XXX

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Le temps a passé, Noël s’est rapproché.

Le lendemain de notre édifiante conversation sur la Légion et ses traditions, Kris, Tito et moi sommes allés poser nos sentinelles électroniques. C’était un des trois paquets de Lin.

Ça ne remplace pas les sentinelles humaines, ni le nez des chiens, mais ça aide. Et ça nous permettrait, le soir de Noël, de tous nous rassembler au mess pour faire la fête tous ensemble. On prenait un risque calculé mais contrôlé grâce aux sentinelles électroniques.

Pendant que j’étais dans les choux, les gars avaient fini le fossé d’Erk. Il avait la même profondeur partout et surtout, il était infranchissable sans notre aide. Bon, un mec à cheval ou à moto un peu taré pouvait espérer le franchir. Mais la réception était mauvaise. Je m’explique.

Les gars avaient posé un pont tournant : deux grandes traverses de métal renforcées, assez écartées pour la Land ou un camion léger. Les traverses pivotaient autour d’un axe déporté, planté dans un truc en béton et sur roulement à billes. Il fallait deux hommes pour tendre le câble qui soulevait l’autre bout et faire pivoter le merdier pour franchir le fossé. On relâchait le câble pour ne pas gêner le véhicule, et on recommençait la manœuvre dans l’autre sens pour ranger. Bon, pour les motos on n’en ouvrait qu’un, hein ?

Aucun cheval digne de ce nom n’accepterait jamais de franchir ces traverses qui ondulaient ou résonnaient sous leur poids.

Quand je disais que la réception était mauvaise, le terrain de notre côté du fossé était creusé de petits trous étroits et profonds, véritables casse-pattes pour chevaux, d’où émergeait un pieu métallique dont la pointe, parfaitement polie et à facettes, brillait au soleil. Ces pointes étaient mortelles pour les pneus des motos ou des voitures. Sur cinq mètres tout le long du fossé.

Bien sûr, il y avait un chemin sûr. Mais surtout, nous avions des pneus pleins en silicone, increvables – indispensables aussi loin de tout –.

Si ça ne suffisait pas, le deuxième fossé – franchissable par un vrai pont-levis, toujours les mêmes traverses métalliques – était précédé d’un genre de mur de remblais – c’était la terre qui était dans le fossé avant qu’on le creuse, si vous voyez ce que je veux dire – qui empêchait quiconque de prendre de l’élan pour franchir le trou, même à moto : la pente du mur était trop forte (70% !). Ou alors, si le mec arrivait à cheval ou à moto en haut du mur, il avait perdu son élan et finissait au fond du fossé, empalé sur les piques métalliques qu’on y avait planté au tout début.

Si ça ne suffisait toujours pas, il y avait la barbacane et le troisième fossé, à 10 m des murs du caravansérail. Et à portée de nos flingues, mortiers et autres, tout en nous gardant à l’abri.

Quand Erk s’était fait chopé par les FER, il avait franchi « son » fossé par le pont de terre qui existait encore à l’époque, se plaçant finalement entre les mains de ses ravisseurs.

Nos sentinelles, au nombre de huit par quart, avaient des portions du pourtour du terrain qui commençait de notre côté du fossé d’Erk et finissait aux falaises tout au sud du promontoire, au-dessus du village. Elles marchaient d’un bout à l’autre de leur section, sans attendre de rencontrer leur pote, puisque elles étaient suivies par la puce GPS de leurs ceintures.

Tous les jours, les points de départ des sections changeaient, histoire d’être imprévisibles. Lin et le Gros programmaient ça le matin même. On avait peint des numéros sur des cailloux et on commençait donc la section au numéro indiqué.

Ce que Tito, Kris et moi avons posé ce matin-là ressemblaient à des piquets de tente de 10cm de long. Chaque piquet fut planté un peu à l’extérieur du périmètre des piétons, à 5 m les uns des autres.

Bien sûr, c’était pas des piquets de tente. C’était des trucs qui coûtaient une blinde parce que leur technologie était secrète et leur électronique surprotégée. On pouvait les griller avec un flash EMP, mais c’est pas discret ça et dans ce cas-là, le piquet sifflait : une capsule d’air sous pression maintenue fermée par le programme s’ouvrait par la « mort » de l’électronique du piquet et un jet jaillissait d’une petite ouverture avec une anche, comme les flûtes, produisant le sifflet.

Ces piquets se parlaient en permanence, sur ondes radio très courtes, mais que ce pauvre P’tite Tête pouvait parfois capter. Il ne serait plus jamais sentinelle, lui.

Le piquet B envoyait un petit signal aux piquets A à sa droite et C à sa gauche, par exemple, et les piquets répondaient en lui renvoyant son signal plus un petit quelque chose. Qu’il renvoyait à son tour. Au bout d’une douzaine d’échanges, il changeait de signal et rebelotte. Tout ça à toute vitesse. Et bien sûr, chaque piquet était à tour de rôle B, A ou C.

Il suffisait que le signal soit interrompu par le passage d’une jambe ou d’une botte et les piquets augmentaient leur signal pour parler à tous les piquets en même temps. Si le passage était confirmé, on recevait une alerte. Tout ça, encore une fois, à une vitesse folle.

La seule bestiole capable de se trouver dans le périmètre sans déclencher les piquets était un oiseau, et les piquets ne détectaient que les choses qui passaient entre deux d’entre eux, donc on n’a jamais été réveillé en pleine nuit parce qu’une chouette venait de choper un mulot. Encore qu’avec nos deux chiens, les mulots avaient un peu disparu du coin. Enfin, je dis mulot, mais c’était des rongeurs locaux. Donc un rat ? un campagnol ? J’y connais rien, moi.


* *


Je me suis réveillé ce matin avec une impression étrange. J’étais dans mon pieu, dans notre grande chambre de sous-offs, et les autres dormaient encore. Lin nous avait tous rapatriés parce qu’aujourd’hui, c’est le 24 décembre.

J’ai regardé ma montre, il était très tôt. Genre 4h du mat’.

Pas la peine de se rendormir, le temps que j’arrive à fermer les yeux, il serait l’heure de se lever. Et puis, si je me levais maintenant, j’aurai la douche pour moi tout seul et je pourrais tenir compagnie à Cook et ses aides, sûrement déjà debout pour le pain…

J’ai pris mes affaires et, en boxer et tee-shirt, Behemoth en main, pieds nus dans mes bottes, je suis sorti vers les douches. La lune était encore sortie, presque pleine, il faisait super clair. Et ça caillait, ce matin, putain !

J’ai eu l’impression que le monde était en attente. Impossible de savoir de quoi, mais on aurait dit que le temps était suspendu.

J’ai haussé les épaules et je suis allé me laver, peinard tout seul. Heureusement, si on doit économiser l’électricité, y a un truc dont Lin ne nous privera jamais, c’est l’eau chaude. Ya un circuit normal, par la chaudière à gasoil, et y a quelques tuyaux qui passent par la cuisine et donnent une eau tiédasse, suffisante pour se raser mais un peu juste pour une douche. Ces tuyaux servent à refroidir les meubles des fours et absorbent l’excès de chaleur des frigos et chambre froide. Du coup, ils arrivent tièdes dans les douches, qui sont juste à côté.

Une fois propre et réchauffé, je me suis rasé de près et j’ai filé au mess. Après un café et une pomme parce que les petits pains du p’tit déj n’étaient pas cuits, je me suis chargé d’une autre mug de kawa et je suis allé voir JD, de garde à la barbacane.

Il a apprécié le jus bien chaud. Cook a beau être américain, son café est toujours top. Il y a le café allongé du matin, qu’on prend en grandes mugs ou dans des bols, doux comme un moka, et un p’tit jus bien serré, un peu plus âpre mais gouleyant. Et depuis que Lin est là et se fournit en café en Italie, c’est encore meilleur.

Et d’un seul coup, alors que j’étais debout à côté de JD, en train de siroter ma deuxième tasse de café, j’ai compris ce qui m’avait donné l’impression que le monde était en attente.

Il neigeait.

Des flocons d’une belle taille, qui tombaient régulièrement et étouffaient tout bruit.

Un Noël blanc. J’y croyais pas.

J’ai regardé JD, il a souri.

- Ouais. La dernière fois qu’on a eu de la neige à Noël, c’était avant ton arrivée, l’Archer. Ça fait quoi, cinq ans, maintenant ?

- Six, si je me trompe pas.

- Hmm. Ça tiendra pas. Ça tient jamais longtemps, à cette altitude.

Ça a tenu. Parce que le lendemain… Ah zut, je vais trop vite.

J’ai surtout pensé aux sentinelles et je suis retourné au mess demander à Cook un thermos de café et des tasses en polymère.

Et j’ai fait ma tournée des sentinelles, leur offrant à tous une tasse de café chaud et un sourire. J’ai vu Bloody Mary, qui râlait un peu parce que Mac était bien au chaud et pas elle, mais qui a souri quand elle a vu que Yaka m’avait suivi.

Yaka et moi avons continué notre tournée. Je me suis fait des petites frayeurs, par moment, me souvenant des mésaventures du Viking, commencées lors d’une tournée, justement. Mais je n’avais vexé – ou séduit – personne, moi, et j’ai fini tranquillement, rapportant le thermos vide et les tasses sales au mess pour les laver.

Du coup, j’ai pu petit-déjeuner avec Cook et les demoiselles, et c’était bien sympa de s’enfiler un petit pain tellement chaud que le beurre fondait immédiatement. Du beurre salé, hein ? Je suis breton, quand même !

Le prix à payer, c’est que je me suis retrouvé à servir le petit déj aux autres, puis embauché en cuisine pour aider à préparer le dîner de ce soir. Mais ce qui était sympa, c’est qu’on a goûté avant les autres et… mmh, je vous en parlerai plus tard.

Toute la Compagnie savait que, cette année, le 24 décembre serait différent. Donc, toute la journée, toute la Compagnie attendait que Lin donne le signal des festivités. Et comme toujours dans ces cas-là, l’attente devenait insupportable plus le temps passait.

Vers 19h, Lin est sortie du mess où elle complotait avec Cook et les lieutenants. On avait été éjectés du mess, interdits d’entrer et on piaffait comme des gamins.

On avait fini par tous se rassembler dans la cour, autour du mât et, pour tuer le temps, on avait lancé une compétition d’ahemvé, juste pour le fun : je m’étais mis au centre de l’arène et j’avais titillé les autres jusqu’à ce que l’un d’eux me défie pour prendre ma place. Pour gagner, il fallait immobiliser l’autre pendant dix secondes. Pas facile, je vous assure.

J’en ai immobilisé un certain nombre puis mon p’tit pote Tito s’est présenté et… il m’a eu. Il m’a sauté sur le dos et ses 60 kg ne m’ont pas fait grand-chose. Jusqu’à ce que, faisant pression à l’arrière de mon genou, m’étranglant aussi un peu, il me fasse lentement plier, tomber au sol où il en a profité pour me retourner sur le dos – sur lui, donc – bloquant mes jambes avec les siennes et m’obligeant à utiliser mes bras pour essayer de desserrer sa prise pour pouvoir respirer.

Petit, souple, pas très lourd et létal. C’est Tito. Comme je le disais, y a que le Doc qui est plus petite que lui.

Tito a tenu le titre un certain temps. Dio, le plus grand de nous après Erk – enfin, il est à peine plus grand que Kris –, s’est présenté et a… on peut pas dire qu’il ait triché, y a pas vraiment de règles à l’ahemvé. En tout cas, il a chopé Tito par son pull et l’a soulevé de terre, s’attendant à pouvoir le plaquer au sol et l’immobiliser. Le p’tit gars s’est accroché au poignet du caporal, a lancé ses jambes en l’air pour les enrouler autour du cou de Dio, lâcher son poignet et se laisser tomber vers le sol, en laissant son pull dans le poing du grand type. Déséquilibré, Dio est parti tête la première, concentré sur sa réception pour pas s’éclater la tronche au sol, et Tito s’est retrouvé sous le caporal, la tête entre ses genoux et ses précieuses à portée de main. Y a pas de règle, dans l’ahemvé. Dio y tenait, à ses bijoux de famille. Il a cédé.

C’est Mac qui a eu Tito. Il a pas réussi à la mettre à terre mais elle l’a chopé et immobilisé. Elle a dû y mettre du sien, mais bon… elle l’a eu.

Elle est restée invaincue, ensuite. Si Erk avait participé, c’est sans doute lui qui serait resté invaincu… En rigolant, on s’est tous précipités sur elle et c’est comme ça qu’on a réussi à l’avoir. Par le nombre.

On était en train de se démêler, riant aux éclats, quand on a entendu de lents applaudissements. Lin, qui s’était postée à l’entrée du mess, un petit sourire sur sa belle bouche (je sais, je suis biaisé), nous applaudissait.

- Bravo ! Belle technique ! Bon, allez-vous faire un peu propre, pas de sable dans le mess. Vous avez dix minutes.

On a calté, secouant nos pulls et rigolant. Puis, sagement mais en même temps pressés de voir ce que les officiers avaient concoctés, on s’est dirigés vers le mess.

Les tables avaient été repoussées contre les murs, voire carrément démontées pour certaines (ce sont des planches sur des tréteaux, avec un écrou papillon pour les verrouiller), couvertes de draps blancs et de victuailles.

Les bancs étaient placés en demi-cercle autour de la sono, à bonne distance. Les frangins étaient invisibles.

Le Gros nous a distribué à chacun une coupe de champagne ! Et quand on a tous été assis, y compris Cook, sa femme et Moutarde, on a eu la surprise de se retrouver dans le noir. Un spot a éclairé le sol devant la sono et on a entendu les premières mesures de « Dancing Queen », d’ABBA.

Et les deux couillons se sont pointés et nous ont régalé d’un numéro de danse disco vachement sympa, complètement synchro, et putain qu’ils étaient gracieux malgré leurs treillis et leurs bottes ! On a applaudi, déchaînés. Puis, Lin et Erk ont enchaîné avec « Does your mother know », toujours d’ABBA, et c’était marrant de voir Lin jouer la minette encore mineure séduisant le Viking, plus jeune d’elle de quinze ans, quand même. Là encore, on a applaudi.

Puis Kris est venu rejoindre Erk et ils ont entamé un tango. Putain !! La danse de Kris face à Sanchez était érotique, mais là, leur tango était d’une sensualité… Erk, comme un torero, quasi immobile, impavide, insensible et Kris, complètement séducteur, tour à tour jeune fille timide ou femme fatale, insensible ou dégoulinant de sensualité. Et tout ça sans un sourire, sans jamais regarder son partenaire droit dans les yeux. Ils ont fini classiquement pour un tango, avec Kris à 45°, dans les bras d’Erk penché en avant et là, ils se sont regardés. Et nous, on a rien fait. Rien dit. On était scotchés.

Les deux frangins ont échangé un regard discret, un peu emmerdé, j’aurais dit. Lin est venue à leur secours en applaudissant. Alors on a sifflé, on a applaudi, y a eu un ou deux hurlements de loup et les frères ont eu chacun un grand sourire et se sont redressés.

- Putain, Erk, Kris ! j’ai dit en tendant une coupe de champagne à chacun. Comment ? Où ?

- Précise, l’Archer, a dit Kris après avoir trempé ses lèvres.

- La danse !

Je n’arrivais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais, sur ce que je voulais savoir. Erk a rigolé et m’a fait son putain de sourire qui me fait, parfois, regretter d’être hétéro.

- En Islande, on avait cours le lundi après-midi, pour nous laisser le temps d’arriver de chez nous jusqu’au pensionnat puis au lycée, mais sinon, les cours commençaient à 8h et s’arrêtaient vers 14h. L’après-midi, on devait faire du sport ou une activité artistique. On a choisi la danse classique, l’escrime et moi la sculpture. Enfin, le modelage. Kris, lui, c’était la guitare.

- Pourquoi la danse ?

- Parce que ça t’apprend à poser tes pieds exactement où tu veux, ce qui te donne un avantage pour les sports collectifs, que ça fait travailler tout le corps. Et… tu as vu la musculature de Kris, quand il a « dragué » Sanchez ?

- Ouais, je vois. Mais passer de la danse classique au tango ou pire, à ce que tu nous as fait l’autre jour, Kris, c’est…

- Juste un pas à franchir, tu sais, l’Archer, il a répondu.

- Mmh. En tout cas, tu nous as bien eu, à nous faire croire que tu voulais absolument séduire ton frangin…

Et là, j’ai cru voir, parce que je le regardais, un sourire étrange. J’ai dû rêver, parce qu’il avait un grand sourire moqueur.

On est passé à table – enfin, c’était un buffet, plutôt – et Cook s’était surpassé : foie gras maison, à point, crémeux, parfumé, avec une confiture d’échalotes, du gros sel et du pain brioché, la classique dinde aux marrons, mais tellement parfumée et moelleuse qu’il n’y en avait pas assez, et pourtant il avait compté huit personnes par oiseau, servie avec des pommes dauphines et des haricots verts frais… Et pour finir une omelette norvégienne. Je ne suis pas fan de ce dessert, mais il est tellement spectaculaire…

En dégustant une autre coupe de champagne, on a ouvert les quelques cadeaux, emballés et posés sous la crèche.

La première à ouvrir fut Baby Jane : elle découvrit, dans sa caisse métallique, un fusil de précision EMA 720 MKSR : un modèle plus léger, plus courte portée que l’Adlerauge, et correspondant plus à son rôle chez nous. Formée comme sniper, tireur d’élite incroyable – rappelez-vous la balle dans la cerise à 2km – mais notre façon d’agir correspondait plus à un rôle de tireur de précision moyenne distance qu’à un vrai rôle de sniper.

- Tu te doutes bien, ma belle, lui a dit Lin, que ce n’est pas vraiment un cadeau de Noël…

- Oui, Lin, mais merci quand même. Ce sera plus facile de bouger avec. Merci.

Le Gros, qui sortait de deux jours de convalescence – accélérée par Erk –après une opération destinée à poser sur son bras gauche des ports de connexion pour une prothèse, découvrit, donc, une belle prothèse. Lin lui expliqua que l’amélioration était son cadeau : en effet, ce n’était pas la prothèse basique qu’il avait commandé, mais un truc mécanique qui lui permettait une grande variété de mouvement. La prothèse était assez brute, et il y avait une sorte de gant de peau synthétique pour camoufler les vérins et autres trucs, mais il finit par la porter sans. Il se ferait faire, plus tard, une paire de grands gants de cuir et ne les quitterait quasiment plus.

Sur le champ, Doc la posa sur son moignon et connecta les ports et le Gros nous fit une démonstration, les larmes aux yeux, bougeant les doigts et attrapant une tranche de pain avec sa main gauche. Il l’a écrasé et Doc lui a dit qu’il faudrait qu’il travaille tous les jours une série d’exercices qui lui permettraient d’affiner son contrôle moteur.

- Y a plus qu’à mettre un flingue dedans, caché par la main, et ce sera top ! Sa voix était rauque d’émotion.

On s’est marrés, on imaginait notre lieutenant avec un flingue dans chaque main, un cigare au coin de la bouche, avec son béret et ses Ray-Ban, très badass de films de guerre.

Il y avait un tout petit paquet pour Tito. Surpris, il m’a regardé, mais j’étais aussi étonné que lui. L’ayant ouvert, il nous a montré une figurine de terre cuite qui portait l’empreinte du Viking. Elle représentait Tito en uniforme, avec un grand couteau, et un bonnet conique. Il a regardé Erk.

- C’est un nain de jardin, ton autre choix de carrière. Il fallait que je le fasse, mais comme il n’y en a pas dans la crèche… La base pointue, c’est pour le planter dans la terre, pour le rendre à son milieu naturel.

Il avait la gorge serrée, mon p’tit pote. Il a peine réussi à couiner un « Merci ». Le nain a trouvé sa place entre la bougainvillée et le jasmin.

Les deux frères ont ouvert leur colis italien. Nous étions tous très impatients de savoir ce qu’un parrain de la Mafia pouvait bien offrir à deux légionnaires.

Sur le dessus du colis, emballée dans du papier bulle avec le nom de Kris écrit, il y avait une boîte en bois ciré – une œuvre d’art en soi – que Kris ouvrit délicatement pour découvrir une très belle édition ancienne, reliée cuir, de la Divine Comédie, de Dante, en italien. Sur le dessus, il y avait une petite enveloppe qu’il ouvrit. Il éclata de rire.

- Erik, Matteo dit que quoi que tu penses, tu dois absolument ouvrir ton cadeau.

Le Viking eut un grand sourire de gamin.

- J’en avais l’intention de toute façon !

Il plongea les deux mains dans la paille qui emplissait la caisse. Il sortit deux grands panettones qu’il tendit à Cook pour partager et découvrit dessous du panforte, une sorte de nougat italien, qui suivit le même chemin. Encore de la paille puis le trésor : 2 bouteilles de grappa, 12 de prosecco et 1 de Lacryma Cristi, de l’année de naissance des frangins. C’est comme ça que j’ai su qu’ils étaient nés en 2095 et avaient donc 25 ans. Les plus jeunes de la Compagnie. Je m’en doutais, mais là, c’est confirmé.

Erk avait la voix un peu enrouée, quand même, quand il a fait une blague idiote sur une tentative de corruption de Rizzi. Il a immédiatement partagé la grappa – on en a tous eu un petit fond, pour goûter – et le prosecco a filé au frigo.

On a passé un bon moment, sans être dérangés par les méchants. Je pense qu’ils ne savaient pas encore qu’à cette époque de l’année, on se fiait à nos piquets de tente hi-tech pour nous protéger.

Faut quand même dire que Phone et Mike avaient sur eux des bippers reliés au PC Ops, au cas où. Ce que m’a dit Lin plus tard, c’est qu’elle savait que cette soirée-là serait exceptionnelle, avec tous nos camarades autour de nous, mais que l’an prochain, les autres étant au courant, il faudrait poster des sentinelles et être très vigilants.

Mais en tout cas, cette année-là, on en a bien profité.

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