Cold Night

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Il fait froid, dehors. Encore. A croire que toutes ces choses qui se passent font partie de l’hiver. Il fait nuit aussi. Noire, sans lune. Seuls les spots extérieurs éclairent faiblement la devanture du café dans lequel je travaille. Je regarde l’intérieur, imaginant ta silhouette accoudée au manche-debout, près de l’entrée. C’est presque une habitude que mes souvenirs me frappent, lorsque le silence est de mise. Fatiguée, je mets faiblement mes écouteurs dans mes oreilles et ouvre l’application. Les musiques qui s’enchaînent n’ont rien de joyeuses, mais elles m’aident à m’évader le temps d’un instant.

Alors que j’empile les chaises de la terrasse et que je récupère les clefs sur le comptoir, je regarde celle qui est un peu tordue, la nostalgie enveloppant mon esprit. Je me souviens alors de ton rire et de mon air désespéré lorsque tu l’avais coincée dans la porte. Je peine à retrouver le son de ta voix, mais ton visage est toujours aussi intact dans ma mémoire, si bien que je te vois à chaque endroit où je regarde.

C’est une autre journée qui se termine dans la brise de Janvier, je marche sous les lampadaires de la rue, laissant derrière moi la torture qu’est de travailler ici sans toi. Enfin, lorsque je rentre, je m’active à autre chose. Je l’embrasse, lui, sans que tu n’interviennes dans mes pensées. Mais ce n’est que de courte durée. Le lendemain, je reviens, et tout recommence sans cesse. C’est comme ça depuis tellement longtemps que je ne me souviens pas à quel instant tout cela a commencé.

Les semaines s’enchaînent, les belles journées reviennent, mais la nuit tombe toujours aussi tôt. Un soir, alors que le dernier de mes clients s’éloigne, un soupire s’échappe de mes lèvres. Rien n’a changé dans ma tête, mais mon cœur se serre. Sur le parking, garé, j’aperçois cette voiture qui m’est si familière. Durant un instant, le doute s’immisce. J’ai espéré tant de fois que tu sois là, à cet instant, que je peine à croire que ce soit vraiment réel. Par réflexe, je lis la plaque d’immatriculation. A peine j’aperçois les premières lettres que je me paralyse.

Tu es là. Après quatre mois d’absence, de silence et d’abandon, tu es là. Dehors, rien ne bouge, pas même les feuilles sur les arbres. Le vent s’est arrêté de souffler et moi je n’ose esquisser le moindre mouvement. J’ai envie de crier, de te hurler de partir, de te supplier de ne pas tout gâcher. A la place, je te regarde descendre puis refermer la portière de ta voiture dans un bruit sec qui fait écho dans le néant.

Tu n’as pas changé. Pas d’un poil. Dans ton pull gris à la marque apparente, tu t’approches les cheveux en bataille. Il te manque ce sourire qui t’es caractéristique, mais je ne pouvais me tromper.

Pour calmer mon cœur affolé et mes nerfs à vifs, je craque une cigarette. J’essaie de me donner l’air nonchalant, ça n’a pas beaucoup de succès. Tu n’as toujours rien dit. A la place, tu imites mon geste, soufflant la fumée de tes lèvres fines. J’ai envie de me jeter contre toi et de te frapper toute ma haine mais je n’ose toujours rien faire.

Alors, c’est toi qui brises en premier ce silence pensant. T’as voix me noue l’estomac, tous les souvenirs viennent se heurter dans mon crâne. Je me mords la lèvre pour éviter de pleurer. Qu’ai-je fait pour mériter ça ?

Le monde bascule. Je me dis que je pourrais mourir demain, que je pourrais ne plus jamais te revoir. Je sais que, si je me tais ce soir, je me tairais à jamais. Alors, dans un élan de colère et de tristesse, je lâche ce qui a enchaîné mon cœur tous ces mois durant.

Rien ne fait exception. Il fait nuit, il fait froid, et je suis là à débiter un flot de parole interminable. Je te demande pourquoi tu n’as rien dit, pourquoi tu es partit, pourquoi tu n’as jamais pris le temps de m’expliquer. Je te dis que je te hais, que j’avais juste besoin de réponse, qu’il te suffisait de ne pas être lâche et de te confronter à la vérité. Mais je te connais, si bien. Tu restes ici, à m’écouter me briser sans esquisser un mouvement quelconque.

Je ne sais ce que j’aurais voulu que tu me dises. Peut-être espérais-je que tu me prennes dans tes bras et que tu me dises que ça allait. Que t’allais réparer tes erreurs, que t’avais changé. Quelle idiote. J’ai regardé le ciel étoilé un instant, et j’ai serré les poings. J’avais attendu ce moment tellement longtemps que plus rien n’avait d’importance.

J’ai peut-être oublié de te dire que tu me manquais. Mais c’était vrai. Je passais tellement de temps ici à regarder si j’allais t’apercevoir au travers de ces vitres épaisses. Tu n’es jamais venu, jusqu’à ce soir. Dans l’air glacial de ce début d’année, je prends mes affaires et je te laisse ici, devant cet endroit où tout a commencé.

L’espace de quelques minutes, je me souviens de nos débuts. Lorsque j’étais cette gamine effrayée par le monde, par les autres. Lorsque tu es venu, tes airs de je-sais-tout et que tu m’as regardé avec tellement d’intensité que je ne savais plus comment faire des cafés. Tu m’as appris à me trouver jolie, à tes dépends. Je l’étais, à travers toi.

Et tu es partit. Après ça, je n’ai plus su si j’étais à la hauteur de qui que ce soit. Je ne suis plus arrivée à me regarder dans un miroir. Plus personne ne savait comment me faire vivre et je me disais que rien n’y arriverait jamais.

Je marche dans la rue. Les voitures me dépassent dans un vacarme désagréable. Je me dis que si je dois avancer sans toi, je voulais que ce soit moi qui le décide. Je voulais gagner.

J’aurais du me contenter de t’avoir eu la première fois.

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