Chapitre 94 : Jenna

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Assise dans le canapé, Thilia dans les bras, je goûtais au plaisir d'être rentrée chez nous. Cela faisait maintenant douze jours que Thilia était née et une petite semaine que nous avions quitté la clinique. Tout se passait bien, même si nos nuits étaient plus mouvementées que nos journées. Elle avait besoin d'être nourrie très régulièrement et je dormais encore assez mal. Lynn m'aidait le plus possible, la changeant, lui donnant son bain, pour me permettre de me reposer entre deux tétées.

J'étais certaine que nous allions prendre le rythme, mais il fallait demeurer patients. Heureusement, nous n'avions pas d'autres contraintes que nous occuper de notre petite perle, Lynn n'étant pas obligé de travailler, même si se profilait la sortie de l'album live qui serait produit ici, à partir des enregistrements réalisés au fil de la tournée. Mais les garçons avaient décidé de n'y travailler qu'au cours de l'été, afin que chacun d'entre nous puisse se poser. Cet album live serait aussi le dernier produit par la maison de disques, du moins tel que le stipulait le contrat signé entre le groupe et elle. Les garçons n'avaient pas encore pris de décision pour l'avenir : poursuivre avec ce label ou monter le leur. Devenir totalement indépendants était une idée tentante, mais il fallait pouvoir tenir sur la durée, ce serait aussi une toute nouvelle aventure.

Ce jour-là, nous attendions la visite de nos amis. Ce serait la première fois qu'ils viendraient depuis la veille de notre sortie. J'étais contente de les revoir, mais je les avais aussi prévenus : même si nous avions bien choisi notre "créneau horaire", entre deux tétées et à un moment où Thilia était un peu éveillée, ils ne pourraient pas forcément rester très longtemps.

Je finis d'allaiter Thilia, la redressai pour lui faire faire son petit rot.

- Ca va, baby ? fit Lynn en s'asseyant près de moi.

- Oui, elle a bien pris.

- Elle te fait moins mal, on dirait...

- Je crois qu'elle commence à mieux prendre et peut-être que j'arrive à mieux la placer aussi. La puéricultrice avait dit qu'il fallait un peu de temps pour s'habituer, l'une comme l'autre.

- Elle était géniale, cette dame.

- Oui, je suis d'accord, lui souris-je. Elle nous a bien conseillés.

A cet instant, on entendit du bruit venir d'en bas. La voix de Stair retentit :

- On est là, on peut monter ?

- Ouaip ! lança Lynn en abandonnant le canapé pour saluer nos amis qui, l'un après l'autre, débouchaient en haut de l'escalier.

- Salut, vieux, lança Snoog. Tin, t'as une petite mine, quand même. Vous faites déjà des folies de vos corps ?

- Tu verras quand tu devras te lever trois fois dans la nuit si t'es toujours aussi vaillant. Et pas juste pour une nuit. Pour toutes les nuits pendant des mois ! lui répliqua Lynn.

- Bouh ! Ca fait pas envie...

Puis Snoog s'avança un peu plus et un grand sourire illumina son visage en me voyant installée sur le canapé, avec ma puce dans les bras.

- Salut beauté ! Tu sais que ça te va bien, la maternité ! T'es encore plus belle qu'avant ! Et cette petite princesse... Mazette !

Et il se pencha pour me faire la bise et commença à faire des mimiques à Thilia. Elle le fixa, un peu intriguée, puis fit de drôles de petits bruits avec sa bouche.

- Elle apprécie de te voir, fis-je.

- Encore une conquête à mon actif, soupira-t-il. Mais un peu jeune, quand même...

- Je crois plutôt que tu es sa première conquête, Snoog, lança Ally avec humour avant de venir me saluer à son tour.

Puis elle ajouta :

- Qu'est-ce qu'elle a changé ! Oh, c'est impressionnant ! Elle a mangé, là ?

- Elle vient de finir. Elle est pile dans le bon rythme : vous arrivez, elle est disponible.

Stair et Lynn étaient encore près de la cuisine et Lynn lança :

- Bières pour tout le monde sauf la maman, of course ?

- Jus de fruit pour moi, fit Ally. Il est trop tôt pour la bière.

- Trop tôt pour une bière ? s'étonna Snoog. Tu dis vraiment n'importe quoi...

Ally ne répondit pas et s'assit à ma droite. Pendant que Stair et Lynn apportaient les boissons, je lui proposai :

- Tu veux la prendre un peu ?

- Oh, oui ! me sourit-elle.

Et elle prit doucement Thilia dans ses bras. Les garçons s'assirent dans les fauteuils en face de nous, Lynn s'installant à ma gauche et passant son bras autour de mes épaules, non sans jeter un regard à sa fille. Puis nous trinquâmes et bûmes nos premières gorgées.

- Vous allez bien ? demandai-je.

- Ouaip, ça va. On récupère d'une certaine folle nuit, fit Snoog.

- Combien ? lui lança Ally.

- Disons, mignonne, qu'il y a douze jours, j'ai fait nuit blanche, si tu t'en souviens...

- Et il te faut tant de temps que ça pour récupérer ? Tu vieillis...

- Ah mais, tu m'as pas laissé finir... Oui, j'ai fait nuit blanche, mais j'ai fêté ça aussi !

- Je me disais bien...

- Vous avez des nouvelles de Treddy ? demanda Lynn.

- Ouaip, répondit Stair. Nouvelle convocation chez le juge pour d'ici un mois. Il espère un jugement un peu plus en sa faveur, pour avoir Coleen plus souvent quand il sera à Glasgow. Mais putain, la harpie que c'est, son ex...

- Ca, tu peux le dire, mec ! fit Snoog. On a passé la soirée avec lui, y'a deux jours, il nous a raconté un peu... J'pense qu'on ira avec lui, au tribunal. Puis aussi s'il faut, quand il récupèrera la gamine. Bon, là, il est parti voir de la famille avec elle. Il paraît que ça fait une éternité qu'elle n'avait pas vu son arrière-grand-mère, limite, elle s'en souvient plus, quoi.

Je secouai doucement la tête : la situation de Treddy était vraiment compliquée et j'espérais que le jugement clarifierait les choses et lui permettrait de profiter de Coleen un peu plus, et réciproquement. Car de ce que j'en avais vu, à chaque fois que j'avais été en présence de la petite fille, elle était très attachée à son papa.

Snoog nous rapporta alors un peu plus certains détails de leur conversation, Stair hochant la tête par moments pour confirmer. Ally berçait toujours Thilia en la regardant d'un air un peu béat. Puis Snoog donna un coup de coude à Stair, assis à sa droite :

- Hé, mec ! Arrête de baver devant ta copine ! Vous allez pas vous y mettre, non plus ?

- Hum ? fit Stair en lui jetant à peine un coup d'œil avant de continuer à fixer Ally.

Cette dernière, sans lever la tête, fit simplement :

- Tu crois quoi, Snoog ? C'est trop tard pour toi, maintenant. Tu seras le dernier.

- Quoi ?

Il fit presque un bond en entendant la réponse d'Ally. Celle-ci leva alors les yeux et échangea un regard complice et tendre avec Stair.

- Ouaip, fit-il. T'as bien compris. J'allais pas laisser mon pote affronter tout seul les affres de la paternité. Ally attend un bébé. Mais on a juste été plus sages que vous, ajouta-t-il en nous regardant Lynn et moi, on a attendu la fin de la tournée pour le mettre en route...

Mon visage s'éclaira d'un grand sourire et je serrai Ally contre moi, autant qu'il me fut possible car elle avait toujours ma fille dans ses bras.

- Je suis très heureuse pour vous ! Ally, c'est super ! Et tu te sens bien pour le moment ?

- Et voilà, c'est parti, on va avoir droit à des détails si peu ragoûtants... fit Snoog.

- Espèce de jaloux... lui lança Lynn. Ouais, moi aussi, chuis content pour vous. Tu verras, c'est chouette !, ajouta-t-il à l'adresse de Stair.

- Même avec trois réveils par nuit ? fit encore Snoog. J'ai des doutes.

- Même si elle passait à quatre réveils par nuit, je lui en voudrais pas, mon pote. C'est trop d'bonheur à côté.

- Mouais... répondit-il, mais son regard se perdit un peu à contempler Thilia qui faisait d'étranges petites grimaces à Ally.

- Tiens, prends-la donc, tu verras, fit cette dernière en se levant pour lui déposer Thilia dans les bras.

- J'vous préviens, chuis rock-star, pas baby-sitter. Les couches, les biberons et les histoires pour endormir, je f'rai pas.

- On le dit, on le dit, mais il n'en est rien. Comme on le verra par cette fable ou plutôt par la vérité, lui dis-je.

- Qu'est-ce que tu racontes, beauté ?

- Je cite juste un auteur français, La Fontaine, répondis-je.

Puis je me désintéressai de Snoog et de ses balivernes, pour me consacrer à Ally :

- Alors, avant qu'on soit interrompues, là, dis-moi, comment tu te sens ?

- Ca va. Un peu nauséeuse certains matins, mais rien à voir avec ce que tu ressentais. Je n'ai pas vomi une seule fois, juste été un peu barbouillée. Et je commence à dormir comme une marmotte !

- Tu es enceinte de combien ?

- Plus de trois mois, là. On l'a fait après Wembley.

- Ah ouais, Wembley... fit Snoog d'un air un peu rêveur. Belle opportunité, ma foi. Au moins, ça fait un bon repère de date.

- C'est facile de compter les s'maines, comme ça, dit Stair.

- Et vous allez rester à Manchester ? demandai-je.

- Oui, pour le moment. Jusqu'à la naissance, je pense, répondit Ally. J'ai envie de rester proche de mes parents et de ceux de Stair aussi. Mais j'espère que je pourrai faire le trajet jusqu'à Glasgow de temps à autre, pour venir vous voir.

- Sinon, on se déplac'ra, fit Lynn. Maintenant que Thilia est née, c'est plus facile. Puis ça nous fera une étape avant Londres, comme ça.

Je souris. Oui, c'était une bonne idée. Car mes parents avaient envie de voir leur petite-fille, ce que je pouvais comprendre et ce dont je me réjouissais d'ailleurs. Et nous en profiterions aussi pour voir Rosie et Jack. Ils avaient prévu de nous rendre visite d'ici peu, car hormis les photos que Lynn leur envoyait tous les jours, ils n'avaient pas encore fait la connaissance de Thilia.

Stair renchérit :

- Ouaip, on reste à Manchester. Mais on passera l'été ici en partie, pour travailler sur le live.

- On vous hébergera, fit Lynn. Du moins, si la louloutte ne pleure pas trop la nuit.

- Elle dormira encore avec nous au moins jusqu'à la fin de l'été, fis-je. Donc, ça devrait pouvoir le faire.

- Puis si elle est trop bruyante, on ira chez Snoog, lança Ally avec un sourire taquin.

Ce dernier était en totale admiration devant Thilia et fit simplement :

- Hum ? Faut qu'j'sois d'accord...

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