasiter un Phyton et former une nouvelle colonie.

Shaan, son collègue Snafu et le reste de leur compagnie d’ingénieurs avançaient doucement à travers la vaste plaine alluviale. Centora II était une planète remarquablement agréable pour une compagnie de scientifiques comme la leur. Elle regorgeait de formes de vie passionnantes et ses paysages étaient magnifiques. Pas de grandes créatures dangereuses, ou du moins personnes n’avait rien observé de tel depuis le début du programme d’exploration. Shaan marchait en tête du groupe. Arrivé devant le lac peu profond qu’ils avaient aperçu dès le début de la matinée, il se tourna vers Snafu.

— J’adore la lumière en cette saison et ce lac a une couleur extraordinaire !

Snafu était moins admiratif.

— Oui c’est un joli panorama. Ceci dit, je pense que nous avons assez d’échantillons biologiques pour rentrer à la base. En plus nous commençons à nous éloigner de notre véhicule. Je n’aime pas trop ça.

— OK Snafu, je te propose un dernier prélèvement d’eau dans le lac et un échantillon des organismes qui s’y trouvent et puis on rentre.

Snafu hocha la tête en signe d’approbation et se retourna vers le reste de la compagnie, en tout 5 autres humains, pour leur annoncer l’arrêt en vue d’une dernière série de mesures.

Shaan s’approcha tranquillement du rivage. Depuis que toutes les mesures sanitaires obligatoires avaient été supprimées du règlement, les hommes et les femmes circulaient sur Centora II sans masque respiratoire et en tenue légère dans les régions où le climat le permettait. C’était un plaisir seulement autorisé lorsque l’exploration des planètes était complète et n’avait révélé la présence d’aucun organisme particulièrement dangereux. Il entra dans l’eau jusqu’aux chevilles et ouvrit le petit conteneur attaché à sa ceinture pour y prendre le matériel de prélèvement. Snafu et les autres se tenaient juste derrière Shaan pour attraper les récipients remplis d’eau ou contenant des végétaux.

— Ces grosses plantes vertes sont présentes absolument partout ! s’exclama Snafu.

Shaan en plaçant la pipette de prélèvement dans l’eau.

— Elle est bonne ? plaisanta son collègue.

Shaan resta concentré sur son travail mais sourit à cette blague idiote mais néanmoins rituelle chez les ingénieurs biologistes.

Le Sophos fonça vers la forme qui venait d’entrer dans l’eau. Les animaux venant s’abreuver puis s’en allant vers des endroits lointains constituaient son meilleur atout pour trouver son eldorado. Son rostre aigu lui permit de traverser facilement les tissus de protection de l’animal. Il pénétra dans le corps et ressentit une immense confusion. Les fluides n’avaient rien en commun avec ceux des Phytons. Mais ceci n’était pas un problème car les Sophos avaient évolué depuis l’aube des temps pour survivre à n’importe quel système biologique ou presque.

— OK j’ai terminé, cette grosse plante verte était le dernier prélèvement. Shaan tendit le récipient en plastique plein à Snafu.

— C’est étrange mais je ressens une très légère douleur à la cheville. Je ne serai pas fâché de rentrer à la navette et toi Snafu ?

— Moi aussi ! Cette planète est agréable mais j’en ai assez. Je suis content de la quitter et qu’on rejoigne le Zephyrus pour une nouvelle destination.

— Oui, la routine ce n’est pas pour des ingénieurs intrépides comme nous lança Shaan en souriant.

Niché dans les tissus musculaires du scientifique, le Sophos attendrait le bon moment pour quitter ce corps et trouver le Phyton convoité. Le prochain arrêt dans un abreuvoir devrait faire l'affaire.

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