junkie

de Image de profil de kuate laurakuate laura

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Vendredi soir, c’est le week-end, depuis des mois avec ce nouveau boulot, je n’ai pas une minute à moi. Ce sera mon premier week-end de libre, j’ai beaucoup de choses à rattraper. Je vais finir tout le boulot que j’ai en retard. Mais cela fait longtemps que je ne suis pas sortie. Je sais, c’est dangereux pour moi d’aller à des fêtes, mais je ne vais pas rester enfermer toute ma vie. Il y aura toujours quelques jeunes qui veulent découvrir de nouvelles choses, avoir des sensations fortes, s’ils savaient que cette merde leur gâchera la vie, mais bon, je suis forte. Je veux juste m’amuser un peu, je suis si fatiguée, chaque jour le travail, la pression, je veux juste un peu de distraction cela n’est pas criminelle un peu de distraction ? Cette vie austère que je mène me pèse.

Einstein a dit que la bêtise, c’est de refaire les mêmes choses et s’attendre à des résultats différents. Il avait raison le vieux, mais « si je savais » viens toujours trop tard. Est-ce que je regrette vraiment ? Je ne sais pas, je connais les risques pourtant une part de moi veut revivre cette sensation même si je sais que ces quelques heures de bonheur illusoire seront suivies par des jours et des jours de descente aux enfers.

Je ne veux plus replonger pourtant, je suis là fixant de mes yeux globuleux cette fille trop bourrée pour suivre une ligne droite qui aspire avec hésitation un petit billon qui n’a de pur que sa couleur blanche. Elle en met partout, on voit que c’est sa première fois, elle y reviendra. Ses « amies » la félicitent, quelle ironie le désordre est collectif, mais l’échec est individuel. La jeune fille et ses amies sont parties et me voici assise en face de cette table pleine de bouteilles à moitié vides, une nappe de bière ou du whisky je n’en sais rien, s’écoule d’un coin de la table et se repend au sol. Ce sol avec une lourde moquette qui étouffe mes pas, je pourrai approcher et aspirer le reste de poudre sur la table personne ne me verra, personne ne m’entendra. Juste cette fois, après je ne le ferai plus. Je veux juste me détendre, juste arrêter la pression, juste cette fois ? Je ne veux pas revenir à cette vie, je suis consciente de ce que cela à coûter de me sortir de là. Je veux juste fuir la réalité pendant quelques moments, juste plonger ma tête dans le sable et oublier le monde, le boulot, les responsabilités, juste une seconde. Je me lève et me voici comme un porc à genoux en train de lécher une table sale dans une boîte sordide. Je ne pense pas à l’image que je renvoie. Je sors la langue et je lèche la table, rien ne doit se perdre, il y en a sur le sol aussi, je descends et je léché la moquette. Je veux juste retrouver cette sensation encore pendant quelque temps. J’ai décroché ! Ceci ne fait pas de moi une junkie. J’ai abandonné tout cela, je veux juste planer, oublier. Je ne saurai pas le décrire, c’est un mélange entre l’orgasme et un saut à l’élastique, c’est un feu d’artifice. Je suis au sol, adossée à cette table les cheveux mouillés par la bière : le bonheur. Plus rien ne compte la maladie de ma sœur, le soutien que je dois lui témoigner, le travail à rendre lundi, le séminaire à préparer plus rien n’a d’importance. Puis je souris, quand j’ouvre les yeux, j’ai le regard de mon père devant moi.

Je ne saurai décrire son expression, mais je pencherais plus pour de la douleur, l’image que je renvoie ne doit pas être des plus reluisantes. À l’instant, je ne ressens rien, je le regarde, je vois sa peine, la douleur de perdre un autre enfant ? Mon frère a été tué pour me sortir de ce monde. Il est mort pour que je sois sauvée, il n’a pas reçu une balle non, ils l’ont frappé, cloués à cette croix infâme. Son agonie a duré des heures, mais il l’a fait pour que je sois libre et je jette tout cela à la poubelle pour une merde blanche en poudre restée sur une table de fêtes. Tout son amour aux chiottes, pour quelques heures d’oubli, mais on ne peut pas fuir sa vie, malheureusement.


Quand l’effet de la coke sera fini, j’aurai toujours une sœur malade, un séminaire à préparer et un travail à rendre lundi. J’ai juste perdu du temps et brisé le cœur de mon père encore une fois. Je sais qu’il n’est pas là, mais son regard ne me quitte pas, ses yeux remplis de larmes, je les connais, car ce n’est pas ma première immersion depuis la désintox, parfois je me dis qu’un jour, il va se fatiguer et ce sera trop tard pour moi.

Au final, la mort de mon frère, le prix payé pour cette désintox, ma nouvelle vie, rien n’a d’importance si je ne fais pas ma part du boulot : résister à l’appel de la drogue. Elle est toujours là, mais je suis affranchie et à un grand prix. De ce fait, je dois résister, chaque jour, à chaque instant. Mon père me regarde et le sang de mon frère me rend capable de vivre sans chaînes et de dire NON au mal qui me ronge, au péché. C’est une drogue qui te rend esclave.


                                  kuate laura 

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JunkieChapitre3 messages | 4 ans

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