Le prologue

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La nuit engloutit les rues. Quelques lampadaires déchargent leur lueur, en bas, dans la cour carrée. À la tour Ouest, au huitième, une fille écrase sa cigarette sur le garde-corps du balcon. Deux étages plus bas, des gamins lancent des avions en papier. Au cinquième, un homme observe la lente descente, compliquée, chaotique, des jeux d’enfant bousculés par le vent. Un instant, les lumières tamisées de son appartement effleurent son visage. Lignes douces et dessinées, yeux petits et foncés, cheveux courts qui balayent la naissance du front : un portrait de l’insouciance qui s’émerveille dans le soir.

À l’étage des bambins, un parent rouspète, les gosses rentrent, la porte-fenêtre du balcon se ferme. Fin du spectacle. Au cinquième, l’homme fait de même.

Les avions ne se sont pas encore crashés au sol.

Dans la tour Est, pile en face, collé à la fenêtre d’une petite cuisine, Albert ajuste ses jumelles.

— Il rentre, lâche-t-il.

Assis à une mini table, recouverte d’une nappe couleur jaune crasseux, Léo se redresse. Il se lève, lourd, fatigué, déplisse son costume, ramène une mèche en arrière, appuie pour la faire de nouveau adhérer au gel capillaire, puis se penche au-dessus de l’évier, juste à côté d’Albert.

— T’as toujours un visuel ? demande Léo, jetant un regard incertain par la petite fenêtre.

Lui, il ne voit rien.

— Yep, le rassure Albert.

Il est concentré, Albert, avec ses jumelles de compète. Piquées à un voisin trois jours plus tôt. Qualité indéniable.

— Ne le perds pas de vue, appuie Léo.

Albert acquiesce ; Léo reprend sa place à la table jaune crasseux. Assis en face de lui, Ben ouvre le pan de sa veste, fouille sa poche intérieure, puis en tire un paquet de cartes qu’il pose devant Léo. Ils se mettent à jouer.

Tout le monde poireaute longtemps, dans la petite cuisine.

— Il ferme boutique ! s’exclame Albert, au bout d’une heure et demie.

Alors, Ben ramasse ses cartes, les range sans précaution dans la poche intérieure de sa veste, et, à l’image de son boss, il se lève.

Le trio quitte le petit appartement. Rapide, organisé, efficace. C’est la clef de la réussite du plan. Ils descendent rapidement au deuxième sous-sol : le parking souterrain. Un petit dédale de couloirs et de portes plus tard, ils atterrissent dans le parking de la tour Ouest. Ils se placent, vérifient les voitures, les sorties, puis ils patientent.

Au bout de trois minutes, l’ascenseur arrive.

Dehors, les avions de papier se sont écrasés sur le béton de la cour carrée.

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