Squatter

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Après une semaine de bons petits plats et menus services, le groupe accepte de me garder avec eux, à la condition que tout comme Léa, je ne sorte pas pour ma sécurité. J'accepte sans souci cette condition, leur demandant juste de pouvoir envoyer un courrier à Aline pour la rassurer et lui dire que je suis vivante et en bonne santé.

C'est Louis, le plus âgé et sage qui m'aide à rédiger cette lettre en utilisant les bons mots. Je veux tranquilliser Aline, qu'elle n'envoie pas la police à ma recherche et continue sa vie comme avant. Louis, ne souhaite pas que je révèle trop d'informations qui pourraient nous attirer des ennuis et je le comprends. J'écris sur le poids de souvenirs qui me hantent, d'un passé trop lourd à supporter, du besoin d'une nouvelle vie. Je remercie Aline pour sa bienveillance et m'excuse de tous les tracas que lui ai causé. Et pour qu'elle soit tranquille, je lui parle de mes amours, ayant rencontré un garçon merveilleux et qui prend bien soin de moi, faisant fuir mes cauchemars.

C'est ainsi que je m'installe définitivement dans leur bande. On m'accorde la dernière chambre et on me fournit des catalogues de décorations pour que je la personnalise. Les filles me donnent quelques fringues pour compléter mon dressing. Léa rigole quand je refuse systématiquement le rose et les paillettes. Son hilarité devient incontrôlable quand Mushu m'offre un tee short avec Donald en motif et que je l'accepte avec joie, laissant les autres bouche bée. J'ai toujours adoré Donald.

Pour que je lui fiche la paix, Mushu me laisse une flammèche allumée en permanence dans la cuisine qu'il éteint le soir. Je crois que moins il a affaire à moi, mieux il se porte. A la demande de Léa, je le laisse un peu tranquille et refrène mes envies de phrases assassines. Ce type me hérisse le poil sans même ouvrir la bouche. Je reste zen pour Léa et pour le groupe qui m'accueille.

Je les aide de mon mieux, Inès la brune et compagne de Gontran, me donne des cours en même temps que Léa pour que je connaisse les bases de leur monde. Ils utilisent la magie devant moi sans se soucier de ma surprise, de jour en jour, je suis de moins étonnée et deviens familière de leurs coutumes. Inès est fière de moi, j'agis de manière de plus en plus naturelle en présence de magie.

Le temps passe, je ne sursaute plus envoyant apparaître des petits objets ou en les observant léviter. Je ne m'inquiète plus quand la télévision s'allume ou change de chaîne sans prévenir ou qu'un type étrange se met à parler et à discuter en mode Skype via l'écran de télé ou un miroir du salon. La nourriture apparaît dans le débarras ou le frigo, mais crue. Nos fringues ou nos coupes de cheveux changent d'un claquement de doigts. Mis à part Léa, ils maîtrisent tous cette magie dite basique.

Tous les jours, je m'entraîne à courir et à me battre. Je ne serais jamais aussi rapide qu'un sorcier, mais avec l'aide de Louis qui peut ralentir le temps, je devrais pouvoir arriver à m'enfuir en cas d'attaque. Quand je serais prête d'après leurs critères, je serais autorisée à sortir en compagnie de minimum deux magiciens dont Louis. J'accepte leurs excès de précautions, en apprenant à les connaître, j'ai compris qu'ils ne font cela que pour nous protéger tous.

J'ignore pourquoi, mais mon binôme de combat au corps-à-corps est très souvent Mushu. J'ai bien ma petite idée sur le choix de Louis, mais jamais je n'avouerais que je retiens mes coups face aux autres alors qu'avec lui, je cogne et me donne à fond. Heureusement qu'Arthur sait guérir, car on ne s'épargne ni l'un ni l'autre. Mushu n'a aucune pitié envers moi non plus.

Plusieurs fois, on est ressorti des entraînements avec du sang dans la bouche et des côtes cassés. Je défoule ma colère et ma frustration d'être enfermée sur Mushu, lui se justifie de taper une fille en expliquant que les sorciers ne me feront pas de cadeau. Je crois que se battre avec moi le détend un peu. Je vois bien que les autres retiennent leurs coups face à lui, ils ont peur de le mettre en rogne.

Moi, je m'en fiche. Une fois, Mushu a perdu le contrôle alors que j'ai tenté de le frapper dans les roubignoles. Il a été assez rapide pour esquiver le coup, toutefois, sa fureur ont transformé la pièce en brasier infranchissable. Les autres ont tenté de nous rejoindre, sans succès. Mon petit sourire narquois a d'abord fait grandir les flammes, puis, Mushu a vu que je n'avais pas peur de lui et que je cherchais à le taper de nouveau. La pièce s'est éteinte et je me suis faite traiter de folle furieuse. Le sourire de Mushu disait le contraire. Il était heureux d'avoir enfin quelqu'un qui n'avait pas peur de lui, même quand il est en colère.

Je me rapproche de la gent féminine de ce groupe. En mode soirée filles, nous nous faisons des manucures ou des soins, style massage dans nos chambres en éjectant les mecs qui n'ont que nos fous rires comme preuve de notre amusement. J'ai adopté une manucure aux ongles longs et effilés comme des lames de rasoirs avec un vernis métallisé du plus bel effet. Des griffes comme Wolverine, mais en plus féminin.

Les filles ne cessent de vanter mes talents de masseuse haut et fort devant les mecs et un jour, avec l'autorisation d'Isabelle, j'ai fait un massage de la nuque à Arthur, son destiné, qui a poussé un soupir d'extase si fort qu'on a toutes éclaté de rire. Je voulais le remercier d'avoir soigné mon œil au beurre noir infligé par une Léa maladroite en entraînement de combat. Depuis ce jour, on autorise parfois les garçons à venir dans nos soirées soins esthétiques et ils nous servent de cobaye quand je donne des cours de massage aux filles.

Puisqu'il est célibataire et moi aussi, Mushu est mon souffre douleur et je couvre son dos de cicatrices ongulaires par pur sadisme quand il fait une remarque désobligeante, mais il doit être maso, car il revient quand même et continue à me chercher des poux. J'ai vraiment du mal à le cerner celui-là. Un jour, il est sympa, l'autre, j'ai envie de l'étrangler.

Mushu a eu droit à une épilation du dos sans avertissement une fois où il m'avait bien énervé. J'ai prétexté un massage aux huiles chaudes pour lui coller de la cire sur les quelques poils du dos qu'il avait. Je l'ai bien massé pour qu'il se détende et ne voit rien venir. J'ai tiré d'un coup sec en me mettant à courir le plus vite possible tandis que Léa hilare retenait Mushu. Je me suis cachée dans l'immeuble avec la complicité de tous les autres pendant deux heures avant que sa colère ne retombe. Cette espièglerie les a tous fait rire.

Histoire de casser les oreilles de mes nouveaux colocataires et devant leurs goûts musicaux navrants, je sors ma playlist et nous nous faisons des soirées karaoké. Marie et Isabelle ont beau être très âgée, elles sont capables de se comporter comme des gamines et font un carton surtout quand elles ne connaissent pas la chanson. Louis, Inès et Gontran restent sages, Arthur et Gaëtan se déchaînent sur les chansons d'amour mièvres. Mushu, Léa et moi, nous brisons les cordes vocales en imitant les performances des chanteurs à voix. Léa et moi insufflons un vent de jeunesse et de conneries à ce groupe de grabataires.

Mis à part Mushu, les autres membres du groupe commencent à m'apprécier de plus en plus et me traite comme une petite sœur un peu chipie. Ils sont tous bienveillants et protecteurs envers Léa et moi. J'apprends doucement à les apprécier aussi. Mon côté un brin asociale et caractérielle n'aide pas à m'ouvrir aux autres. Peu à peu, poussée par les coups de pieds au cul de ma Coccola, je m'adoucis. Pour l'instant, ceux que j'apprécie le plus sont Gaëtan, le mec de Léa et Arthur, celui à l'esprit le plus gamin après moi et Léa.

Aujourd'hui, c'est la Saint-Valentin. J'ai préparé un super repas pour chacun des couples afin qu'ils puissent se faire un petit moment à deux. J'ai eu le droit à des embrassades de la part des filles. Cette vie en communauté avec séparation garçon/fille à cause du nouveau règlement de l'ordre des magiciens est difficile à vivre. Je ne comprends d'ailleurs pas cette nouvelle directive. À croire qu'ils ne veulent plus de bébés magiciens.

Quoi qu'il en soit, les couples se sont installés sur des petites tables bien séparées et isolées d'un écran de verdure. Je me retrouve seule devant mes fourneaux et Mushu leur apporte les plats tel un serveur zélé. Je soigne tout particulièrement ma Léa et Arthur en mitonnant des plats très raffinés. Pour leurs deux couples, j'ai passé quasiment toute la journée afin que leurs assiettes soient aussi bonnes que belles. De vraies œuvres d'art aux saveurs délicates. Le repas fini, les couples regagnent l'une de leurs chambres, complices.

Je commence la vaisselle et étrangement, Mushu vient m'aider en essuyant. Je crois que c'est sa façon de me remercier pour ses amis. Il a vu la beauté des assiettes et je l'ai surpris à se lécher les babines par moments. Je lui demande alors de fermer les yeux et je remplis une énorme assiette de bœuf bourguignon avec ses tagliatelles fraîches. J'ai pensé à lui aussi et je veux lui faire la surprise.

Je lui dis de faire chauffer ses mains et d'ouvrir les yeux. Étonné, il redonne la bonne température à son plat favori et me regarde bizarrement en salivant d'envie. Il pose l'assiette sur le côté quelques secondes et dépose une bise sur mes cheveux puis file dévorer son plat devant la TV avec un air de sale gosse gourmand.

Je souris. Mushu est un véritable crétin doté d'un aussi sale caractère que moi, mais quand on le connaît mieux, il est hyper protecteur envers ses amis, presque attachant. Lui et moi, c'est chien et chat et pourtant, on se respecte l'un l'autre, moi pour son coté protecteur, lui pour ma symbiose avec Léa. Je crois que parfois, il est jaloux de cette amitié quasi-fusionnelle. Il m'a avoué un jour que Léa revivait depuis que j'étais autorisée à rester, et cela le rend heureux. Il commence à accepter que nous ne pouvons pas être heureuses l'une sans l'autre.

Je sais que ma guérilla avec Mushu pose des soucis dans le groupe et fierté masculine mal placé oblige, je prends sur moi pour faire le premier pas et vais me poser sur le canapé à ses côtés pour regarder le film qu'il a choisi. Je me marre en douce en voyant qu'il s'agit d'un X-Men, mais je ne bronche pas.

Je mange mon assiette en silence pour qu'il tolère ma présence. Je sais que si on ouvre la bouche, on va s'entretuer et foutre en l'air la soirée des amoureux. Mon assiette vide, je demande brièvement à Mushu s'il en veut encore puis suite à son refus, je vais chercher le dessert, un bout de tarte aux pommes nappée de glace vanille et de caramel.

J'ai trop mangé et en plus, je connais le film. Je lutte pour ne pas m'endormir. J'ai un peu froid alors je me mets sous un plaid, mais je grelotte encore. Je suis crevée d'avoir trimé aux fourneaux toute la journée. Je sens Mushu qui se rapproche et pose une main sur mes épaules. Une douce chaleur m'envahit aussitôt et je sombre en quelques minutes dans un profond sommeil d'où je n'émerge que le lendemain matin dans mon lit.

Je n'y crois pas. Mushu m'a porté et mise sous la couette comme un parfait gentleman alors qu'il avait l'occasion parfaite pour me réveiller d'un seau d'eau froide. Et en plus, il ne s'en est pas vanté auprès des autres, et il a fait la vaisselle restante. Je crois que lui aussi a décidé de calmer un peu notre guérilla par égard à nos amis.

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