J’ai compris que tu serais l’amour de ma vie mais pas dans celle-ci (1)

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 Dans les royaumes nordiques, l’hiver est très rude, autant par les températures que par le danger qu’il représente. Les flocons étaient toujours lourds sur les paysages blancs qui faisait des environs une carte postale sanglante. La neige, ce détail de la nature qui est une si belle venue de rire mais aussi une terrible source de souffrance pour quiconque s’aventure trop dangereusement dans des lieux périlleux. C’est ce qui se passait ce jour-là.
 Non, nous n’étions pas dans une montagne abrupte mais dans un domaine, dans la cour d’un manoir. Une jeune fille cultivait des roses avec minutie, dans une petite serre dans le jardin, elle n’avait pas froid malgré sa courte robe. Dans ce royaume, le froid était un fait quotidien qui ne déstabilisait personne, mis à part les étrangers.


 C’est à la fin de l’année 1899 que ç'arriva, quand tout le monde pensait que cette histoire était terminée. Pendant qu’elle s’occupait d’un de ses plans en ce vingt-six décembre, il y avait au loin, sous le lourd rideau de neige, près de la haie au fond du jardin, une silhouette qui avançait vers elle d’une marche déterminée. La folie avait-elle pris possession de ce corps ? S’aventurer dans ce terrain seul menait à une perte certaine, beaucoup le savaient. La jeune fille ne se rendit compte de sa présence que trop tard quand violemment une arme brisa une des vitres de la serre pour se planter à quelques centimètres de son visage sur un panneau de bois. Elle voulut vivement se retourner vers son assaillant mais tout se passa très rapidement. Une main broya son épaule pour la forcer à regarder l’intrus et affronter son regard.
 De longues, trop longues secondes se déroulèrent devant ses yeux. Une arme se pointa sur elle mais un cri résonna puis un corps se jeta devant elle pour la protéger, se battant maladroitement contre l'ennemi et criant une demande d’aide. Ce même corps fut projeté en peu de temps quelques mètres plus loin comme un vulgaire bout de viande que Rina ne reconnut pas, elle n’arrivait pas à faire comprendre à son esprit qu’il fallait se raisonner et se battre.
 Un nouveau bruit arriva mais cette fois-ci deux armes se percutèrent devant ses yeux.

— Rina ! Bouge de là !

 Une voix grave, rassurante, inquiétante. Tin ! Des yeux implorants percutèrent la masse qui se trouvait devant elle, un dos musclé et bien plus en proie à l’aider.

— Rina si tu ne dégages pas je te fais voler !

 Son ton était inquiet mais surtout autoritaire, mentalement la jeune fille se gifla pour reprendre contenance et arriva enfin à bouger.

— Va…

 Il essaya de contenir sa voix qui voulait se briser.

— Va chercher Lyria et met là à l'abri.

— Ly… ria ?

— Alors c’était elle !

 Elle comprit instantanément à la fin de sa phrase au rire sadique de son ancien fiancé, Lyria. Sa Lyria était là, allongée comme le bout de viande qui avait été éjecté quelque instants auparavant. Elle se décomposa littéralement, courant et tombant à genoux, tremblant de tous ses membres devant le corps de celle qui fut celui de sa bien-aimée le temps de quelques mois.

— Si elle respire, emmène-la dans ta chambre, sortilège de transfert, MAINTENANT !

 Et elle disparut.


 Le corps allongé ainsi sur ce lit parfaitement soigné était presque insultant, pourtant elle ne s’en formalisa pas. Ses mains expertes ne savaient où commencer tant elles tremblaient, passant tant par le visage tiraillé par la douleur que par la blessure béante qui la faisait atrocement souffrir. Elle ne savait plus comment faire les gestes de guérison qu’elle connaissait cependant par cœur. Tel un automate, elle se leva brusquement pour fouiller avec rage dans son sac médical.

— Mais il est où putain !

 Elle ne se formalisait plus sur rien, rien ne comptait mis à part Elle. Même les bruits de lutte au dehors ne la paniquait pas plus qu’Elle.

— Rin’

 Ses oreilles bourdonnaient.

— Rin’

 Elle croyait halluciner.

— Rina !

 Elle s’arrêta d’un coup, au bord du gouffre.

— Viens s’il te plait.

 Elle se tourna vers elle, le visage baigné de larmes quand elle vit une main qui ne souhaitait qu’être prise.

— Attends-je… Je dois chercher mon produit pour toi, tu sais ? Te soigner ?

— Tu n’en auras… pas besoin.

 Elle avait mal, très mal, ça se sentait, ça vibrait dans la pièce. Sa respiration était très saccadée, si elle ne se dépêchait pas elle n’en aurait plus pour très longtemps.

— Si, si, attends tu m’as sauvé, c’est à mon tour maintenant attends ! Je ne suis pas doué avec les sortilèges mais bien plus avec mes préparations.

 Elle s’était retournée comme une furie pour chercher ce dont elle avait besoin mais bien évidemment elle ne le trouvait pas.

— Il était là, j’en suis certaine !

— Chérie s’il te plait, viens là.

— Non, non, je ne te laisserais pas crever devant mes yeux, tu m’entends ! Tin ne s’en relèverait pas, JE ne m’en relèverais pas !

 Le regard qu’avait Rina pouvait sembler être celui d’une démente tant elle pleurait et transpirait de toutes parts mais elle était dans une panique extrême. Si Lyria mourait aujourd'hui, plus rien ne la raccrocherait à Mathias et elle avait appris à l’aimer envers et contre tout, elle avait besoin d’elle.

— Vu ce que je me suis pris, rien ne m’aidera, je préfère te parler plutôt que tu t’obstines et que je ne puisse te dire ce que je voudrais.

— Tu ne peux pas passer à trépas Lyria, pas sans moi je t’en prie, et si tu mettais ma bague ?

 Les sanglots faisaient trembler Rina de tout son soûl, il lui était impossible de les retenir.

— Elle ne fonctionne que si on la porte avant l’attaque Rina et non pas pour sauver après, tu le sais très bien, ma chérie. Je vais rejoindre mon premier amour Rina et tu me rejoindras mais le plus tard possible je te prie. Je t’ai aimé tu le sais et je t’aime toi, mais le Destin en a décidé autrement. Tu vas refaire ta vie comme il se…

— Jamais !

 Bien que Lyria parlait avec difficulté, Rina n’avait pas pu s’empêcher de la couper, elle ne voulait pas l’entendre dire de telles choses dans un moment pareil.

— Tu dois le rejoindre Lui, mais moi ? Tu fais quoi de moi !

 Elle pensait à elle avec égoïsme mais qui pourrait l’en blâmer ? Voir son amour mourir ainsi devant ses yeux n’a rien d’évident.

— Chut, tu sais que si, je le souhaite. Je suis tombée amoureuse de toi en ayant mon ancien fiancé au ciel, fais de même. Si j’ai réussi à me relever après sa mort tu pourras aussi le faire, tu as vécu bien pire, je sais que tu y arriveras et peut-être qu’enfin tu trouveras ton bonheur et ton premier amour.

— Et dans le cas où c’était toi ?

— Ce n’est pas moi, je te le jure.

 Voyant bien qu’elle cédait sous le poids de la vie, Rina s’empressa d’arriver à son chevet en rampant presque, pour lui dire une dernière fois les mots qu’elle déclarait sous la robustesse de son amour.

— Je t’aime.

— Je t’aime.

— Salue-le de ma part, je t’en prie.

— Avec joie ma Rina.

 Lyria lui avait caressé la joue une dernière fois et bien que son visage s’était légèrement crispé pendant un instant, il semblait pourtant en proie à une paix profonde. Les mains de la jeune fille qui se trouvait sur le visage de son amour se mirent à trembler avec une effrayante atrocité, tant qu’elle cria son désespoir à cœur ouvert au milieu de sa propre chambre. Les mots de sa bien-aimée résonnaient avec acharnement au fond de son crâne, elle mettait ses mains sur ses oreilles comme si ça pouvait tout calmer et faire taire ces voix imaginaires.

— Ce n’est qu’un fichu cauchemar, ça va aller, elle est vivante et en bonne santé. Elle va revenir au manoir comme toujours, ça va aller.

 Son corps bougeait comme soumis à de terribles spasmes d’avant en arrière qui s’arrêtèrent net quand la main de Lyria glissa de son corps meurtri pour tomber et basculer légèrement devant ses yeux, sur le côté du lit. Ses yeux bleus qui s’ouvrirent avec une horreur non dissimulée, elle s’était levée avec précipitation pour s’empêcher de vomir mais son état empira. Sourde de raison, elle s’était enfuie dans le couloir avec une étrange détermination.

— Plus jamais, plus jamais on ne me prendra ceux qui me sont chers, je me suis entrainé trop dur pour ça.

 Elle était consciente que ses paroles venaient trop tard mais à présent c’était la rage et la soif de vengeance qui battait à tout rompre dans ses oreilles, c’était bien pire que tout ce qu’elle avait vécu, jamais elle n’avait autant voulu détruire quelqu’un de ses propres mains.

— Rina reste ici !

— Il en est hors de question !

— Ne t’emporte pas ainsi, tu perds ton sang froid !

— Au diable le sang-froid maman ! Il faut bien bouillir quelques fois ! Les Dieux nous auraient mis de l’eau dans les veines et non du sang, s’ils auraient voulu que nous soyons toujours et partout imperturbables ! (2) 

 Sa mère avait essayé de l’arrêter, elle aurait pu aller aider Tin mais elle devait protéger son plus jeune enfant qui avait plus de mal que son frère pour se défendre, elle essayait de faire son maximum. Elle avait essayé de jeter un sort de ralentissement sur sa fille mais elle n’avait pas réussi, elle sentait déjà une énergie néfaste se dégager du corps de sa progéniture mais elle était trop rapide, si rapide qu’elle avait récupéré une dague sans que sa mère ne remarque quelque chose.
 En arrivant dehors, tout ce qu’elle pensait c’était que sa vue la débectait, comment pouvait-il encore être devant elle ? Après tout ça, il osait encore se pointer devant ses yeux. Les larmes voulaient perler au coin de ses paupières mais elle les empêchait de se frayer le chemin tant convoité. Cet homme face à elle, fut un temps, possédait une grande place dans son cœur mais depuis que le monde avait découvert son secret, cet amour était révolu et elle le savait parfaitement.

— Tin emmène Maman et Mino loin d’ici, papa n’est pas là pour les protéger et ils ne sont pas en sécurité ici, moi je m’occupe de lui.

— Mais tu es folle ! Je ne vais pas te laisser ici avec ce malade alors qu’Angel et Jessy ne sont même pas là !

— Je n’ai pas envie d’avoir deux morts sur la conscience Tin alors je ne me répéterai pas deux fois.

 Son ton était froid et sans appel et Tin compris tout sans qu’elle ne le formule clairement, Lyria avait succombé à ses blessures comme il l’avait pensé. Rapidement, le jeune homme prit sa décision à regret en partant en courant vers le manoir.

— Je reviens aussi vite que possible, tu n'as pas intérêt à claquer.

— Dégage de là toi !

 Le temps qu’elle adresse un sourire rassurant à son frère, l'autre avait essayé de s’approcher.

— Moi ? C’est vraiment à moi qui tu oses parler sur ce ton ?

— À qui veux-tu que ce soit ? Tu es un être abject Kizune tu me dégoutes ! Tout allait mieux entre nous et voilà que tu oses venir bafouer tout cela comme si ça n’avait aucune once d’importance ! 

— Tu ne t’en rends compte que maintenant ? Qu’est-ce que tu peux te montrer naïve ma pauvre, j’en suis déçu. Tout allait mieux avant que tu ne me rejettes pour cette femme immonde.

 Son ton montait, il était effrayant et brutalement il lui ramenait la vraie nature de son visage.

— Je regrette que Tin n’ait pas laissé libre cours à sa soif meurtrière quand il en avait l’occasion, moi, comme une idiote je t’ai aimé de tout mon soul !

— L’amour que tu dis éprouver n’est qu’une vulgaire chimère, un rêve de gosse, une envie de vomir ma pauvre petite.

 Le dégoût s’était emplie de tout son être, comment avait-il pu la tromper tout ce temps sur son compte ? Sur l’homme qu’elle devait épouser, qui devait partager sa vie mais qu’elle connaissait si peu.

— Une chimère que tu appréciais.

 Les tons étaient cassants, froids et brutaux, ne laissant place à rien d’autre qu’aux ressentiments.

— Pourquoi ne m’as-tu pas laissé avec Lyria, en paix, je ne t’aurais pas retenue et tu le sais très bien.

— Au début oui, j’aimais la jeune femme que tu étais mais ton secret à tout balayé. À présent, je t’aime bien plus et c’est pour cela que tu dois disparaître. Cette bonne à rien n'aurait pas pu t’achever comme tu le mérites malheureusement.

 À cet instant, il semblait trouver la situation bien regrettable avec son haussement d'épaule, ce qui avait le comble d’intriguer Rina.

— Si elle t’aimait vraiment elle t’aurait laissé mourir au lieu de te protéger.

— Les gens ne tomberaient pas amoureux s’ils n’avaient jamais entendu parler d'amour, pourtant toi tu es dénué de tout ce qui y touche de près ou de loin. Si tu m’aimais réellement, tu m’aurais aidé avec Zluna, tu aurais accepté la chose.

 Les anciens amants se regardaient en chien de faïence, se demandant qui sauterait sur l’autre en premier. La lame qu’elle avait mise dans sa manche entaillait le bout de ses doigts avec tant d’ardeur qu’elle pouvait sentir une goutte jaillir de sa peau.

— Alors quoi ? La petite fille se dit qu’elle peut réduire à néant le grand méchant ? Je n’aime pas le mensonge et si je te sacrifie les villageois et les dieux n'en seront que plus reconnaissant. Voyons ma chère, nous savons tous les deux que tu n’as aucun talent pour te défendre seule comme ce bon vieux Mathias.

 C’était l’ironie à son paroxysme, lui qui n’aimait pas le mensonge mais qui l’avait traîné dedans toutes ces années, mais l’information qu’il avait lâché la laissait perplexe. Ses yeux se rétrécirent pour ne former qu’une simple ligne, dans d’autres circonstances on aurait pu penser qu’elle les avait totalement fermés.

— Comment oses-tu parler de lui ? En quoi cela a-t-il un rapport ?

— Je vois que tu n’as toujours pas compris, et après tu veux arriver à me tuer ? Quelle ironie par pitié !

 Il leva les bras sous un rire sadique, la folie l’avait déjà bien atteint et Rina compris. Rina écarquilla les yeux si fortement qu’elle en eut mal. Rina suffoquait de nouveau.

— Qu’as-tu… ?

— Aurais-je percé la défense et le visage impassible de ma tendre femme ?

— Je préfère crever sous l’épée de Damoclès de la vie plutôt que de m’unir à toi.

— Ouh, sache que j’ai mal de t’entendre me dire de tels mots, fais attention, ça pourrait vraiment t’arriver.

 L’homme s’approcha dangereusement avec un sourire enjôleur sur les lèvres mais elle ne se laissa pas amadouer.

— Répond moi espèce d’ordure !

— Oh ? Tu commences à montrer les crocs gamine ?

— La gamine t’emmerde plus que tu ne le penses, qu’as-tu fait à Mathias ! Réponds !

— Ce qu’il méritait, depuis quand un humain, normal, était censé s’allier à des Sokl ?

— Tin m’avait rapporté que c’était un Ziny doté de magie qui l’avait tué.

 Elle respirait très mal, par saccade, elle n’en croyait pas ses oreilles, elle n’osait surtout pas l'imaginer.

— Oh mais c’est bien un Ziny sur ça il avait raison, mais il ne l’a pas retrouvé depuis tout ce temps malgré ses recherches alors que c’était sous son nez, à cet abruti fini. Tu sais les petits joujoux que promenait ce petit con toujours sur lui ? Ton père en avait fabriqué plusieurs hein ? Avec un peu de recherches, c’est simple à utiliser ces machin-là.

— Alors tu… ce n’était donc pas un sorcier de naissance ?

— Bravo ma chère, félicitations !

 Le psychopathe tapait dans ses mains avec joie en s’arrêtant à quelques mètres d’elle. Il semblait brutalement heureux en regardant la jeune femme, comme si tout ce qu’il venait de lui révéler n’était qu’un détail insignifiant.

— Et après ? Qu’as-tu fait ?

— Je me suis enfuie, lâche mais efficace. Je savais que me confronter à ton frère serait pareil que de couper le fil de ma vie, un Sokl de nature, c’est doué. Même tes parents, je les attaquais sans jamais m’attarder.

 Tandis que l’homme avait posé une main sur sa hanche pour montrer son insignifiance face à elle, elle échafaudait un plan. Il ne devait pas s’en sortir, autant pour elle que pour son ami disparu. Elle le devait à Tin et à Lyria. En pensant à elle, une larme coula le long de sa joue sans qu’elle ne puisse la retenir.

— Que vois-je ? Un monstre peut avoir des sentiments ? Le souvenir de ton ami ne s’est toujours pas estompé ?

— C'est, au contraire, ton souvenir que j’efface. C’était donc toi, au village de Vigri, le malfrat que mes parents traquaient.

 La voix de la jeune femme était calme et posé, son souffle s’était ralenti et un sourire se peignit sur ses lèvres. Elle se souvenait quand ses parents étaient revenus plus tôt que prévu avant l’anniversaire de son frère.

— Tu es vraiment étonnante, sourire même dans cette situation morbide, ça te ressemble bien.

— Tu ne connais rien de moi !

 Elle avait hurlé, littéralement. Les tatouages sur son bras avaient tourné de la couleur de jais au rouge sang tandis qu’un halo carmin commençait à l’entourer sous le regard curieux de son opposant.

— T’aurais-je énervé très légèrement ?

 Pour seule réponse un souffle chaud lui frôla le visage et en quelques secondes son visage essayait de ne pas céder à la panique. Mentalement il comptait sur l’amour qu’elle avait éprouvé pour lui, se disant qu’ainsi elle ne le toucherait pas. Malheureusement pour lui, il reçut de plein fouet un coup dans son estomac qui le fit tomber et reculer de plusieurs mètres en arrière. Il prenait son ventre dans ses mains tout en relevant le regard vers elle en gémissant.

— Par Ogden.

 Ses paroles n’étaient que des souffles insignifiants, il semblait prier le dieu de tous les dieux, le dieu de l’au-delà, comme s’il était à présent, certain qu’il devait tout faire pour s’échapper des griffes de cette femme qui n’avait rien de fragile. Cette même femme, si frêle et si timide, avait baissé ses armes et s’était laissé envelopper par Zluna. Elle venait de prendre plus de vingt centimètres de hauteur et une grande musculature qui n’avait rien de gracieux. Le halo ressemblait à une enveloppe bulleuse qui éclatait ici et là au fur et à mesure du temps qui passait, comme ralentie par Horunio.

— Alors ? On ne paraît plus autant rire à présent. C’est ça d’envoyer des sous-fifres à ta place, tu ne connais rien de ma véritable force !

 Même sa voix n’avait plus rien d’humain, ses yeux viraient au vert perçant, signe que sa métamorphose était presque terminée. Sa bouche s’était élargie en un sourire sadique qui montait haut sur ses pommettes en fonction de la grandeur qu’avait prise son visage. Elle semblait titanesque et littéralement monstrueuse. Elle n’avait plus rien de la jeune fille qui l’avait aimé autrefois.
 Elle s’approchait de l’homme qui reculait au fur et à mesure, se relevant maladroitement et regardant comme un petit animal apeuré. Ce qu’il ne savait pas c’est que cette fois Zluna n’avait pas tous les pouvoirs, Rina était encore consciente pour savoir ce qu’il adviendrait de son sort. Son regard était d’une grande froideur et pour une fois elle n’avait pas peur des pouvoirs que lui conférait la démone, bien au contraire, elle lui demandait mentalement et délibérément de les déchaîner sur lui.

— Alors ? Tu es muet ?

 Sa voix était tombée encore un peu dans l’abîme des voix graves. Tandis que la femme se délectait de la vue qui s’imposait à elle, lui, sortit l’épée qui se trouvait dans le fourreau qu’il avait sur le côté sur le corps. Il tenait la garde à deux mains tout en la pointant devant lui pour montrer que quoiqu'il advienne, il était prêt à se battre contre la femme qu’il aimait à la folie, littéralement.

— Je n’en reviens pas que tu veuilles tuer ton mari.

— Mon quoi ? Mon mari ?

 Un rire particulièrement sinistre fit blêmir Kizune, il avait dégluti difficilement en la voyant si maîtresse d’elle-même, lui qui pensait qu’elle ne maîtrisait pas Zluna.

— Tu as arrêté d’être mon mari ou même d’être quelqu’un pour moi au jour où j’ai découvert ton petit manège.

— Depuis quand la maîtrises-tu ?

— Depuis mon voyage, tu sais celui où tu as envoyé ton cousin m’espionner et un autre me tuer ?

— Tu as découvert son identité à ce traître ? Tu l’as tué lui aussi ? Je n’ai aucune nouvelle.

— Tu n’en auras plus jamais, crois-moi.

— Rina, chérie.

— JE T'INTERDIS DE M’APPELER AINSI !

 Un long cri sinistre suivit l’ordre qu’elle venait de donner. À l’entrée du jardin, ses deux amis venaient d’arriver à bout de souffle, armes et magies déjà déployées pour l'aider, mais ils comprirent bien vite qu’ils n’auraient été que des poids face à la machine qui venait de s’enclencher. Au cours des mois de préparation pour le but de leur plan, ils avaient réussi à développer un sort pour empêcher Zluna de prendre trop le dessus sur Rina et Angel avait commencé à l'exécuter mais Jessy l’arrêta en cours de route.

— Regarde bien, c’est elle qui a le contrôle, Zluna l’aide juste à développer assez de puissance pour le détruire.

 Angel avait peur pour son amie, réellement, mais il n’avait pas tort, Rina réussissait à dompter ce démon tout en prenant l’aide qu’elle lui apportait. En même temps, sous ses yeux, Rina s'approchait dangereusement de lui tandis qu’il essayait de se défendre avec un artefact magique qui avait sans doute été utilisé contre Mathias. Les jets de magies ricochaient contre l’enveloppe de Rina sans rien lui faire mis à part lui donner une sensation de caresse désagréable.
 La jeune femme concentra alors sa magie dans ses mains pour faire un projectile qui l’affaiblirait instantanément. La masse de l’enveloppe qui l’entourait était encore trop lourde alors il esquivait quand elle attaquait, sans trop de difficultés, elle n’avait plus que cette solution. C’était une technique qu’elle avait mise au point entre deux séances d'entraînements sans que ses compagnons n'en sachent rien.

— Καθαρό μίσος (2)

 Le concentré qui s’était trouvé dans ses mains se mit à jaillir sans discontinuer jusqu’à même disparaître dans sa course, ce qui eut le don de faire rire nerveusement son adversaire.

— Déjà termi… né ?

 La concentration qu’elle avait créée avait rendu le jet infiniment fin pour donner cette vision d’invisibilité jusqu’à ce que le sort arrive dans son cœur et le traversa. Il tomba à terre, les genoux puis le buste sur le sol.

— C’est quoi ce sort ?

— Je ne sais… Rina !

— Dans ta gueule !

 Elle ne put aller plus loin, ce sort avait pris toute son énergie, elle tomba elle aussi mais bien vivante, des larmes aux yeux. Elle était enfin libre, mais sa bien-aimée n’avait pu lui emprunter son livre, Pauca Mae, comme elle l'avait souhaité.





(1) Citation issue des écrits de l’écrivaine Léa Jeunesse.

(2) Citation de Jules Verne, originale « Eh ! Que diable ! Il faut bien bouillir quelques fois ! Dieu nous aurait mis de l’eau dans les veines et non du sang, s’il nous eût voulu toujours et partout imperturbables ! »

(3) Signifie « Haine pure » en grec.

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