Vengeance d'un homme bafoué

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Lisbeth accoucha au même instant où Léa venait au jour. Profitant de la faiblesse temporaire de Lisbeth, Philippe m'échangea avec un bébé humain et nous déposa Léa et moi dans un orphelinat, loin de la magie afin que jamais nous ne puissions être retrouvées. La mère de Léa et Mickaël n'avait pas survécu au sort et était morte en donnant la vie. Philippe la fit enterrer décemment auprès de ses parents dans le plus grand secret. Lisbeth tua l'enfant humain quand elle s'aperçut qu'il n'avait aucun pouvoir. Elle chercha un autre moyen de tuer ses trois ennemis.

Au moment de la naissance de Léa, Lisbeth en plein accouchement elle aussi, ne se rendit pas compte de l'énorme baisse de magie dû à l'apparition de deux nouvelles magiciennes. Cependant, l'amour d'Erwan envers sa destinée lui permit de sentir sa mort et la naissance d'un autre enfant. Il se mit aussitôt à la recherche de son second enfant, mais Philippe avait bien protégé Léa. Si la magie de Philippe était faible, il excellait dans les enchantements de dissimulation et de protection.

Le roi parvient à mettre mes pouvoirs en pause pour mieux nous cacher toutes les deux. Il me fit grandir dans une famille de magiciens qui lui était dévouée. Ils m'apprirent à réfléchir et m'élevèrent dans un état de permanente rébellion contre toute forme d'autorité. Philippe voulut que je ne fasse jamais confiance à personne et surtout pas aux adultes.

Il réussit à me maintenir sans pouvoir jusqu'à ce que Léa commence à émettre de la magie. Très vite, Philippe sentit que je me réveillais aussi. Avant que Lisbeth ou Erwan ne retrouvent Léa, Philippe s'assura de sa sécurité et mit le groupe de Louis sur la trace de mon amie, sachant qu'elle était la destinée de Gaëtan et la sœur jumelle de Mickaël et surtout que Louis était puissant et non soumis à sa perfide épouse. Il pensait que je resterais indétectable.

À l'apparition des pouvoirs de Léa, Lisbeth eut vent de cette perturbation de magie et envoya ses troupes. Heureusement, Louis et son groupe avaient déjà approché Léa et fait le nécessaire pour qu'elle veuille les rejoindre, son lien de destiné avec Gaëtan venant de lui être dévoilé. De plus, Philippe avait fait prévenir Erwan de manière anonyme et les troupes de Lisbeth se battirent contre celles des trois sorciers, tuant nos familles d'humains, sauf mon demi-frère fictif, un serviteur de Philippe. Louis récupéra Léa et Marie tenta d'effacer ma mémoire.

Coccola était en sécurité même si Erwan et Lisbeth la cherchait. Erwan voulait sa fille pour la protéger et l'aimer, Lisbeth voulait la nouvelle magicienne pour obtenir ses pouvoirs sans savoir qu'il s'agissait de sa nièce. Moi, je passais toujours pour une humaine quelconque et tous se désintéressaient de moi. Philippe jubilait de me cacher ainsi aux yeux de son épouse.

Le plan de Philippe avait juste un problème. Pour mieux nous couvrir et nous dissimuler, il avait fait en sorte que nous grandissions dans deux maisons voisines. Il n'avait pas prévu qu'on deviendrait amies, sœurs de cœur, ni qu'on s'échangerait une goutte de sang gamines, ce qui brouilla son sort. La goutte de Léa avait rompu une partie de l'enchantement de Philippe et mes pouvoirs étaient réveillés en même temps que ceux de mon amie, sans que j'en aie conscience.

Je grelottais sans cesse, frileuse sans comprendre que cela venait de mes pouvoirs qui émergeaient. Je retrouvais Léa puisque je partageais ses souvenirs et son pouvoir, nos cœurs étant reliés par un lien magique aussi puissant que nos dons respectifs, en plus du lien du sang entres cousines. Ce que je pensais être de l'instinct était en fait mes dons qui agissaient de manière inconsciente.

Ignorant encore tout cela, je finis par me faire intégrer à la troupe de Léa à force de pointer le bout de mon nez. C'est auprès d'eux que mes pouvoirs grandirent et se révélèrent à moi peu à peu. Sans m'en rendre compte, j'absorbais les pouvoirs de mes amis sans diminuer les leurs. Au contraire, j'augmentais leurs puissances, le tout de manière inconsciente. Je rappelle mon épuisement lorsque Léa utilisait son nouveau don de prise de possession des pouvoirs des autres et mon étrange détection d'aura si perfectionnée et rapide à se mettre en place que cela me faisait douter. Léa n'avait pas de nouveau don, j'apprenais à utiliser les miens à mon insu.

J'évoque l'explosion ayant eu lieu quand j'échangeais du sang avec Arthur, un magicien puissant et expérimenté. Instantanément, j'ingurgitais les pouvoirs et le savoir d'Arthur sans rien effacer et surtout sans m'en apercevoir réellement. Sa puissance fissura les protections de Philippe une à une et je sentais chaque jour de nouvelles sensations qui me plongèrent dans d'intenses réflexions.

Vient alors le moment où les doutes m'assaillirent et les ténèbres s'infiltrèrent dans mon cœur. Cette impression bizarre et jubilatoire après avoir mené en bateau Ludovic, mes doutes intérieurs par rapport à mon don pour foutre le bordel et me tirer de situations compliquées. La noirceur de mes parents m'envahissait peu à peu et je luttais de mon mieux, l'amour de Léa me protégeant en partie.

Mes pouvoirs se réveillèrent totalement le jour où lorsque le sorcier me planta sa lame dans le ventre. Le fait que je n'eus pas mal, ayant comme dématérialisé mon ventre et surtout cette impression d'avaler quelque chose du sorcier. Je réalisais que je n'étais pas humaine et surtout que j'aimais tuer, ce qui m'effraya. Depuis, mon pouvoir commença à se nourrir des autres en les affaiblissant parfois consciemment, parfois sans que je m'en aperçoive.

Ensuite, je parle des tests nocturnes que je fis le soir même de l'attaque. Ma capacité à faire apparaître une lame comme celle du sorcier qui attaqua, à ressentir les émotions de chacun très finement, presque comme une intrusion de pensée, ma capacité à me guérir seule, et aussi à accéder aux souvenirs des gens et à ralentir le temps. J'avais les pouvoirs de Léa et je commençais à maîtriser ceux du sorcier, de Marie, Arthur et de Ludovic, ceux qui avaient utilisé leurs pouvoirs sur moi. J'ai compris ce soir-là que ce n'était pas Léa qui activait les pouvoirs des autres, mais moi.

Pour que mes amis comprennent mon silence, j'explique aussitôt ma terreur et la confusion en découvrant cela et la rapidité avec laquelle Lisbeth nous retrouva, ce qui m'empêcha de parler avec Léa. Je crée un nuage de pensée pour leur montrer ma vision de l'aura de Lisbeth, une aura lumineuse avec un cœur et une tête sombre. Mon manque de confiance en elle et cette impression de danger. Cette sensation que Lisbeth lisait les pensées de Léa et des autres à leur insu. Racontant mes migraines atroces à la forteresse et rappelant les cauchemars attaques que je croyais subir, j'explique à l'assistance que Lisbeth tenta de sonder mon esprit à plusieurs reprises, mais je restais hermétique à sa magie, ce qui la laissa perplexe et provoqua ma mise sous surveillance.

Des traits de mon visage rappelaient quelqu'un à Lisbeth sans qu'elle ne se souvienne qui. En réalité, je suis un mélange entre Matthieu et elle, une sorte de miroir des erreurs de Lisbeth et elle me détesta aussitôt qu'elle me vit en raison de mon statut d'humaine, mais également des mauvais souvenirs que je faisais émerger en elle. Morceaux douloureux du passé remémorés par des petites remarques de Philippe qui attisaient le feu de la rancœur de son épouse, en sachant que jamais personne ne pourrait me faire de mal, ma puissance étant déjà telle que je n'avais plus rien à craindre.

Je confirme avoir aspiré inconsciemment les pouvoirs et les connaissances d'autres magiciens dès que j'en touchais un à la forteresse. Parfois en totalité, parfois en dupliquant juste. J'informe mes amis que je les aie tous sondés à ce moment-là sans leur ôter de puissance et ils me pardonnent bien que je ne demande pas l'absolution, comprenant le trouble que j'ai pu ressentir. Louis rigole et me taquine sur mes facultés d'apprentissage beaucoup trop rapide pour être normales. Il se doutait de quelque chose, mais pas d'un truc aussi énorme.

Vient le moment de mon plongeon dans l'eau glacée, la tentative d'intrusion de Lisbeth à pleine puissance qui fut parée par mon instinct, entraînant le déblocage complet de mes différents dons. L'eau gelée me renforça, le froid étant l'un des pouvoirs de mes ancêtres. Le feu de Mickaël qui suivit débloqua les derniers verrous mentaux. Je pris connaissance de mes dons sans savoir que je les avais déjà utilisés et j'en fus terrorisée.

Les souvenirs des magiciens abordés m'apparurent comme des visions, mais n'ayant pas touché une personne détentrice de la vérité, c'est-à-dire âgée de mille six cents ans, j'ignorais qui j'étais. Je devais comprendre mon histoire et recueillir d'autres informations et je savais qu'à la forteresse, je n'aurais pas plus de réponses. J'explique à l'assemblée la raison de ma fugue, mais aussi les petits sorciers que je tuais non pas avec mon katana, mais avec mes nouveaux pouvoirs qui augmentaient à chaque décès. J'absorbais connaissances et force magique de chacun. Je ne réalisais pas encore cette magie, et mon esprit était persuadé les avoir tués au katana, ma part d'ombre restant dans mon inconscient. Je refusais de me reconnaître sorcière noire.

Mickaël me demande si j'ai absorbé sa force magique à un moment. Je lui réponds que je sais manipuler le feu et les éléments chauds ainsi que je peux faire mûrir un fruit, mais jamais je n'ai essayé de le priver de ses forces. Je lui révèle qu'au contraire, j'ai l'impression qu'on se renforce au contact l'un de l'autre sans puiser dans nos essences de vie tout comme c'est le cas avec Léa et je pense avoir la réponse s'il accepte de me laisser finir. J'ai beau le rabrouer d'un ton sec, il sourit toujours et cela m'agace profondément.

Je reviens sur les trois sorciers dont Ludovic que Mickaël et moi capturèrent. Les informations que j'obtiens en touchant ces hommes et surtout la puissance que je volai à Ludovic m'inondèrent de magie et je pris conscience de la réalisation de certains de mes sorts. J'explique alors que le sorcier responsable de la vente de la mère de mes deux amis ne se livra pas de son plein gré. Je l'avais manipulé mentalement en utilisant mes dons et cela déclencha une alarme chez Erwan.

N'ayant pas encore tous les éléments du puzzle, et ayant senti des souvenirs falsifiés chez le sorcier, je me montrais docile quand Erwan arriva, cette potentielle source de savoir était trop tentante. J'informe mes auditeurs de ce que le vieux sorcier révéla à son fils à ce moment précis. Beaucoup de magiciens, espérant encore que je mentais, comprirent que Mickaël et Léa étaient bel et bien les enfants d'Erwan, les neveux et nièces de Lisbeth.

Je me validais mentalement les propos d'Erwan quand il me toucha l'épaule, absorbant ses connaissances à son insu, cependant, je n'arrivais pas bien à avaler ses pouvoirs qui me paraissaient protégés sans que je ne comprenne la cause. Aujourd'hui, je sais que son lien de sang avec deux de mes amis m'empêcha de lui faire du mal à cet instant précis.

Puis, à la forteresse, Matthieu me toucha et tandis que j'avalais ses souvenirs et sa puissance incognito, le transfert se faisant en douceur du fait de notre lien de sang, Erwan inquiet nous aborda et le cumul des trois magies et souvenirs créa une violente explosion que je ne compris pas sur le moment, résultat de l'implosion du dernier sort de dissimulation de Philippe au contact de la puissante magie de mon géniteur et de mon oncle.

Perturbée par ce flot d'informations, et ayant besoin de retrouver paix et amour, je me réfugiais auprès de mon unique point d'ancrage, Léa. Ma puissance nous transporta Mickaël et moi auprès de nos amis. En apparence, tandis que Louis menait son enquête, je restais une humaine fragile et effrayée. Ma part d'ombre prenait parfois le contrôle et continuait mon enquête en cherchant à affaiblir Lisbeth, qui me semblait être la source de tous les ennuis.

Je deviens Apocalicia la nuit dans mon sommeil. Ce qui je pris au début pour de nouveaux cauchemars m'apparut comme la réalité quand Louis revient nous voir et nous narra les nombreux morts. Je réalisais avec horreur au début puis appréhension, être ce justicier meurtrier. L'utilisation de mes pouvoirs me glaçant chaque fois un peu plus et me transformant en iceberg peu à peu, je sombrais dans la noirceur en cherchant une lueur d'espoir. Le jour, je grelottais sans comprendre ce qui m'arrivait. La nuit, je tuais sans pitié et sans remords.

Le jour où j'assassinais Philippe, Apocalicia et ma conscience fusionnèrent enfin et je compris quasiment toute l'histoire. Mon cœur se congela, je perdis ma capacité d'empathie. Je m'éloignais de mes amis peu à peu. J'avais la trame principale du monstre que j'étais, mais quelques détails m'échappaient encore.

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