On amène Antoine au catéchisme. Ça se passe à l’Est, avec la Clarisse Principale, Adé, à la Basilique, faute de Cathédrale encore en construction, pour toujours et à jamais.

• On est coincée dans cette ère. On ne verra jamais la B5. En tout cas pas dans cette troisième annexe. On est au moins reparties pour six mois. Ça va me rendre folle.
• Je vais demander à ma belle de t’offrir du parfum, ça résoudra tous tes problèmes, surtout si Brigitte passe aussi te voir avec son nouveau jouet.

Mais à voir son regard ailleurs, je comprends qu’elle est déjà branchée.

• Du parfum ?
• Un antidote à l’Invisible, temporaire, comme l’alcool.
• Ça ne marchera pas sur moi. Il me faut celui de Hilde. C’est un placebo.
• Un quoi ?
• Le transfert d’un effet thérapeutique par croyance, comme l’hypnose.

Et elle s’approche de moi, tout près, avec son regard fixe et ses yeux mi-clos, elle passe son pouce sur mes lèvres, technique d’envoûtement. Ça me chatouille et j’en ris. Elle recule, étonnée. Et je lui fais un bisou sur la bouche. Elle est surprise. Elle réfléchit. Elle comprend. Elle demande :

• Ça dure combien de temps ?
• Si tu veux tenir jusqu’à Mercredi prochain, il en faut un peu plus.

Alors on s’embrasse doucement, langoureusement, longuement. C’est comme si on passait dans un autre monde. Elle me laisse regarder dans son âme. C’est le chaos. Tout se télescope de façon aléatoire. Elle a besoin de vivre sur l’eau pour amortir tout ça. Hilde, sa compagne, la fille du professeur Bang, elle l’a tout de suite comprise. Et tous les jours elle lui prépare une soupe pour la purifier. Mais je ne vois pas la Terre, elle est trop loin et elle n’existe plus. Phoebe Montaigne n’est plus, que Adélaïde. Je suis en train de pleurer, je ne sais pas pourquoi. Je ne suis pas triste. Juste un peu émue. Je crois que je vais adorer, les cours de catéchisme. Cette relation. C’est le début d’une histoire, d’une affaire, avec Adé. En symbiose. Elle est si belle, sophistiquée, tout le contraire de moi. Qu’est ce qu’elle me trouve ? Antoine revient de chez les Sœurettes. Il a l’air enthousiaste lui aussi. Je le prends par la main et dans le couloir je ne peux pas m’empêcher de me retourner et je fais bien car je reçois le regard le plus doux et le plus chaud de l’Humanité de ses yeux gris comme la planète vue de l’espace, les yeux clairs de la Clarisse Principale, Mère Supérieure Adélaïde, SSV4, la Mère de toutes les Sœurs et j’en suis la seizième et la première aussi, locale.