J’ouvre les yeux. On voit les étoiles à travers le toit vitré de la péniche. Adé est étendue nue à côté de moi, elle me regarde :

• Ça va mieux ? Désolée de te réveiller. Elles viennent enfin d’arrêter de crier et de gémir mais je n’arrive toujours pas à dormir.

Elle bascule sur moi et on commence à se caresser, machinalement. Nos minibris se connectent et nous aident à nous tendre et nous détendre l’une dans l’autre et à s’endormir d’un sommeil récupérateur. Quand je me réveille je me sens en pleine forme, forte, fraîche, tous mes sens sont en éveil. C’est l’effet Jouvence de la Clarisse Principale Adélaïde qui se rhabille dans les rayons du soleil. En cuisine Hilde prépare le petit-déjeuner. Elle est toute ébouriffée et pratiquement nue dans ses bottes.

• Tu les a gardées cette nuit ?
• Je ne les enlève que pour Adé.

On serait bien restées mais Jules nous a donné rendez-vous et comme on ne doit pas la perdre de vue, on y va, au chaud, à l’Ouest, à Laguna au Tennis Club de Énola qui joue avec sa Marielle contre son fils, Doumé et Jules qui se comportent comme un jeune couple, ils sont mignons. Ainsi, Jules n’a même pas eu besoin de notre aide pour rencontrer Énola, elles se connaissent déjà comme deux locales anonymes au terrible destin. On regarde la fin de la partie et on les attend au Club House devant une boisson fraîche.

• Paloma, on a failli te perdre sur la péniche.
• Oui je meurs de temps en temps ces derniers temps. Mais je suis toujours là et je suis suivie. Mon nouveau corps a du mal à assimiler les substances chimiques récréatives. Je dois rester naturelle et belle, comme toi.
• Moi ce qui me tient debout, c’est tout l’amour que je reçois.
• Alors je te verrai toujours debout et toujours belle, ma belle. Et si je disparais un jour, il te restera toujours les copines et la famille.
• Tu m’as fait venir sur la péniche pour me soigner avec Hilde.
• Inconsciemment peut-être, c’est l’Invisible qui parle. Il nous fait prendre soin l’une de l’autre. Il nous a réunies pour l’éternité, pour toujours et à jamais, dans l’Amour et dans la Paix, annexe 6, B4.

Et je lui montre ma croix, et je mets mon pouce dans ma bouche pour lui dessiner un invisible 4 sur son front, de ma salive qu’elle sent sécher, de ce chiffre qui pénètre dans son âme pour la protéger, elle reçoit mon onction. En entrant dans le Club House, Jules nous surprend en pleine cérémonie. Elle sent bien la puissance de nos êtres et de nos actes, ça la rend humble devant nous, respectueuse devant le sacré qu’est n’est pas, pas encore.