Chaque session se déroulait de la même façon.

Une fois la chevillette tirée, et la bobinette déchue, le minois de mon invité m'était dévoilé.

Non loin du canapé aux coussins Art Déco l'attendaient, sur plateau parme, une assiette de makrouds achetés au marché,

une tasse vide,

et une bouilloire emplie de thé.

Tout était fait, je l'admets, dans la tatillonne intention de ne pas le troubler.

À peine aussi avait-il le pas de la porte passé que je me faufilais derrière lui

pour attraper  au vol

sa gabardine qui

sous le poids de la pesanteur

menaçait de s'étouffer.

De son épaisse nuque — et ceci, grâce au coup de vent provoqué par cette envolée clandestine — se détachaient de doux fumets de fumée noire.

Mon tempérament, vulnérable et rêveur, parfois bilieux, d'ordinaire bienséant mais sensible, ne m'aidait guère quand il s'agissait d'engager la conversation.

« Comment vas-tu? »

« Qu'as-tu fait de ta journée? »

de ton week-end? »

de tes vacances? »

« Comment était le film? »

le café pris hier avec ton amie? »

ton rendez-vous chez le coiffeur? »

« As-tu aimé la balade au bord de mer? »

le chant des sirènes alarmées sur la Promenade? »

la murmuration sur les galets des sacs plastiques? »

Bref.

Je m'allumais une cigarette.

« Je ne devrais plus avoir à te le répéter, souris-je. Estime-toi chez toi. »

J'attendais sournoisement qu'il s'approchât du canapé Louis XV (pour l'occasion déporté) ; il préférait néanmoins profiter du confort de la très opulente vue sur rue.

• • •

Emplir la tasse pour le ram'ner à moi.

Prendre une minute

Respirer les mentolées bouffées

D'une caresse vocale lui proposer d'ôter

ses étoffes

d'entièrement

se dévêtir.

Cacher sa verge à l'aide d'une toile vierge

et préparer ses poudres

rouge ocre et terre de sienne pour les parties de son âme ombragées

or bleu bleige pour les zones enluminées — et du vert pour souligner ses veines

Attends.

Permets-moi

sur tes reins de mettre mes mains.

Tourne-moi le dos

Agenouille-toi

s'il te plaît

allonge ta tête sur le fauteuil

débarasse-toi de tes bras