Manque.

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« Putain de bordel de merde !" s'écria Nicolas la tête dans les mains.

 Il était dans cette position depuis au moins une vingtaine de minutes. Il se tenait le crâne et son visage dessinait de drôles de grimaces. Il avait passé la journée allongé dans son canapé, à regarder le plafond blanc, qu’il était grand temps de repeindre. Il avait réfléchi. Beaucoup réfléchi. Et maintenant, la nuit tombait, faisant glisser lentement l’appartement dans les ténèbres. Nicolas commençait à s’agiter.

« Putain de bordel de cul !" continua-t-il sans vraiment être original dans la vulgarité.

 Il se leva d’un bond et se dirigea vers la salle de bain. Il essayait tant bien que mal de chasser ses pensées. Il ne voulait pas que Jack continue d’occuper son esprit. Il souhaitait qu’il sorte une bonne fois pour toutes de sa tête. Il souffrait trop à cause de lui. Tout était de sa faute.

 Il actionna le robinet de la douche et se mit sous l’eau tiède tout habillé. Il ferma les yeux pendant plusieurs minutes et coiffa ses cheveux en arrière avec sa main droite qui tremblait légèrement. Nicolas ne parvint pas à retenir un sanglot. Il se cala contre le mur de la cabine et se laissa glisser sur le sol. Il était triste et fatigué. Il n’arrivait plus à dormir. Il se sentait pathétique. Il pensa à appeler son meilleur ami mais il se rappela qu’ils n’étaient plus en bon terme depuis quelques jours. Cet homme n’avait personne vers qui se tourner.

 En à peine quelques mois, Nicolas avait tout perdu. Travail, femme et enfants. Émilie était partie avec son fils et sa fille, laissant un trou béant dans sa poitrine de quadragénaire. Pourtant, elle l’avait prévenu. Elle lui avait dit que leur relation à lui et Jack était néfaste, toxique, destructrice. Elle lui avait dit qu’il n’en ressortirait rien de bon, qu’il devait se méfier. Emilie sentait qu’un jour ou l’autre leur couple volerait en éclats à cause de Jack. Cependant il était adulte, il faisait ce qu’il voulait. Un jour, il faudrait payer les pots cassés, assumer les conséquences de ses actes.

 À l’époque, ces avertissements semblaient être des paroles sortant de la bouche d’une femme jalouse. Nicolas n’y avait pas prêté attention.

« Elle n’est pas contente mais ça ira mieux demain », pensait-il.

 Jusqu’au jour où il rentra chez lui après une soirée bien arrosée en compagnie de Jack et qu’il trouva sa femme et ses enfants entourés de leurs valises.

« Tu as pris une décision, Nico. Tu l’as choisi lui plutôt que les enfants et moi. Il faut croire que tu l’aimes plus que nous. »

 Il avait tenté de la retenir, de discuter avec elle. Il lui promit de retrouver un emploi rapidement, de l’emmener en seconde lune de miel et d’offrir un lapin nain à Marius et Julie. Mais les effluves de son haleine chargée n’avaient pas aidé à prendre au sérieux ces belles paroles trop souvent prononcées. Ainsi en quelques dizaines de secondes, il s’était retrouvé seul. Depuis, le silence dans l’appartement, désormais trop grand pour lui, le bouffait de l’intérieur.

 Nicolas était toujours sous la douche et repenser à tout cela lui donnait la nausée. Ses mains tremblaient de colère et de frustration. Comment avait-elle pu lui demander ça ? Comment avait-t-elle pu lui poser un aussi gros dilemme ?

 Jack et lui s’étaient rencontrés lors d’une soirée entre amis. Le feeling n’était pas vraiment passé entre eux la première fois mais à force de se côtoyer, ils avaient créé un véritable lien. Jack avait été l’amant, l’ami, le confident lors de si nombreuses soirées. Émilie ne pouvait comprendre. Personne ne le pouvait d’ailleurs. Nicolas oubliait ses complexes en présence de son ami. Il se sentait capable de tout grâce à sa présence encourageante. Il avait l’impression d’être indestructible, invincible. Et aucune sensation au monde n’est comparable à celle-ci. Il ne pouvait donc pas faire une croix aussi facilement sur Jack.

 Le père de famille se leva difficilement en s’appuyant contre le mur. Il sortit de la salle de bain sans prendre la peine de se sécher et alla s’allonger sur son lit, autrefois lieu de tendresse et de sensualité, aujourd’hui lieu de détresse et d’abandon.

 Depuis le départ de sa femme, il s’était promis de changer, de faire tout ce qu’il pourrait pour que les enfants reviennent vivre à la maison. Émilie s’en mordrait les doigts lorsqu’elle se rendrait compte quel genre d’homme elle avait quitté. Et si jamais, elle souhaitait revenir avec lui, il ne lui rendrait pas les choses faciles. Du moins durant un temps.

 Mais ce soir, Nicolas était au plus mal, au comble de la solitude et du manque. Ce soir, Nicolas aurait été capable du pire pour pouvoir boire un verre de Jack Daniels.

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