Une grande rencontre

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Deux jours plus tard, Rina se réveilla à l’aube, depuis la discussion dans le bureau elle avait du mal à s’endormir paisiblement pour de longues nuits, son esprit était sans cesse occupé par ce long voyage imminent qui n’avait pourtant rien de certain. A son réveil elle s’empressa d’aller à son bureau, elle voulait écrire à Tessa de la tournure des événements avant qu’il ne soit trop tard.

- Ma chère Tessa,
Comment te portes-tu ? J’espère que tes études se poursuivent à merveille et que ta famille se porte bien dans votre pays chaud.
Je t’avoue que je ne t’écris pas sans arrières pensées cette fois-ci, je souhaitais te faire part de deux projets que je vais peut-être réaliser très prochainement et je t’avoue que j’en ai l’estomac tout retourné rien que d’y penser, alors l’écrire !
Tout d’abord je voudrais te montrer des produits médicaux que j’ai confectionné et qui marchent sur mes frères. Il faudrait que tu les examines, voir s’ils pourraient fonctionner sur des Jiklo et si la commercialisation est possible et sans danger. Ma demande, j’en ai conscience, est assez bouffante mais vraiment ça serait parfait si tu pouvais me dire tout ça. Par la suite, j'ai une grande nouvelle à t’annoncer. Je me rend en Econne ! Et oui je vais rendre visite à ta sœur et par le même biais à mon aïeul. J’ai compris où elle était il y a peu et j’ai tout à coup compris le sens de certaines de tes lettres qui restaient assez floues pour moi.
Je m’en vais pour essayer de faire revenir ma famille de l’exil qui la morfond mais aussi pour voir si nous ne pourrions pas prendre ta sœur sous notre aile, si bien entendu ta famille et toi êtes d’accord. C’est un projet ahurissant je le sais, qui arrive comme un cheveu sur la soupe mais je ne sais pas, ça me donne enfin un véritable but tu comprends ? Contre toutes attentes Tin m’encourage vivement, tu sais très bien quel lien il entretient avec elle.
J’espère que tu pourras bientôt nous rendre visite, j’aimerais beaucoup te dire que je viendrais durant mon périple mais je ne sais si cela sera possible, au cas où je t’enverrais une missive le plus rapidement possible tu peux me croire.
Je t’envoie Puño pour la dernière fois pour un long moment, je trouverais un autre moyen de te contacter par la suite. Tin m’a dit qu’il me passerait un autre oiseau mais tu le remarquera par toi-même.
Penses bien que je t’embrasse avec toute ma plus grande et sincère affection,
Prends bien soin de toi.

Rina.

Elle plia la lettre et la prépara pour permettre à Puño de l’envoyer le plus rapidement possible. Quand elle eut fini de se préparer à l’étage, elle descendit à la hâte à cause de son ventre qui criait famine, mais à pas feutrés pour ne réveiller personne si tôt le matin. Elle fit rapidement irruption dans la cuisine du manoir qui semblait bien silencieuse. Son visage s’illumina davantage quand elle vit Tin accoudé au comptoir de la cuisine, cela faisait deux jours qu’elle ne l’avait pas vu. A peine avait-il quitté le bureau qu’il avait regagné sa chambre pour entreprendre les préparatifs du départ. Elle ne savait pourquoi mais tout le monde avait confiance en l’accord de l’impératrice et bien qu’elle en était heureuse ça l’intriguait beaucoup. Même si son frère ne le montrait pas, c’était quelque chose qu’il appréhendait plus qu’il n’y paraissait car tout n’était pas clair. Ce qui le rassurait quand il partait en mission par exemple c’est que la préparation était rigoureuse et cadrée et là tout est à la dernière minute. Pendant deux jours il avait fait des allers et retours entre le manoir et dieu sait où sans en dire un mot à sa famille.

- Bonjour Tin !

Elle s’était approchée mais trop doucement car quand elle embrassa la joue de son frère il sursauta en lui montrant des yeux ronds comme des soucoupes.

- Oh ! Bonjour Rin’, bien dormi ?

- Je ne voulais pas te faire peur. Pas assez comme ces deux derniers jours, et toi ?

- Pareillement, ces préparatifs me prennent toutes mes nuits.

- Pardonne-moi Tin je ne voulais pas que ça te prenne tant de temps. Tu ne veux pas que je m’en occupe ?

Rina paraissait sincèrement embêtée que son frère trime ainsi pour l’aider, surtout qu’à l’origine il était venu pour être en vacances. Mais il lui adressa un joli sourire en voyant la mine déconfite de sa sœur.

- Tu n’as rien à faire Rina, je m’occupe de tout, surtout que ça me tient à cœur. Tu n’as pas encore les contacts nécessaires pour cela. Si tu veux tu peux faire un petit quelque chose pour mon anniversaire si ça te fait plaisir.

- Mais… Tin, tu déteste qu’on fasse des préparatifs pour tes anniversaires depuis…

- Oui je sais, mais là ça sera peut-être le dernier que nous passerons ensemble, et je veux que tu t’en occupes.

- Je n’ai jamais dit que je vivrais là-bas éternellement, tu sais très bien qu’avec Zluna je suis obligé de vouloir revenir.

- Je sais bien, mais c’est loin tu ne pourras pas vraiment faire des allés et venus à ta guise donc c’est pour ça.

- Je m’en occupe.

Il la remercia d’un petit coup gentil dans l’épaule avant d’aller dans le salon pour se reposer un peu.

Peu de temps après, vers huit heures du matin, pendant que Rina était occupée à rechercher des recettes de gâteaux à propriétés magiques dans un grimoire en compagnie de Mino, Tin revint le sourire jusqu’aux oreilles mais en gigotant de nervosité.

- Que tu es pâle Tin, tu vas bien ?

La mine inquiète de sa sœur cadette eut un effet dérisoire sur la nervosité de son frère, ça l’a même amplifiée.

- Je ne sais pas si je vais bien mais j’ai une excellente nouvelle à t’annoncer !

- Qu’est-ce donc ?

Elle s’essuya les mains qu’elle venait de passer sous l’eau tandis que la voix tonnante de la mère de famille arriva du salon voisin.

- Même toi tu n’en reviendras pas maman !

- Raconte Tin ! Dis-nous !

Même Mino semblait pressé et il avait soif de curiosité, il sautait partout comme un chamois en quête de réponses.

- Je vous annonce que Rina est convié à une réunion avec l’impératrice en personne !

- Que… Quoi ?!

Rina en fut bouche bée, un entretien avec l’Impératrice ?

- Mais comment as-tu... ? Maman m’a dit qu’elle prenait très peu de demandes avec les querelles des pays voisins en ce moment. C’est un secrétaire qui s’en occupe selon les rumeurs.

- Je suis assez bien placé et j’ai assez de connaissances pour avoir réussi à avoir une réponse de sa propre main.

- Mais je croyais qu’il ne fallait pas être autant bien placé et avoir tant de relations pour pouvoir la joindre ? C’est ce que papa m’avait dit.

- D’ordinaire elle reçoit tout le monde mais étant donné qu’elle veut éviter que le pays traverse une forte crise politique, elle est obligée de restreindre les demandes à quelques rendez-vous et quelques visites écourtées pour la plupart. Même si elle tient à y aller elle-même parfois elle n’a pas le choix.

- Je vois oui.

La plus grande réputation de cette l’impératrice était son engagement auprès de son peuple, elle mettait toujours un point d’honneur à honorer ses rendez-vous et à écouter le moindre désagrément de chacun, dans la limite du raisonnable bien entendu. Mais elle essayait au possible d’être présente.
Jeanne Grintofk entra, curieuse d’en savoir plus. Elle s’installa sur une chaise de la cuisine prête à rétorquer au moindre détail suspect.

- Quand doit-elle s’y rendre ?

Sa voix était pleine de tonnerre, elle souhaitait, au fond, que sa fille ne parte pas. Elle avait peur ce qui était tout naturel mais bien entendu, sa fille qui était un électron libre n’en entendrait jamais ainsi. Au fond d’elle, bien qu’elle ne doutait aucunement des compétences de son fils aîné, elle avait espéré qu’il n’obtiendrait pas gain de cause auprès de l’impératrice et qu’il n’obtienne pas de rendez-vous en faveur de sa sœur cadette pour lui permettre de « peut-être » quitter le domicile familial et aussi, par conséquent, le l’empire. Tin observa sa mère avec prudence, il prit une inspiration peu confiante et observa sa réaction.

- Le plus rapidement possible, aujourd’hui serait l’idéal.

En voyant l’expression outrée de Jeanne, Tin leva la main pour qu’elle ne l’interrompt pas.

- On n’a pas le choix maman, l’impératrice m’a communiqué le fait qu’elle avait des rendez-vous par-dessus la tête et que si on voulait que Rina partes le plus rapidement possible on devait faire cela coûte que coûte. Elle a aussi évoqué le fait qu’au moins ça évitera qu’elle parte durant une guerre si ça venait à éclater. Il faudrait donc qu’elle vienne aujourd’hui en fin de soirée, vers neuf heures du soir.

- Tin ?

- Oui Rina ?

La voix de Rina n’était pas assurée, timide et légèrement tremblante, elle avait peur mais était excitée par cette nouvelle aventure même si pour l'instant tout elle n’y croyait pas encore. Dans quelques jours elle partirait peut-être pour des paysages inconnus.

- Peux-tu me donner la lettre s’il te plaît ? J’aimerais voir cela de mes propres yeux.

- Bien sûr, tiens.

Il lui tendit une enveloppe vide avec le reconnaissable sceau de cire royal ainsi que deux parchemins écrits de deux écritures et papiers différents. Intrigué Rina fronça les sourcils et son frère l’interrogea :

- Quelque chose ne va pas ?

- Je… je me demandais pourquoi il y avait deux lettres, de papiers et d’écritures qui ne sont pas similaires ?

- Ah oui j’ai oublié, l’impératrice m’a renvoyé ma propre lettre pour que je puisse montrer les deux à la sécurité du palais pour justifier ma présence avec la tienne.

- Tu viendras avec moi ?

Les yeux de Rina avaient une lueur d’espoir, elle ne se voyait aucunement entrer en contact avec la dirigeante, seule.

- Bien sûr, je ne te laisserais pas y aller seule, et l’Impératrice a aussi demandé à me voir.

- Pourquoi ?

- Je n’en ai aucune idée.

La jeune fille hocha la tête positivement et reprit les lettres correctement. Sous la discussion entre Mino et ses milles et une questions inquiète, Rina commença sa lecture par la lettre de Tin.

- Majesté,
Pardonnez-moi de vous importuner avec de telles demandes dans la crise politique que nous vivons alors que j’imagine bien que vous avez bien d’autres choses à traiter.
Je souhaitais vous écrire dans le but de vous transmettre une demande qui pourrait peut-être vous être favorable si je peux me le permettre.
Ma sœur cadette, Rina Grintofk, sujette au maléfice de Zluna étudié il y a un douzaine d’années maintenant, souhaite accomplir un acte qui pourrait être bon autant pour elle que pour le pays politiquement parlant.
Son projet serait de partir en Econne pour rendre tout d’abord visite à nos proches parents, la famille de Minas Tryni. Ce-dernier fut exilé il y a plusieurs années de cela pour avoir aidé des Jiklo durant le règne de votre père défunt il y a maintenant quinze ans. Nous savons que notre Roi était contre cet exil mais qu’il fut obligé de se plier à l’avis de son peuple contre son cœur.
Le sujet est que ma cadette souhaiterait le rencontrer pour connaître ses racines mais aussi aider une jeune amie, Lyria Mulligan, sœur de Tessa Matero, deux Jiklo. Je vais vous contextualiser pour que vous connaissiez l’importance de ce souhait.
Vous souvenez-vous de la bataille, il y a deux ans, où un jeune Jiklo, Mathias Thinken, tomba sous le coup d’un Ziny ? A ce moment-là ça avait fait un scandale dans tout le royaume. Sa fiancée avait dû partir pour sa propre protection et mon parent l’a recueillie pour la protéger, loin des éventuelles représailles qu’elle pourrait recevoir. Ce que je vous demande votre Majesté c’est de permettre à ma sœur de se rendre là-bas pour qu’elle puisse, comme je vous l’ai dit ci-dessus, rencontrer son parent, aider cette jeune femme à revenir ici en toute sécurité car de toute évidence elle n’est pas exilée. Je ne vous demanderai pas d’enlever l’exil de mes proches car je sais que je vous demande déjà beaucoup.
J’ai bien conscience que ce que je vous demande requiert du temps que vous n’avez sans doute pas mais puissiez-vous juste me répondre, que je puisse savoir que faire avant de repartir sous les commandements de mon supérieur ?
Je serais en mesure d’être disponible pour n’importe quel détail si besoin est.
Avec mon plus grand respect.

Tin Grintofk,
Soldat sous les ordres du Commandant Plyn.
7 décembre 1898

Rina regarda étonnée la lettre de Tin, elle comportait des données politiques, de moindre importance mais qui concernaient l’armée et habituellement il ne souhaitait pas qu’elle y touche.

- Pourquoi me l’a tu donné Tin, d’habitude tu ne veux pas que je touche à de tels documents ? Et… je me suis toujours demandé, tu ne voulais pas parce que je suis une femme ?

Tin la regarda comme si elle avait trois yeux avant d’éclater de rire.

- Mais que vas-tu imaginer comme sottises ? Peut-être que mes collègues réagissent ainsi mais ce n’est pas du tout ça voyons ! Tu étais juste trop jeune auparavant et vu que tu pars maintenant je te trouve assez mature pour que tu en discutes avec nous ! Tu vois bien qu’à Mino on ne lui raconte pas, surtout que ce n’est pas la voie qu’il a choisie.

- Eh mais je veux savoir moi aussi !

La voix de Mino fit rire les membres installés dans la pièce et Rina se remis à lire mais cette fois-ci, la lettre de l’impératrice. Contrairement à celle de son frère qui avait une écriture serrée, bien que merveilleusement bien écrite, l’écriture de l’Impératrice pouvait faire penser que la pointe de sa plume voletait au-dessus du morceau de papier tant les lettres étaient rondes et bien espacées et ce fut avec plaisir que la jeune femme se plongea dans la lecture de ce récit.

- Cher soldat Grintofk,
Je souhaite tout d’abord vous remercier pour la bienveillance que vous faites à mon propos et pour votre famille dans votre lettre.
Je souhaite par ailleurs, en premier lieu vous montrer ma gratitude pour la remise en contexte car je vous avoue que les évènements en cours, comme vous le savez, sont assez prenants et je n’aurais pu m’en souvenir seule. Sans m’exposer encore davantage je vais vous donner mon avis sur la demande que vous m’avez faite parvenir.
Je pense, en effet, que votre demande est tout à fait justifiée, vouloir connaître ses parents est une chose essentielle surtout connaissant la particularité de votre et notre sang. De plus, je souhaite notifier que le fait d’apporter cette aide à cette jeune fille, dont je me rappelle l’histoire tragique, est tout à fait admirable surtout si c’est pour partir à des milliers de kilomètres de son propre foyer.
Je pense qu’il est nécessaire de permettre aux jeunes gens du royaume et même de l’empire de s’épanouir autant que possible même si ce n’est plus du ressort de leur famille. Je pense en toute impunité vous donner ma bénédiction pour ce projet, pour les valeurs que je vous ai énoncées ci-dessus mais aussi pour un aspect, pardonnez-moi de cela, purement géopolitique.
Comprenez bien que ma priorité actuelle pour mon empire est sa paix. Je dois donc vous demander d’accepter le fait que votre jeune cadette devra accomplir des missions géopolitiques en échange de mon accord. Bien entendu, sans affolement, je souhaiterais vous rencontrer, vous et votre sœur pour vous énoncer clairement ce que j’attendrais de vous et vous énoncer les détails d’un accord qui devra être signé, voyez-le comme une sorte de traité. Je vous propose de nous retrouver le neuf décembre dans la grande salle du château à vingt et une heures précises. Vous n’aurez qu’à montrer votre lettre avec l’enveloppe cachetée au soldat à l’entrée du château pour qu’ils vous laissent entrer.
Mes plus amples salutations distinguées.

Impératrice d’Astril,
Lexan Yvans.
8 décembre 1898

Quand Rina eut réalisé ce qui allait se produire à la fin de la journée, elle avait commencé à paniquer et milles questions avaient envahi son crâne, comment devait-elle la saluer ? Comment devait-elle de vêtir ? Comment devait-elle se comporter ? Et une multitude encore ! Elle avait dû avoir les yeux dans le vague parce que Tin avait déposé ses grandes mains sur ses petites épaules et l’avait regardé d’un air compatissant.

- Arrête de paniquer Rin’ ça va bien se passer, tu sais elle n’est pas si sévère, comporte-toi comme tu le fais à ton habitude et tout se passera parfaitement bien d’accord ?

- Comment pourrais-je me vêtir ? Je ne sais pas ce que je dois porter dans ce genre de circonstances.

- Je ne saurais comment t’aider là-dessus.

Il avait ri à sa mauvaise blague et sans qu’ils ne s’en soient rendu compte Jeanne était sortie de la pièce et était revenue avec un lourd assemblage de tissus dans les bras.

- Tu avais prévu cet évènement maman ?

Un sourire émergea sur les lèvres de la jeune femme même Tin semblait être amusé de la situation.

- Apparemment Rin’.

- Au lieu de m’importuner vous deux, Tin vu que tu es grand vient donc tenir ça en hauteur… voilà c’est parfait !

Tin s’était approché et avait pris le tissu gris au niveau de l’emplacement des épaules et l’avait soulevé pour en démontrer tous les aspects.

- Essaie la Rina.

- Maintenant ?

- Oui si jamais on doit faire des retouches c’est maintenant ou jamais.

- D’accord j’arrive.

Rina prit délicatement la robe et s’en alla dans la salle de bain pour pouvoir se changer. Elle se dévêtit et passa le fin tissu sur sa peau nue. La pellicule de broderie était douce sur sa peau, la robe était d’une agréable fluidité. Elle lui arrivait pile sur les chevilles, elle possédait un léger décolleté carré, c’était très joli. De plus, elle possédait des manches fluides qui arrivaient aux poignets, légèrement évasés. Comme dernière touche de féminité, la robe possédait une ceinture pour cintrer le tout, brodée de dentelle et de touches brillantes. La robe était fluide mais légèrement bombée, ce qui lui donnait un aspect plus sérieux.
Rina ne connaissait rien à la mode de son monde, elle avait de trop grandes préoccupations pour s’occuper de cela. Elle ne trouvait pas que ce sujet était idiot, loin de là, mais elle estimait juste que ce n’était pas sa place, ce monde empli de paillette. Elle se regarda dans le miroir et passa doucement la main devant son doux visage, rapidement des éclats fins de poudre se déposèrent sur ses tâches de rousseurs, une légère touche de noir illumina ses yeux bleus et pour peaufiner le tout, une légère touche de rouge souligna ses lèvres.
Ce maquillage simple soulignait ses traits et illuminait son visage. Elle aimait rajouter cet aspect artificiel, s’assurer que son aspect serait toujours parfait quand elle côtoyait un public inhabituel, ce qui était, bien entendu, que très rare. Avant de sortir de la salle de bain, elle se regarda une dernière fois dans le miroir et respira un grand coup. C’était le moment d’y aller.

Rina et Tin était dans le fiacre pour le château, sa famille n’avait cessé de la couvrir d’éloges pour son teint radieux et la beauté de la robe sur elle. Tin n’en finissait plus de la complimenter mais plus ils approchaient du château et plus il se faisait silencieux.
Brusquement, alors qu’ils étaient en pleine réflexion, un coup sourd se fit entendre, suivi de plusieurs qui tombaient comme d’une pluie sur l’habitacle.

- Que se passe-t-il Tin ?

Rina essayait de se faire entendre même si elle était apeurée. Elle essayait de comprendre même si au fond d’elle, elle savait de quoi il s’agissait surtout en voyant le regard de son frère devenir plus sombre, lui aussi avait compris.

- Apparemment nous n’avons pas été assez discret en entrant dans le fiacre, les villageois ont dû nous voir et ils se sont armés de leurs plus beaux cailloux aujourd’hui !

La pluie de roches semblait diminuer, ils devaient approcher de la cour royale. Ça faisait un moment que Rina n’avait pas eu à affronter la colère des villageois, ça faisait aussi un moment qu’elle n’était pas sortie du domaine. Elle arrivait même à se demander comment les villageois l'avaient reconnue si on ne mentionnait pas de l’habitation d’où elle sortait. Elle aurait pu être n’importe qui, même si elle concevait le fait que peu de gens leur rendait visite.

- Aller t’en fais pas va ! Tout va bientôt se terminer tu verras.

Tin lui offrit un sourire réconfortant, et elle arriva, elle aussi, à sourire malgré l’angoisse qui lui serrait l’estomac. Le véhicule s’arrêta, et la porte fut ouverte par un domestique très élégant qui devait avoir la quarantaine bien passée. Ses cheveux étaient blanc comme la neige et ses yeux y ressemblaient presque, ils étaient d’un gris cassé presque blanc et il faisait peut-être seulement un petit mètre soixante. Il ressemblait presque à un vieillard tant son air était dur et ses traces de vieillesse d’autant plus visible sur son visage, mais malgré tout il se tenait très droit.

Tout de suite, sous les recommandations de l’impératrice, Tin tendit la lettre pour prouver leurs identités. Il desserra enfin les dents quand les deux compagnons furent à terre.

- Sa majesté vous attend, je vous prie de me suivre.

En leur redonnant la lettre sur un ton qui n’appelait aucune réplique, tous deux se mirent à suivre l’homme qui avait un regard critique et presque méchant sur la jeune femme. Elle se mit à paniquer en pensant qu’il savait qui elle était, après tout l’impératrice était une Sokl, et elle ne savait pas si c’était pour ses pouvoirs ou pour son secret qu’il la regardait ainsi. Elle soupira de soulagement en sentant la main rassurante de Tin au creux de son dos et son chuchotement non loin de son oreille.

- Cesse de t’inquiéter et profite du moment, ça n’arrivera qu’une seule fois dans ta vie.

Enfin elle leva les yeux sur le décor autour d’elle, c’était le décor d’un château digne d’un de ses romans. Une grande allée était érigée du portail, qui lui-même était sculpté de façon que l’on distingue des roserais dans le métal précieux. L’allée était bordée d’une épaisse forêt qui menait elle aussi jusqu’au château mais elle se rendit rapidement compte que la forêt était de part et d’autre d’une longue et large douve qui faisait tout le tour du château et il n’y avait que ce chemin pour se rendre à l’édifice.

Au fur et à mesure de leurs pas, Rina commença à apercevoir l’édifice royal, elle faillit se démettre le cou à trop lever la tête pour apercevoir le haut des tours datant d’une époque ancienne.
Le château qui se trouvait devant elle, était la représentation même de la puissance du royaume, il était effarant tant il était grand. Sans s’en rendre compte ils étaient déjà devant la grande porte, un énorme panneau de bois massif les séparait du courant de l’eau. La douve séparait la fin du chemin d’un pont levis qui était d’une taille gigantesque et ce ne fut qu’à l’approche du domestique on entendit un soldat crier.

- Ouvrez ! Justin est là !

Quand Rina l’entendit elle leva la tête et le vit sur le haut de la muraille, interpellant sans doute, ses collègues postés plus bas, elle nota mentalement le nom de ce domestique irritable.

Quelques secondes plus tard, un bruit mécanique se fit entendre et le pont s’abaissa. Le tout se fit dans un grincement pour faire découvrir une grille protectrice en métal forgée constituée pour empêcher les ennemis de rentrer si toutefois le pont avait cédé. Derrière celle-ci, une magnifique porte en chêne massif, ornée de motifs qui était scrupuleusement taillée en forme de fleur de lotus. Cette fleur était le symbole du royaume d’Omnège. Des gardes ouvrirent la porte dans un silence presque religieux et saluèrent le prénommé Justin d’un petit signe de tête, ce dernier ne décrocha toujours aucuns mots par ailleurs.
La jeune fille commença à se trouver lasse jusqu’à ce que ses pieds passent d’un sol rocailleux à un sol carrelé qui firent claquer ses talons. Rina n’avait jamais eu l’envie de se placer en haut de la hiérarchie sociale, son statut qui est peut-être médiocre pour beaucoup lui suffisait amplement. De plus elle ne s’était jamais vraiment trouvée coquette ou tout simplement d’une beauté sans pareil, bien sûr elle se savait jolie mais ne se vantait jamais de cela, son aspect humble fut l’une des nombreuses raisons pour lesquelles elle n’avait pu se lier d’amitié avec les enfants du village qui venaient parfois de familles plus aisée que la sienne. En plus de toujours vouloir paraître discrète et de ne jamais se vanter, elle était la seule qui ne voulait porter ces lourdes robes qu’on imposait aux petites filles, ses parents voulaient qu’elle les portent pour qu’enfin on l’accepte mais elle ne l’entendait pas de cette oreille.

Plus jeune elle courait se vêtir d’un pantalon dès qu’elle pouvait pour pouvoir jouer librement, quand elle revenait, les regards se tournaient sur elle et les moqueries fusaient. Au début ils avaient pu aller à l’école sans qu’on connaisse leur particularité mais rapidement Tin en eu assez et ils finirent donc leur scolarité dans le manoir pour qu’ils soient tous les trois en sécurité. Même si en soit pour les deux garçonnets de la fratrie, ça « allait ».
A présent Rina pouvait vagabonder comme bon lui semblait avec des vêtements de « petit garçon » mais parfois ça lui plaisait de rester en robe traditionnelle notamment quand ses parents lui rendaient visite ou quand elle avait des évènements importants qui imposait une certaine tenue.

En attendant d’être reçus par l’impératrice, les deux enfants se regardèrent intimidés. La pièce d’entrée était presque aussi impressionnante que le devant du château. Elle était composée d’une grande passerelle de carrelage couleur bois attenant à plusieurs autres pièces qui semblaient être, elles, composées d’une lourde et douce moquette bordeaux. Pleine de curiosité Rina observait tous les détails de la pièce même si son frère s’efforçait de lui lancer des regards noirs pour l’empêcher d’être trop curieuse, ça pourrait ruiner leurs plans.

Il y avait, au-dessus d’une magnifique cheminée, deux tableaux qui y étaient accrochés. Tous deux représentaient un femme et son mari. L’impératrice possédait sur le sien une longue chevelure brune et ondulée qui lui tombait sur l’épaule gauche. Elle était par ailleurs emplie de fleurs de lotus qui lui donnaient une beauté exceptionnelle. Ses yeux étaient d’un vert perçant comme lui avait décrit son père et elle avait entre ses deux sourcils une étoile cardinale. Ce signe représentait différentes choses, c’était à la fois la route à suivre pour retrouver les personnes chères à notre cœur et le chemin de notre Destin.

C'était le second symbole du royaume.

Son mari quant à lui avait une prestance effrayante sur le sien. Alors que l’impératrice semblait montrer de la douceur, elle semblait montrer de la froideur. Il avait une chevelure noire tout comme ses yeux qui ne reflétait que de la dureté, il semblait très grand mais très pâle aussi. Nous avions là le jour et la nuit, le soleil et l’orage.

Pendant que la jeune femme admirait les moulures et la cheminé qui réchauffait l’entrée, elle senti le coude de son frère qui s’enfonçait dans ses côtes encore endolories. Elle poussa un léger gémissement de douleur et regarda son frère d’un œil mauvais, bien entendu c’est avant qu’elle ne s’aperçoive qu’il affichait une posture militaire parfaite en regardant un point fixe contre le mur. Interloquée, elle suivit son regard fixe et vit que l’impératrice elle-même descendait de l’escalier, juste en face d’eux.

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