Voyager c’est grandir. C’est la grande aventure. Celle qui laisse des traces dans l’âme. (1)

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En cette fin d’après-midi du douze décembre 1898, le quai du petit port du village semblait désert, selon son frère, l'établissement semblait privatisé pour la venue de l’impératrice et pour qu’elle puisse partir sans risquer la venue d’éventuels gêneurs.
Les mains tremblantes de Rina tenait avec fermeté son petit bagage qui ne serait pas avec ses autres valises, elle le garderait prêt d’elle. Sa mère lui avait préparé plusieurs choses à grignoter pour le voyage et elle avait des effets personnels à l’intérieur auxquels elle tenait comme des livres par exemple. Elle avait salué Mia et ses parents avant de partir avec sa famille, Tin lui avait dit qu’ils resteraient pour dîner mais que sa belle-famille souhaitait les laisser dans l’intimité familiale pour ne pas trop les gêner.

- J’apprécie beaucoup Tin, remercie les pour moi.

Bien qu’elle paraissait nerveuse, elle était reconnaissante envers tout son entourage qui l’accompagnait même dans ce projet quelque peu saugrenu et plutôt fou. La veille, alors que le soir s’était accumulé sur le manoir et que tout le monde paraissait couché, l’aîné de la famille avait fait irruption dans la chambre de sa cadette. Son visage semblait plein de tourments et Rina s’était immédiatement inquiétée à sa vue, pensant qu’il était souffrant. Elle s’était précipitée à ses côtés en plaçant directement sur les joues et son font pour mesurer un semblant de fièvre.

- Bon Dieu Tin ! Tu vas bien ? Tu es malade ? Tu es d’une pâleur effrayante !

Un petit rire avait été lâché comme si ce qu’elle disait était complètement absurde.

- Ne t’en fais pas, je vais bien. Promis !

Il avait ajouté son dernier mot dans un rire en voyant l’air rageur de sa petite sœur qui ne paraissait ne pas en croire un mot.

- Si ça va, pourquoi es-tu ici ?

Le ton de la jeune femme avait été glacial, elle était bien trop nerveuse et son frère le savait bien assez pour lui en tenir rigueur.

- Je suis là pour te dire pourquoi nos parents t'autorisent à aller là-bas.

Pendant qu’il s’était mis à parler, Rina avait terminé un bagage mais elle avait arrêté brusquement ses mouvements, il avait visé juste, il venait de piquer profondément sa curiosité. Il lui expliqua que leurs parents ne voulaient pas qu’elle pourrisse ici avec ce village maudit selon les propos de sa mère. Ses parents aimaient beaucoup ce petit patelin de campagne mais ils savaient que Zluna lui gâchait la vie ici et ils voyaient ici une alternative, une échappatoire pour son épanouissement. Tin lui expliqua qu’ils savaient qu’elle serait obligée de revenir pour ne pas périr de la malédiction mais que ça lui donnerait du répit de pouvoir sortir sans se préoccuper des autres. C’était donc que c’était la raison de pourquoi ils avaient acceptés et qu’ils étaient extrêmement fiers que leur fille accomplisse par le même temps une mission diplomatique et un raccrochage à ses ancêtres, bien entendu la perspective de revoir les leurs était une nouvelle exquise mais pour une famille enrôlée dans l’armée la mission qu’on lui conférait était importante pour maintenir une paix durable d’autant qu’elle était confiée par l’Impératrice elle-même. Sous l’effet de la nervosité permanente des derniers jours, Rina tombait sans cesse en sanglots et là ça n’avait pas loupé. Elle s’était réfugiée dans les bras de son frère comme s’il représentait une bouée de sauvetage.

- Merci Tin.

Sa voix étranglée le remerciait de tout ce qu’il avait fait et pour toute réponse il lui dit qu’il l’aimait plus que tout et même plus que les gâteaux fondant de Mino. Ça a eu le mérite de la faire sourire. Une voix s’éleva dans l’air oppressant du petit quai où se réfugiait la famille, en jetant un regard oblique tous remarquèrent que ça ne pouvait être que l’impératrice qui faisait son entrée.

- Par les Dieux mon cher, pourquoi avoir fait privatiser ce port ! Tu sais bien que je déteste ça, me sentir au-dessus des autres !

- Pour ta sécurité, je te le rappelle Lexan !

- Pourquoi crois-tu que j’ai pris le port de ce village et pas celle de la capitale ? Parce que je sais que je ne risquerai rien ici !

Le soupire exaspéré du Roi se faisait entendre, il savait que sa femme détestait tout ça mais ça lui semblait capital pour sa sécurité, la famille quant à elle fit une révérence pour accueillir le couple royale qui ne semblait les remarquer que quelques secondes après.

- Oh bonjour, pardonnez-nous, nous ne vous avions pas vu !

Tout en se redressant, la famille avait un sourire merveilleux sur les lèvres.

- Ce n’est rien.

- Êtes-vous prête Rina ? Vous partez seule pendant un long voyage, le savez-vous ?

- Oui madame, je me sens prête à affronter cela.

- Parfait, vos bagages sont-ils à bord ?

- Oui madame.

- Tout cela me parait parfait, comment allez-vous mes chers amis ?

L’impératrice avait effectué un pas de côté pour s’adresser directement à ses parents qui étaient restés à l’écart. Malgré les affinités qu’ils avaient avec le couple, il demeurait un grand une barrière de hiérarchie quand ils n’étaient pas qu’entre eux. La plupart du temps, dans l’intimité, ils se tutoyaient mais au château ou au manoir ils devaient faire très attention à leur manière pour éviter les rumeurs.

- Parfaitement bien votre majesté, permettez-nous de vous remercier pour ce que vous avez fait avec Sa Majesté le roi.

- Vous pouvez être fier de vos enfants monsieur et madame Grintofk, ils sont une nouvelle génération exceptionnelle alors ne vous en faites pas. Par ailleurs, pourrions-nous venir au manoir quand nous aurons un moment de libre ? Je ne sais quand était la dernière occasion.

- Je vous remercie. Quand vous voudrez, n’hésitez pas à nous le signaler, qu’on ne soit pas en mission.

- Bien entendu.

Avec une légère révérence, les parents avaient montré une profonde gratitude pour leur monarque pendant que le Roi roulait des yeux. Il affectionnait beaucoup cette famille mais la façon qu’avait sa femme à ne pas faire attention le sidérait.

- Tenez, Rina, ce que je voulais vous confier, souvenez-vous, cachez le bien et livrez-le en personne au chef de l’État. J’ai aussi envoyé un courrier à votre famille, ils vous attendent avec impatience, ils connaissent le fait de votre venue mais pas le pourquoi de celle-ci. Comme je vous l’ai dit, je vous laisse le faire.

- Bien, ça sera fait madame. Je vous en remercie.

D’un geste, la jeune femme avait glissé le parchemin dans son sac sans fond avant de redonner entière attention à la femme en face d’elle qui semblait émerveillé par ce qu’elle venait de faire.

- Vous avez de beaux pouvoirs mademoiselle, profitez de votre voyage pour les améliorer, sait-on jamais il ne faut en aucun cas les négliger.

- Je m’en souviendrai votre Majesté.

Le regard de Rina paraissait empli de gratitude pour cette femme exceptionnelle qu’elle admirait de plus en plus, en si peu de temps elle lui avait permis de partir accomplir sa destinée mais plus encore elle lui permettait à sa famille de renouer avec son passé si longuement enfouit.

- Ne vous en faites pas, souvenez-vous, je remporte beaucoup de choses aussi dans cette affaire.

- J’en ai conscience que sur une grande échelle c’est peut-être beaucoup. Personnellement ce n’est que trop beau.

- Alors profitez en mon enfant, parcourez tout ce chemin et revenez-nous victorieuse !

- J’y compte bien !

D’une énième révérence elle salua ses souverains, le Roi lui adressa un signe de tête réservé mais heureux contrairement à sa femme qui lui adressait un sourire chaleureux. Ils s’excusèrent et durent rentrer rapidement au château, une énième réunion les attendait.  L’heure des au revoirs approchait à grands pas, Rina devait se trouver sur la passerelle dans dix minutes exactement et l’impératrice lui avait bien fait savoir avant de partir.

- Je vous prie de vous dépêcher Rina pour ne pas vous mettre en retard.

L’air peiné de la jeune fille lui fissurait le cœur, elle voulait la réconforter mais elle ne savait comment ni pourquoi, probablement lui faisait-elle penser à une petite sœur qui sait ? Quoi qu’il en soit, elle déposa délicatement sa main sur son épaule avec de lui murmurer :

- Je vous jure que vous les reverrez plus vite que vous ne le pensez ma chère petite, je vous le promets. Une fois votre mission établie, vous pourrez rentrer quand vous voudrez.

Tandis que le Roi restait en retrait pour ne pas importuner sa femme, la jeune fille hocha fébrilement la tête quand la souveraine était partie pour leur laisser une intimité propice à leurs salutations.

- Aller mon poussin ne t’en fais pas tu vas y arriver, je suis très fière de toi tu sais ? 

- Mais oui mon ange ça va aller, nous penserons fort à toi ne t’en fais pas. Envoie-nous une missive quand tu peux et nous te répondrons à l’adresse que tu indiqueras d’accord ? La correspondance est longue mais ça ira. Tu dois le faire, ça assurera ton avenir et tu seras fière de toi, ce n’est qu’un mauvais moment à passer.

Des larmes déferlaient sur les joues de la jeune fille qui serrait ses parents un à un dans ses bras même si ces derniers retenaient leurs larmes, elle savait qu’une fois arrivé dans le bateau ils laisseraient libre cours à leurs états d’âmes.

- Je m’excuse de vous infliger cela, mais je serais vite de retour vous verrez !

L’ironie de la situation était le fait que malgré ses larmes, Rina avait un sourire éclatant. Elle était déterminée à faire sa quête même si s’éloigner autant l’effrayait plus que tout.

- Aller file.

Elle embrassa ses parents une dernière fois avant de se diriger vers Mino.

- Mino mon grand, tu promets d’être sage en m’attendant ? Tu es grand maintenant tu pourras te gérer tout seul.

- Ne t’en fais pas Rin’ ! Je vais travailler d’arrache-pied pour t’égaler ou même te dépasser, tu verras et pis je serais sage comme une image !

- Parfait chéri !

Le jeune homme serra fortement sa sœur dans ses bras mais il ne semblait pas inquiet dans la perspective de la revoir rapidement. Il savait qu’elle lui manquerait mais il était persuadé qu’elle reviendrait vite ou donnerait des nouvelles dès qu’elle pourrait, il ne se faisait aucun souci là-dessus.

- À ton tour toi !

- Ne fais pas style que ce sont des adieux petite sœur, je compte bien te revoir rapidement !

- Je n’en ai pas l’intention grand bêta !

- Allez viens là.

Tin avait ouvert ses bras et sa sœur s’y était réfugiée. Il tenait affectueusement sa petite protégée contre lui de sa main gauche, bon dieu que c’était douloureux de se séparer d’elle ! Il pleurerait ce soir mais pas devant elle, il ne voulait pas qu’elle ressente de la culpabilité à son départ.

- J’ai quelque chose pour toi.

- Qu’est-ce donc ?

Tout en se dégageant, il sortit quelque chose de derrière son dos, une cage toute dorée avec à l’intérieur un minuscule oiseau qui semblait se divertir sur la balancelle de son habitat.

- Mais que…

- Tu ne te souviens pas que je t’avais dit que je te passerais un oiseau qui te suivrait partout ?

- Bien sûr que si, mais quand est-ce que tu l’as acheté ?

- T’occupes pas, la personne qui me la léguer affirme qu’elle peut livrer des missives rapidement, elle est rapide et très docile.

- Elle a un petit nom ?

- Non pas encore, tu as une petite idée ?

- Oui, je veux l’appeler Zlune.

Tandis que la jeune fille avait les yeux rivés sur le petit volatile, Tin la regardait bizarrement.

- Tu… tu es sûre ? Ce n’est pas trop proche de Zluna ?

- Certaine ! L’une m’enchaine, l’autre me donnera la liberté.

La philosophie de sa sœur le fit doucement sourire et bien que la souveraine les avait pressés, il voulut prendre le temps de tout lui expliquer.

- C’est un aigle pomarin, c’est encore un bébé, il n’a même pas encore un an donc il fera une soixantaine de centimètre à l’âge adulte d’accord ? Il vit une bonne quinzaine d'années alors tu as le temps de faire un bon bout de chemin avec lui. Il mange de petits vertébrés et de petits mammifères comme les campagnols de ce fait tu peux acheter ça ou il peut se débrouiller tout seul il est habitué. La nouvelle propriétaire hochait la tête à chaque nouvelle explication tout en contemplant le petit rapace avec fascination.

- … Eh Rina, tu m’écoutes ?

- Hein ? Oh pardon Tin, tu disais ?

- Bien que répéter sa phrase l'ennuyait, il le devait bien pour qu’elle assimile tout.

- Il est encore très jeune, tu dois bien faire attention à lui, il sait voler d’un point à l’autre et se défendre mais quand même.

- Je te le promets, merci Tin, c’est beaucoup trop beau !

Le petit volatile faisait qu’une vingtaine de centimètres et son plumage était d’une couleur brun chocolat exquise.

- Tiens.

Rina agrippa l’anneau sur le sommet de la cage et la posa délicatement par terre pour enlacer son frère.

- Merci infiniment Tin, je prendrais soin de lui.

- J’espère bien ! Oh et Rin’ ?

- Oui ?

- Sache que je que je continuerai d’être près de toi, comme le mur que tu devras franchir (2), alors reviens nous.

- Promis.

En se détachant, il lui ébouriffa gentiment les cheveux. Après avoir récupéré son compagnon et fait un dernier baiser à chacun et une accolade pour ses parents, elle s’envola donc sur le pont du bateau qui allait lui faire découvrir bien des choses…

Rina courait à s’exploser les poumons le long du pont du bateau pour rejoindre la rambarde extérieure. Bien que la cage brinquebalait, le volatile ne semblait ne pas s’en soucier et au contraire, on aurait dit qu’il aimait bien toute cette agitation. Elle haussa les bras pour pouvoir mettre la cage sur la rambarde et pour se hisser à son tour pour saluer sa famille. Ses larmes ne coulaient plus, elle était à présent persuadée que son choix était le meilleur qu’elle ne pourra jamais faire, une seule occasion dans toute une vie. Elle savait qu’elles couleraient de nouveau quand la solitude aura pris possession de son esprit mais tout ira bien. Elle le savait.
Son bras faisait des allées et venues dans les airs et son sourire débordait de joie quand le bateau commença à s’activer.

- Je vous aime ! Prenez soin de vous, à très vite !

- On t’aime Rin, tu nous manques déjà, reviens nous vite !

Sa mère essayait en vain de cacher ses larmes, son père affichait un sourire plein de fierté qui voulait tout dire. Mino la saluait avec énergie tandis que Tin lui affichait un sourire franc empli de tristesse.

- Embrasse-les pour moi gros bêta ! Je t’envoie Zlune à la minute où j’arrive !

- Bien madame !

Rina éclata de rire en le voyant la saluer et lui faire une révérence comme son travail l’exigeait. Pendant de longues minutes qui filaient entre ses doigts, elle observait au large jusqu’à ne plus apercevoir leurs visages. Elle craignait de se faire envahir par un sentiment soudain de vide alors elle agrippa la cage avec force et regarda le petit oiseau.

- Maintenant c’est nous deux contre tout Zlune, il faut qu’on soit soudés à partir de maintenant.

Comme s’il la comprenait, l’oiseau gazouilla pour lui montrer qu’il était d’accord.

- Je vais demander où se trouve ma cabine et je te libère de ta cage dorée, tu es d’accord ?

Un énième gazouillis la décida et elle partit avec gaité à la découverte de cet immense navire qui allait pour les deux prochains mois devenir son lieu d’aventures.





(1) Citation de Marc Thiercelin.

(2) « Je continuerais d’être près de toi, comme le mur que tu devras franchir » Itachi Uchiwa à son frère Sasuke Uchiwa, Naruto Shippuden.

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