Perdu dans la Savane (8)

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Ils se sont installés dans une petite dépression, protégés au nord par un rempart de roches sombres. Deux véhicules tout terrain, de ceux qu’on utilise pour la chasse au rhinocéros, avec une chaise en rotin fixée sur le capot, sont un peu à l’écart des installations. Pour le reste, je dénombre trois grandes toiles de tente, genre militaire, couvertes de filets truffés de branchages morts.

-    Mazette… fais-je, passablement désabusé. Ils sont carrément en campagne, ces gars-là ! Non, mais regardez-moi ça ; ils ont amené tout leur petit confort avec eux, c’est incroyable !

-    Oui, et si vous voulez mon avis, si ce sont des braconniers, ils ont choisi la version grand luxe, confirme Connie.

Tout cela me surprend. Et c’est plutôt une mauvaise surprise. J’avais imaginé me confronter à de vulgaires chasseurs de brousse dépenaillés et rompus à la vie au grand air mais, sous nos yeux, nous avons presque un camp de vacances pour bourgeois en mal d’aventure…
Nous nous approchons sans faire de bruit, la terreur au ventre à l’idée d’être repérés. Arrivés près de la première voiture, nous en fouillons les moindres recoins pour trouver quelque chose à boire, à manger. Préoccupations un peu futiles pour les circonstances mais nos estomacs hurlent leur faim et, quitte à se faire prendre, autant le faire le ventre plein.
Nous faisons chou blanc, bien sûr. Par contre, Connie met la main sur un fusil de chasse et quelques cartouches impressionnantes. Elle s’en empare, un large sourire aux lèvres. Son air satisfait me ferait presque peur. Je me dis qu’il serait temps pour moi de faire un peu plus connaissance avec elle ; quelques surprises m’attendent peut-être.
Pour le moment, il nous faut d’abord savoir qui sont ces gens. Pendant qu’elle continue de fouiller la voiture, je me dirige vers la seconde. Celle-ci doit appartenir à quelque nabab local, ou quelque chose de ce genre ; équipements de luxe, traces de senteurs sophistiquées, un peu épicées comme on dit. Pas de poussières, pas la moindre salissure. Cette voiture est entretenue avec soin après chaque sortie, ça ne fait pas de doute.
J’ouvre la boîte à gants pour en faire l’inventaire rapide : cartes, une paire de gants en cuir et, belle surprise, un talkie-walkie. Je m’empare du tout, referme la portière sans bruit puis revient vers Connie.

Elle m’attend, prête à partir. Je n’ai pas le temps de lui demander quoi que ce soit, elle m’attrape par la manche, me force à m’allonger sur le sol et m’intime le silence.
Dehors, à quelques mètres de nous, un homme grand et baraqué, tenue militaire sur le dos, fait sa ronde. Il passe près de nous mais ne remarque rien. Nous profitons d’un court instant où il nous tourne le dos pour nous glisser en silence sous la voiture.
J’ai le cœur qui bat à tout rompre. Ce type va voir nos traces, c’est sûr et, vu mon état, il ne fera qu’une bouchée de moi. Réduit à la prière, je n’ai plus qu’à croire en ma bonne étoile.
Et je fais bien d’y croire ; Connie file le type, le canon du fusil bien en main et, à l’instant précis où il se baisse pour effectivement découvrir nos traces de pas, elle lui assène un violent coup avec la crosse ! L’homme s’effondre sans même gémir. J’ai peur pour lui qu’elle ne lui ait fracassé la nuque…

Tout va trop vite pour moi. A peine est-il tombé au sol qu’elle le fouille sans barguigner. Elle revient, triomphante, avec une arme de plus, une bandoulière remplie de cartouches et quelques menus objets que je n’identifie pas sur le coup.

Elle me fait signe de partir sans plus attendre. Un peu dépassé par les évènements, je me dis quand même qu’il serait judicieux de crever tous les pneus d’une des voitures avant de faucher la seconde mais, comme si elle avait anticipé mon intention, elle me fait comprendre que nous n’avons pas les clés. Et j’ignore comment faire. Visiblement, elle non plus.

Dommage.

Alors, je me penche sur les roues pour couper largement les pneus. Au moins serons-nous tous à la même enseigne ; à pied et armés.

Connie se fait insistante pour que nous partions mais, folie de ma part ou orgueil d’homme vexé de ne pas savoir faire preuve de plus d’initiative, je lui dis que je vais m’approcher des tentes pour tenter d’en savoir un peu plus.

Connie me regarde étrangement puis semble se dire que je n’ai pas tort. Alors, en quelques mots précis, nous convenons d’une stratégie ; elle restera quelques mètres en retrait, pas loin des tentes, prête à tirer en cas de problème. Pour ma part, je vais passer derrière la plus grande tente et tenter d’apprendre quelque chose.

J’ai l’impression de jouer avec le feu, la trouille au ventre et des litres d’adrénaline dans les veines.

Un dernier regard vers Connie, maintenant en position, puis je me lance…

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