Ding dong ! Mais qui c’est qui sonne à cette heure ? Ça réveille même pas Isa, elle ronfle, comme d’hab. Ding dong ! Fais chier. Où est mon flingue ? Je mets ma nuisette grise et je vais voir. Je ne vois personne à la fenêtre de la porte. Elle se cache. J’ouvre en grand et accroupie devant moi elle me tend un papier :

• C’est quoi ce torchon ? Il manque la fin.
• Bonjour Meg. En fait, j’ai été interrompue dans l’écriture. Je me disais que tu allais l’écrire, la fin, comme tu le fais si bien.

Elle se relève et elle me toise. Elle regarde derrière moi pour voir si Isa n’est pas là pour me protéger. Elle en a peur. Elle a raison.

• Tu fais chier, Pal. Je suis la combien-t-ième ?
• C’est pas une compétition. J’étais avec la première quand je t’ai écris. Elle m’a pas laissé finir. Estime-toi heureuse, au moins, tu fais partie de la liste.

Elle se calme, elle se détend. Elle réfléchit ?

• Merci quand même Paloma. C’était gentil, tout ce que tu as écris. Et j’aime bien ton concept. Je me sens moins seule en littérature. Et tu as raison, ce n’est pas une compétition. On sait toutes, on sait toi et moi qui est la meilleure, de toi ou moi. Moi je le sais. Toi tu le sais. Il y a peut-être que deux ou trois personnes sur cette planète qui pourrait faire la différence entre nous deux. Pourtant il y a un gouffre. On a rien à voir ensemble. Tu es bien meilleure. Tellement que tu n’as pas besoin de reconnaissance, ni même celle de tes paires. Mais je te le dis Paloma. Même si ça ne vient que de moi. Même si tu ne m’as accordé qu’un échantillon, un brouillon de ton talent. Fais-en ce que tu veux, ou fais-en rien. On s’en fout.
• Oui Megan, on s’en fout. Je m’en fiche. Écrire c’est pas tout pour moi. Écrire, c’est rien pour moi. C’est pas important. Tout le reste autour est plus intéressant. À vivre. Pas à écrire. Même si c’est pas toujours génial, ça vaut mieux que le meilleur des romans.
• Tu as bien de la chance. Moi, j’ai besoin de ça pour respirer. Toi, tu restes en apnée. C’est pas très sain. Expire, Paloma. Inspire, moi.
• C’est toi qui en inspire d’autres. Jules. Tu l’as bien trouvée.
• Toi aussi il paraît.
• En fait, je me demande si c’est pas elle qui nous a trouvées.
• Peu importe. Ce qui compte, c’est les rencontres.
• Je savais que j’avais déjà lu ça quelque part. Ça vient donc de toi.
• Comment ça ? Tu lis ?
• J’y arrive parfois, mais pas n’importe quoi.