Mentir

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Même face à Lisbeth, aucun des membres n'évoque le développement du don de Léa, les échanges de sang entre destinés ni ma capacité ni celle d'Arthur à voir les Auras. En tant que chef de notre groupe, Louis risque sa place au conseil des Anciens pour cette omission ; Arthur, Marie et Isabelle auraient également de gros soucis si cela venait à se savoir. Marie soutient de pied ferme qu'elle est quasiment en mesure de supprimer le lien télépathique entre Léa et moi afin de rassurer les magiciens.

Je sens que malgré tout, mes amis font cela pour nous protéger. Ils ont appris à avoir confiance en moi et ont des doutes sur leurs confrères magiciens. Le traître qui nous dénonça à Erwan les a refroidis. Les sentiments de supériorité et de mépris que perçoit Léa des différents magiciens sont contraires aux valeurs de notre groupe. Nous nous protégeons les uns les autres et ne divulguant pas tous les détails.

En secret, mes amis continuent de s'exercer à leurs nouveaux pouvoirs afin de se perfectionner, mais nous sommes surveiller constamment surtout moi et Mushu. L'humaine n'est clairement pas la bienvenue et chaque emprunt de livres est sujet à de nombreuses questions de la part du bibliothécaire. Il tolère ma soif de connaissances tant qu'elle est dirigée dans la lutte contre les sorciers.

Toutefois, sur ordre de Lisbeth, j'ai accès à l'intégralité de la bibliothèque et on me fournit une espèce de traducteur de langue magique pour que je puisse lire chaque ouvrage. Tout ce que j'emprunte ayant trait à l'histoire de la magie et des moyens de détection et de combats contre les sorciers, les magiciens me laissent tranquille. Je ne suis qu'une pauvre humaine apeurée qui pense pouvoir trouver une solution qui échappe depuis plus d'un millénaire aux magiciens les plus prestigieux. Ils se moquent de moi dans mon dos, mais je m'en fiche.

Pour duper le monde, je me mets à encenser les exploits de Lisbeth ou des magiciens en public de façon plus ou moins discrète. Je passe pour une véritable idiote dépourvue de personnalité au grand plaisir des magiciens qui ne me sentent plus comme une menace et parviennent presque à me tolérer. L'art de la flatterie reste toujours un moyen de tromper le monde. Les gens, humains comme magiciens, aiment se sentir supérieurs. Un ou deux mots bien placés et je les embobine.

Mis à part mon groupe, la seule qui ne semble pas tomber dans le panneau est Lisbeth. Cette femme me fait vraiment flipper. Je ne la sens pas, mais alors pas du tout. J'ai un sixième sens pour détecter les personnes pas nettes et Lisbeth, ne m'inspire absolument pas confiance. Son regard est trop fuyant ou perçant pour être honnête. Je suis persuadée qu'elle a comme moi une facette publique adorable et une plus sombre qu'elle seule connaît.

Notre quotidien dans la forteresse s'organise peu à peu. Louis, Marie et Arthur sont souvent en réunions ou en conseils. Isabelle perfectionne ses connaissances sur les animaux magiques à la bibliothèque. Inès, Mushu, Gaëtan, Gontran et Léa s'entraînent au combat. Moi, je navigue et j'explore pour engranger un maximum d'informations.

Je suis en train de me chamailler avec Léa quand par inadvertance et colère, elle fait apparaître une flammèche sur mon bras et que je cicatrise aussitôt. Je me moquais de son chéri et du coté fleur bleue de cette andouille de Gaëtan qui ravit ma Coccola. Malheureusement, un magicien nous a vues et rapplique aussitôt. Il essaye de comprendre ce qui s'est passé. Je dis mentalement à Léa de faire rappliquer nos amis.

C'est quoi cette histoire ? Léa ne sait pas faire de feu ! Et vous, vous êtes humaine et ne pouvez pas guérir aussi facilement, dit l'homme en colère.

- Vous avez raison noble magicien. Vous nous surprenez en plein entraînement monsieur, répondis-je d'une voix timide et respectueuse en apparence, tout en papillonnant des cils d'un air innocent.

- Que racontez-vous ? Quel entraînement ?

- Mickaël s'entraîne à lancer des flammes le plus loin possible et vous n'êtes pas sans savoir que lui et moi ne cessons de nous disputer, dis en me mordant les lèvres et en baissant les yeux.

- Et alors ? Quel est le rapport ?

- C'est lui qui a enflammé mon bras monsieur. Il est là-bas au bout vous le voyez arrivé en courant ? Je lui réponds en relevant la tête avec des yeux courroucés et en pointant Mushu au loin.

- Et votre guérison ? Vous allez me dire que j'ai mal vu peut-être ?

- Bien sûr que non monsieur. Je n'oserais jamais émettre des réserves sur ce que vous avec vu. Seulement, ce n'est pas moi qui me suis guérie, mais c'est Arthur qui a utilisé son don et si vous ne l'avez pas vu, la raison est simple. Inès s'entraîne elle aussi à dissimuler et rendre invisibles nos camardes, ce qui serait un avantage stratégique dans une bataille comme là si bien signalé la merveilleuse Lisbeth hier.

Nos amis sont accourus et savent la situation grâce à Gaëtan qui a entendu la discussion via Léa. Mushu fait mine de se marrer de m'avoir cramé le bras. Je fais semblant de vouloir taper Mushu et le magicien se retrouve au milieu d'une fausse querelle d'adolescents puérils. Louis et Arthur interviennent pour nous séparer. Un vrai spectacle.

Le magicien repart, persuadé d'avoir tout compris et Louis nous interroge sur comment Léa a activé la flammèche aussi loin de Mushu. Il se questionne aussi sur ma guérison de brûlure au second degré. La seule explication rationnelle est le développement des pouvoirs de Léa qui utilisa le don de Mushu puis d'Arthur. Louis nous dit de faire très attention et me félicite pour mon sens de la répartie et pour l'embrouille créée qui vient de nous sauver la mise.

Léa raconte mon sketch et mes minauderies dans le moindre détail, prouvant à mes amis mon don pour l'improvisation et la comédie. Elle m'imite en exagérant mes mimiques ce qui nous fait tous exploser de rire. Intérieurement, je ris jaune, conscience que mon don pour l'embrouille n'est pas aussi rose que Léa le croit. Seul Arthur semble se douter de ma morosité et il me caresse le sommet du crâne dans un geste paternaliste et bienveillant.

Depuis, nous redoublons d'attention. Les magiciens ne sont guère discrets et tels ces pervers qui vous suivent dans la rue, nous les repérons de loin comme doté d'un sixième sens. C'est irritant d'être sans cesse sous surveillance, mon sale caractère et celui de Mushu ressortent encore plus. Comme nous ne pouvons pas nous disputer avec les magiciens qui nous accueillent, nous nous affrontons.

Il ne se passe pas un jour où nous ne nous retrouvons pas dans une salle d'entraînement pour nous taper dessus ou pour martyriser un sac ou un mannequin. La boxe est notre domaine commun de prédilection. Mushu se détend en solitaire en courant à travers toute la forteresse. Je reprends mes cours d'arts martiaux et d'escrime que je suivais quand j'étais petite.

Mes professeurs apprécient mon implication et mon talent. Sans être une virtuose, j'ai de bons restes et je bouge assez bien et vite. Mes professeurs pensent que j'ai un don naturel. Le sport effectué avec mes amis et mes nombreuses courses-poursuites après Mushu pour le frapper m'ont rendu endurante et rapide. Mes jeux et les chorégraphies inventées avec Léa ont conservé ma souplesse. Mes réflexes sont revenus assez vite. Je mémorise les enchaînements comme s'il s'agissait de pédaler à vélo après un long arrêt. Ça ne s'oublie pas.

Mon professeur d'arts martiaux est une magicienne à l'esprit assez ouvert et elle m'apprécie. Elle me propose de prendre quelques cours avec son époux qui manie le katana à la perfection. D'après elle, cela pourrait me permettre de me défendre face à de jeunes sorciers et de les blesser suffisamment pour pouvoir m'échapper. Je m'entraîne avec ardeur ce qui m'attire la sympathie de l'époux.

Mes deux professeurs m'expliquent qu'un sabre, une épée ou tout objet métallique si possible en acier, est le seul moyen de défense d'un humain contre les magiciens et les sorciers. Ce sont les seules armes qui les blessent durablement sauf si bien sûr, ils ont un guérisseur comme Arthur. Tout ce qui est tranché ne peut guérir. Donc, face à un adversaire pourvu de magie, je dois contrer ses attaques avec ma lame et tenter de couper bras, jambes ou tête. Je redouble d'efforts pour exceller dans cet art du maniement du katana.

Un matin, nous étions en plein entraînement quand Marie me cherche et me surprend en plein combat. Devant sa surprise, le magicien et son épouse expliquent leur démarche et s'excusent de ne pas avoir prévenu Louis. J'apprends que Louis est « mon chaperon » ce qui me fait hausser un sourcil face à Marie, je garde cependant le silence. Mon amie remercie le couple avec politesse et approuve leur enseignement, leur confirmant que j'ai l'accord de Louis pour apprendre tout ce que je pense utile pour me défendre.

Elle leur dit en riant que j'ai déjà affronté trois sorciers expérimentés et leur raconte comment j'ai tenu tête. Je m'attends à ce que mes professeurs soient choqués et ne veuillent plus me voir quand j'entends un éclat de rire. Lui si sérieux et peu expressif est pris du fou rire de Marie. Il reconnaît bien là mon caractère combatif et enragé et à ma plus grande surprise, il parle aussi de mon esprit de camaraderie et de mon instinct protecteur. Sa femme sourit également. Oui, ces deux-là m'apprécient.

J'accompagne Marie pour subir un interrogatoire de la part d'un magicien très haut placé qui ne comprends pas comment une humaine peut être aussi proche d'une magicienne et ne soit pas morte de peur en découvrant la magie. Arrivées sur les lieux, nous entendons ce sale type poser des questions à Mushu sur ses parents et sur sa couleur de cheveux trop sombres à son goût. On a beau ne pas se supporter Mushu et moi, la remarque raciste de l'homme ne passe pas.

- Oui, il a les cheveux noirs et alors ? Vous avez bien la peau noire vous et on en fait pas tout un plat. Quant à savoir qui sont ses vrais parents, il a été adopté à la naissance alors ses vrais parents, ce sont ses adoptants. C'est à vous grand ponte de répondre à cette question avec votre registre des magiciens même pas foutu de les retrouver, de répondre aux questions de Léa sur ses origines ou de trouver la chérie de cet énergumène.

L'homme est choqué de mes paroles et de mon ton pas du tout impressionné. Mushu esquisse un sourire, mes paroles de défense lui faisant un bien fou. Je m'aperçois que Lisbeth est présente et observe les réactions de chacun. J'ai un peu mal à la tête soudainement. La grande magicienne me dévisage et penche la tête en proie à une réflexion intense. Puis elle semble sortir de sa torpeur et me demande d'une voix mielleuse de lui parler de mon enfance auprès de Léa.

Là-dessus, aucun souci pour moi de raconter nos bêtises d'enfant, notre complicité de crimes et notre quotidien ensemble durant seize années. Lisbeth hausse un sourcil tandis que la douleur mentale augmente. Moi, je fronce les sourcils et respire calmement pour faire partir ma migraine. Par moments, elle secoue la tête. Je suis sûre qu'elle tente de me faire un truc. Marie est pâle, mon amie se doute que quelque chose se passe, mais ne sait pas quoi.

Lisbeth m'interroge avec politesse sur mon caractère et je ne lui cache pas être pourvu d'un sale caractère fonceur et rentre dedans surtout quand il s'agit de défendre mon steak ou des personnes que j'estime en position de faiblesse. J'ai également une confiance en moi à toute épreuve et mis à part Léa, personne ne sait et ne saura toutes les conneries que j'ai dans la tête.

Elle pense me déstabiliser en me demandant ce que je pense de Mushu devant lui. Je la regarde droit dans les yeux nullement impressionnée et lui réponds que c'est un crétin qui m'exaspère, mais qu'il est quelqu'un de bien et l'ami de Léa et qu'en raison de cela, je le défendrais toujours face à des vieux schnocks à la mentalité étriquée et raciste. Le mot est lâché et jette un froid qui met fin à nos deux interrogatoires.

Lisbeth prétexte avoir une migraine affreuse pour écourter la garde à vue. La mienne disparaît aussitôt, preuve que cette magicienne n'est pas claire. Mushu bénéficiera d'un relâchement de surveillance, moi d'une hausse.

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