Chapitre 68 : Jenna

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Le vent froid venu du large s'engouffrait sur les quais, remontant le long du fleuve. Quelques feuilles mortes tournoyaient à nos pieds, comme seules survivantes à l'hiver s'avançant. Lynn me tenait par la main, à ma gauche, alors que Treddy marchait à quelques pas, sur ma droite. Il connaissait la ville comme sa poche pour y avoir grandi et semblait heureux de nous guider. Nous avions rendez-vous avec un agent immobilier et j'étais curieuse de voir ce qu'il aurait à nous proposer. Apparemment, cela correspondait assez à ce que nous avions en tête.

Nous nous arrêtâmes devant un ancien grand bâtiment industriel, tout en briques. Il faisait approximativement la hauteur d'un immeuble de quatre étages, mais ne comptait que deux niveaux, comme nous allions le découvrir à l'intérieur. Cela ressemblait un peu à une ancienne usine ou à un bâtiment de garage des chemins de fer. L'agent nous attendait et nous le saluâmes poliment. Il nous fit entrer par une porte sur le côté.

Nous nous retrouvâmes directement dans ce qui devait être autrefois un grand atelier, tout en longueur. C'était assez sombre, malgré la présence de fenêtres en hauteur : elles étaient étroites et longues, et assez difficiles d'accès. Le plafond devait bien être à quatre ou cinq mètres au-dessus de nos têtes. Cela donnait une impression d'immensité. L'agent nous expliqua que c'était autrefois un de ces hangars où étaient stockées les marchandises et notamment les textiles. D'où le fait qu'il y avait une large porte donnant sur le quai - qui était aujourd'hui fermée - et qu'il y avait peu de fenêtres pour éviter que trop de lumière n'abîme les marchandises.

Nous fîmes quelques pas pour mesurer le volume de cette pièce. Je jetai un coup d'oeil aux garçons : au front plissé de Treddy, au regard curieux et intéressé de Lynn, je compris qu'ils étaient déjà en train d'évaluer la possibilité d'installer là un studio et une salle de répétition.

- Ca pourrait convenir, oui, fit Treddy. Avec une bonne isolation, bien entendu. Mais ça, on le savait...

- Oui, fit Lynn. Et au-dessus, c'est quoi ?

- Les anciens bureaux, répondit l'agent. Même surface, avec un peu moins de hauteur de plafond. Et plus lumineux. Venez, on y accède par là.

Et il nous précéda vers un escalier métallique, accroché sur le mur qui faisait face à la porte par laquelle nous étions entrés, mais se trouvant plus vers le fond de l'ancien atelier. Nous arrivâmes sur une sorte de palier qui desservait ce qui avait été, en effet, d'anciens bureaux, puis sur le côté donnant sur la rue, sur un espace plus dégagé et, bien que nous fûmes en plein hiver, très lumineux du fait de la présence d'une large verrière. Cela dit, je ne voyais pas du tout ce qu'on pouvait en faire. Peut-être les garçons pourraient-ils stocker là du matériel ? Installer un bureau ? Pour eux, voire pour Gordon. Nous allâmes jusqu'à la verrière : de là, nous avions une belle vue sur la Clyde et les quais.

Je me retournai vers Lynn et je vis que ses yeux brillaient d'excitation : il avait une idée, mais la gardait encore pour lui.

- Voilà, dit l'agent. Le quartier est en cours de réhabilitation. Plusieurs bâtiments industriels ont été détruits ou laissés à l'état de friche. Mais, désormais, on cherche à les rénover, à les transformer. Celui-ci, bien qu'il puisse vous apparaître comme étant de belle taille, n'est cependant pas assez grand pour être transformé en bâtiment public, que ce soit à l'usage de fonctionnaires de la ville ou pour proposer un accès au public, pour une administration, un musée, une école...

- Je vois, dit Treddy.

Il était toujours debout près de la fenêtre et regardait la rue.

- C'est un peu animé, autour ? fit-il.

- Oui, dit l'agent. Il y a des commerces, des restaurants comme vous pouvez le voir là-bas, avec des terrasses. Cette partie des quais a été réaménagée en espace partagé : peu de circulation automobile, mais de larges trottoirs pour les vélos, les piétons...

Nous hochâmes la tête. Cela correspondait aussi à ce que Treddy nous avait expliqué avant de venir.

- Tu crois que ça plairait aux autres ? demanda ce dernier à Lynn.

- Je crois que oui. En tout cas, à moi, ça me plaît.

- On peut prévoir un nouveau rendez-vous ? fit Treddy en s'adressant cette fois à l'agent. Pour montrer les lieux à nos amis ?

- Bien sûr.

Ils convinrent avec lui de revenir dans le courant de la semaine, après un petit appel à Snoog et Stair qui prospectaient de leur côté.

**

- C'est exactement ce qu'il nous faut, me dit Lynn en entrant dans la chambre d'hôtel où nous logions pour ces deux jours.

Je m'assis sur le lit, pour retirer mes bottes. Je remuai mes orteils, pas fâchée de m'asseoir un peu et de détendre mes jambes : nous venions de passer la journée à visiter plusieurs endroits susceptibles de correspondre aux attentes du groupe. Ce que je n'avais pas imaginé, cependant, c'était que ça conviendrait aussi pour nous deux.

- C'est vrai que l'ancien atelier est très grand et pourra largement abriter un studio. Vous pourriez même le diviser en plusieurs pièces si nécessaire, avec une partie qui ferait plus salle de répétition. Ou pour entreposer du matériel, fis-je remarquer en massant doucement le bout de mes pieds.

- Oui, bien sûr, dit Lynn, mais c'que j'ai kiffé surtout, c'est l'étage.

J'arrêtai les petits mouvements de mes pieds et le fixai avec étonnement.

- L'étage ? Tu veux en faire quoi ? A part des bureaux...

- T'y es pas, baby, dit-il en venant s'allonger à côté de moi. On va le transformer en appartement. On pourra en faire notre appartement.

Je dus afficher un air de stupeur totale, car il éclata d'un grand rire joyeux.

- Tu verrais ta tête ! me dit-il en me donnant un petit coup de poing taquin dans l'épaule.

- Lynn ! Attends ! Tu peux répéter, là ? m'exclamai-je.

- Ouais, baby. On pourrait y faire un super appart' pour nous deux. Pas besoin de chercher un autre endroit où crécher. Treddy, il a son pied-à-terre à Glasgow. Je connais mon Stair, il voudra pas décoller de Manchester surtout si Ally y bosse, et se contentera d'une petite piaule ici. Quant à Snoog, il n'aura pas envie d'habiter sur place.

Mon visage perdit un peu de sa surprise, mais j'attendais quand même plus de précisions. Il le comprit et commença à décrire ce qu'il imaginait :

- Ouais, baby. On fait tomber les cloisons, sauf les murs porteurs. Ca donne un espace du tonnerre, hyper lumineux, surtout avec la grande verrière. On en fait un loft. On peut même envisager, avec la hauteur du plafond, une mezzanine pour le coin chambre à coucher. Si tu veux qu'on ait un peu d'intimité, ajouta-t-il d'un ton coquin.

Je plissai légèrement les yeux, essayant de suivre son imagination. Il se tourna, s'allongea complètement sur le dos, le regard rivé au plafond. Ses bras dessinaient en de grands gestes les futurs aménagements. Je souris doucement, puis m'allongeai contre lui, la main posée sur son ventre, cachant sur son t-shirt la dernière version d'Eddie qu'il s'était offerte : la mascotte de Maiden dans un décor futuriste complètement halluciné. Et je me laissai porter par son enthousiasme, ses descriptions.

Nous avions trouvé notre futur appartement.

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