Quand les ondes gravitationnelles furent pour la première fois

de Image de profil de Etienne LeconteEtienne Leconte

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Il y eut une époque qui n’a pas connu le majestueux ballet qu’effectuent les planètes autour de leurs étoiles. À cette époque, les astres de pierre, de gaz et de feu arboraient des trajectoires on ne peut plus rectiligne. Les planètes et les étoiles naissaient avec une direction définie et étaient réduites à la suivre toute leur vie durant. Elles menaient une vie solitaire et sans aventure car la probabilité qu’elles croisent une de leur semblable était si mince que rares étaient celles qui pouvaient se vanter d’avoir eu cette chance. Le plus triste est que lorsque cela se produisait, elles n’avaient pas le temps d’en profiter car à peine elles remarquaient la présence d’une de leur congénère que celle-ci s’éloignait déjà dans les ténèbres de l’univers sans qu’elles n’aient eu le temps de s’adresser la parole. Après ce genre de rencontre, découvrant qu’ils n’étaient plus seuls dans l’univers, les astres recouvraient l’espoir et sortaient miraculeusement de leur dépression astrale. Mais quand des millions d’années s’écoulaient sans que cela ne se reproduise, cette lueur d’espoir finissait par disparaître à nouveau. Passé le milliard d’années, le souvenir de leur rencontre était si flou que les astres commençaient à douter de celui-ci, à le croire sorti de leur imaginaire et à remettre en cause l’existence même de leurs frères et sœurs.


Parmi toutes ces planètes, il en était une qui ressemblait en tous points aux autres si ce n’est qu’elle avait en elle quelque chose d’unique qui, sans qu’elle ne s’en douta le moins du monde, allait changer à jamais la face du monde. Nommée Soleil, elle était majoritairement constituée de gaz et, battait en son centre, un petit cœur rocailleux. Elle était de celles qui sont presque trop volumineuses pour être considérées comme des planètes mais juste assez petites pour ne point s’effondrer sur elles-mêmes et s’embraser, à la juste frontière entre planète et étoile.


Le jour de son millionième anniversaire, alors que Soleil n’était encore qu’une petite enfant, elle parcourait naïvement son chemin tout tracé lorsqu’elle vit apparaître au loin un minuscule point. Elle fut piquée de curiosité et ne le lâcha pas du regard. En l’examinant scrupuleusement, elle s’aperçut que celui-ci grandissait et comprit aussitôt qu’il s’approchait d’elle. Elle était terriblement excitée à l’idée que quelque chose d’inhabituel allait se produire dans sa vie. « Qu’est-ce que cela peut-il être ? » se questionna-t-elle. À un moment, il était devenu tout juste assez grand pour qu’elle en comprenne la nature : c’était une planète, tout comme elle. En une fraction de seconde, la planète arriva à son niveau et commença à décroître, s’éloignant aussi rapidement qu’elle était venue. Soleil était abasourdi devant ce qui venait de se produire, tout ceci était allé si vite. Ne s’étant jamais doutée de l’existence d’autres planètes, sa surprise fut telle que lorsqu’elle la croisa, elle n’y était pas préparée et ne sut que faire. Elle aurait tant voulu partager quelque chose avec l’autre planète... ne serait-ce qu’un mot. Mais tout ceci appartenait dorénavant au passé et rien ne pouvait y changer.


Durant toute son enfance, Soleil scruta inlassablement l’horizon, caressant l’espoir d’apercevoir à nouveau une planète. Dans ses rêves, elle la revoyait, parfois, s’approchant d’elle et s’en allant aussi vite. Elle ne désirait rien de plus au monde que de croiser une nouvelle fois le chemin d’une planète solitaire. Elle l’attendait, l’attendait encore, mais elle ne vint jamais.


À l’adolescence, Soleil comprit amèrement que la vie était injuste et que cela ne se reproduirait jamais. Découragée, elle cessa son observation scrupuleuse et incessante de l’horizon et vaqua à des occupations de planète adulte et responsable, laissant ses rêves d’enfant derrière elle.


Le temps s’écoula et Soleil finit par tout oublier et la vie, farceuse, choisit ce moment-là pour faire resurgir du passé ce profond désir qui sommeillait en elle. De nouveau, un point insignifiant fit son apparition dans le champ de vision de Soleil qui n’eut, en premier lieu, aucune réaction. Tout à coup, elle fut prise d’un sentiment de déjà vu et se mirent à foisonner dans son esprit souvenirs et images qu’elle n’arriva pas à interpréter. L’instant d’après, son puissant désir refit surface et elle comprit que son rêve le plus fou était sur le point de se réaliser. Quand la planète fût assez près pour qu’elle puisse la contempler, elle fût émerveillé tant elle était majestueuse et belle. Celle-ci était d’une taille tout à fait similaire à la sienne et, tout comme elle,  était faite de gaz et d’un cœur rocheux. Elles se ressemblaient comme deux gouttes d’eau si ce n’est que Soleil n’arborait pas sur son flanc cette magnifique tâche rouge, tempétueuse. Soleil sentit son cœur de pierre battre de plus en plus rapidement en elle. Quand elles furent assez proches, Soleil lui adressa ces mots :


"Comment vous appelez-vous ?


- Jupiter. Je n’ai cessé, toute ma vie durant, de rêver du jour de notre rencontre. Et vous, quel est votre nom ?


- Soleil. Je... je... C’est étrange, mais je vous ai toujours imaginé comme cela. "


Sans qu’elles ne s’en rendent compte, les planètes avaient ralenti et leurs trajectoires s’étaient légèrement courbées. Puis, sans dire un mot et sans se lâcher des yeux, elles se tournèrent autour en formant de nobles spirales jusqu’au moment où elles se heurtèrent. Dans la collision, Jupiter lui céda une partie de sa masse, ce qui permit à Soleil de s’effondrer sur elle-même et de s’embraser. Soleil devint une admirable étoile autour de laquelle Jupiter orbita longuement. De leur alliance naquirent leurs enfants : Mercure, Vénus, Terre, Mars, Saturne, Uranus et Neptune. Du puissant désir qu’ils avaient cultivé respectivement depuis leur plus tendre enfance - ce désir de rencontrer à nouveau un astre - était né quelque chose qui leur avait permis de s’attirer mutuellement, l’un vers l’autre : les ondes gravitationnelles, les ondes de l’amour. 

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