Chapitre 7

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Je suis de nouveau dans la clairière et la douleur est revenue. Je suis accroupie devant la bosse immobile et mes larmes inondent mes joues. C’est une biche qui est devant moi, elle a été tuée par un chasseur et c’est à cause de moi. Je suis arrivée trop tard, je n’ai pas pu la sauvée ni échappée à la douleur que provoque sa mort en moi. Je ne supporte plus ce travail ! Je ne supporte plus les conséquences de mes échecs ! J’EN AI ASSEZ !! Je me mets à crier dans la clairière vide pour évacuer ma peine et ma colère contre un ennemi invisible. J’entends les brins d’herbe se pliés derrière moi. Lorsque je me retourne, je vois une femme, grande, belle qui me sourit mais ses paroles sont couvertes par un hurlement. Un hurlement qui ne m’a pas manqué, le hurlement du réveil.


J’ouvre les yeux sur le mur blanc de la pièce qui me sert de chambre depuis maintenant un mois. C’est avec difficulté que je me lève et m’habille, chaque mouvement m’envoie des ondes de douleurs, qui me donne la migraine. Je finis, après plusieurs tentatives, de m’habiller. Je remarque que la couleur de mon uniforme à changer, il est vert. Je fais irrémédiablement partie de leurs expériences maintenant. Je m’allonge sur mon lit en attendant que quelqu’un vienne ouvrir ma porte. Je veux savoir ce qui s’est passé et ce qu’est devenu Natasha. Bien que je sois furieuse contre elle, une part de moi me dit que la sensation d’adrénaline que j’ai eue, a dû lui faire perdre le contrôle à elle aussi.

J’entends des pas dans ma chambre et aperçois Sofia. Je crois que je me suis endormie et Sofia me le confirme en m’apportant mon déjeuner.

« -Qu’est - ce qu’il s’est passé ? Au réfectoire. J’ajoute car elle me regarde sans comprendre.

-Tu ne t’en souviens pas ? Tu t’es battu avec une autre pensionnaire. Tu as failli y passer. Dit – elle sans émotion.

-Comment ça se fait ? Je n’ai jamais ressenti autant de … rancœur à son égard !

Pas avant l’opération en tout cas.

-Tu en es sur ? Pourtant vous vous disputez souvent. Ça devait bien finir par arriver ». Dit –elle avec un léger sourire, comme si elle trouvait notre situation amusante.

Décidemment le personnel était aussi fou que les médecins.

« -Qu’est-ce que vous nous avez fait ? Pourquoi je ressens ce genre de chose ? Et … c’était quoi ce … grognement ? Je lui demande, paniquée.

-Tu n’auras qu’à le demander au Docteur Logan. Me dit-elle avec un sourire.

-Je veux le voir, demander lui de venir !

-Il est occupé pour le moment. Mais je vois que tu es en forme. Je pense qu’une balade te … changeras les idées ».

Et toujours avec son sourire d’hypocrite collé au visage, elle m’emmène à travers les couloirs. Nous nous arrêtons devant une porte que je n’ai encore jamais vu.

« -La salle de repos, détends-toi, tu as l’air d’en avoir besoin ».

Puis elle partit en refermant la porte derrière moi.

La pièce est plus petite que la première salle de repos que j'ai découvert. Elle ressemble à un petit salon, illuminé par la lumière du jour qui traverse les grandes fenêtres. Il y a peu de monde, que ce soit sur le plan physique ou mental. On dirait des drogués. Avec un frisson, je m’assois dans un fauteuil après avoir choisi un livre. Mais même la lecture n’arrive pas à éloigner mes inquiétudes. Après avoir relu pour la dixième fois la même phrase, je décide de me lever et de me dégourdir les jambes malgré les protestations de ma nuque.

« -Préoccupée ? »

Je me retourne pour apercevoir Sébastien adossé à la fenêtre.

« -En quoi ça te concerne ? » Je lui réplique.

Je n’ai pas oublié comment s’est finie notre dernière conversation.

« -Ouuh ! Que j’ai peur dit –il d’un air moqueur. La gentille petite fille sage serait-elle en train de se rebeller ? Mais pas auprès de la bonne personne à mon avis.

-Je ne me rebelle pas, je mets fin à cette conversation avant que tes conneries me retombent dessus et que je paye à ta place ta propre rébellion ! Par ta faute, on m’a collé une surveillance supplémentaire ! Et ton avis tu peux te le mettre où je pense ». Dis-je agacé tout en retournant m’assoir à ma place, lui signifiant que je ne voulais plus lui adresser la parole.

Mais apparemment il ne le comprit pas ainsi.

« -Tu es encore en colère ?! Je t’ai pourtant prévenu pour l’opération. Dit-il en s’installant sur le fauteuil d’à côté.

-Je ne suis pas en colère, je suis furieuse ! Et le fait de nous avoir prévenus comme tu dis, ne nous a servi à rien, répliquais – je.

-Parce que si tu l’avais découverte grâce à ton ami l’informaticien, tu crois que ça aura changé quelque chose ? »

J’ouvre la bouche, pour aussitôt la refermer car il avait raison.

« -Comment est tu au courant pour Victor ? Toi aussi tu fais appel à lui ? Dis-je tout bas.

-Appel à lui ? Non ce mec est inutile ! Je préfère aller à la chasse aux infos tout seul. C’est… plus amusant.

Un sourire mauvais se dessine sur son visage. Et puis, pour répondre à ta première question, disons que tu n’es pas très discrète.

-Il n’est pas inutile ! Et je fais bien attention lorsque je vais le voir ! »

Il se mit à rigoler.

Il se fout vraiment de moi, me dis-je

« -Ne le prend pas mal, mais ce n’est pas parce que tu ne vas pas régulièrement à la bibliothèque pour le voir, que ça fait de toi quelqu’un de discret ».

Je ne vois pas où il veut en venir. Il s’en rend compte et continu son explication.

« -Vois-tu, tu vas à la bibliothèque QUE pour le voir. Jamais pour lire comme tu le prétends ou pour y faire autre chose. La première chose que tu fais c’est le rejoindre, pour la majorité du temps. Il y a de quoi se poser des questions non ? »

A contrecœur, je devais bien admettre qu’il avait raison.

« -C’est vrai, maintenant que tu l’as dit je ferais plus attention, merci.

-Tu ne te fâche pas ? Le fait que je sache ce que tu fais et peut être dû au fait que je t’espionne. Et ça ne te dérange pas ? Me demande-t-il interloqué. Comme s’il s’attendait à une autre réaction de ma part.

« -C’est vrai qu’en y réfléchissant de plus près, c’est étrange mais… au moins je vais ainsi pouvoir éviter que Victor se fasse coincer, et puis ta méthode… bien que douteuse m’a l’air … efficace. Très efficace même. Donc pour répondre à ta première question, non je ne suis pas en colère, disons que je suis… intéressée. Lui dis-je avec un sourire de conspiratrice.

-Tu es vraiment une drôle de fille ! Dit – il en rigolant. Alors comme ça tu serais intéressée ?

-Tout est bon à prendre ici non ?

-Qui me dit que je peux te faire confiance ?

-Rien, tout comme rien ne me dit que tu m’as dit la vérité !

-Tu es maligne, et si nous commencions par faire connaissance ? Qu’en dis-tu ? On a pris un mauvais départ tous les deux, on efface tout et on recommence ? »

Lucas m’as dit que je devais m’en méfier mais un allié en plus, c’est toujours mieux. Et puis quelque chose chez ce garçon m’intrigue.

« -C’est d’accord. Mais tu n’auras le droit qu’à une seule chance.

-Tu es sévère mais c’est entendu. Au fait je m’appelle Sébastien.

-Lucie, ravie de faire ta connaissance », lui dit-je avec, pour la première fois, un vrai sourire chaleureux.

Au fil de l’après-midi, j’apprends à connaitre cet étrange garçon qu’est Sébastien. A la fois chaleureux, drôle mais parfois terrifiant et dangereux, dans ses propos, du moins pour l’instant.

« -Dis-moi, qu’est- ce qu’il y a dehors ? Hors de tout ceci. Lui demandais-je en montrant la pièce.

-Nous sommes à l’orée d’un village, d’ailleurs on peut le voir de la fenêtre. Viens ».

Je me rends auprès de lui, face à la fenêtre et je vois le village. J’y vois l’église et le toit des maisons les plus hautes. C’est en regardant ce paysage que mes inquiétudes me reviennent. Ma bonne humeur me fait faut bon.

« -Qu’est - ce qu’il y a ? me demande Sébastien.

-Rien. Rien tu tout, lui dis-je en tentant de sourire.

- Vas - y, dis-moi. Je te promets de ne pas rigoler ».

Devant son air sérieux et après le moment que l’on a passé à faire connaissance, je me dis qu’un avis extérieur peut aider.

« -Et bien, depuis l’opération… je sens un changement dans mes émotions et après ce qui s’est passé au réfectoire… j’ai… peur de ne plus pouvoir contrôler ces sentiments, me contrôler tout simplement comme…

-Natasha. Finit – il à ma place.

-Oui ! Et si ça empire ? Et que ce n’est plus mes émotions mais mon corps tout entier qui change ? Et que je perde le contrôle et que je blesse quelqu’un ? J’ai peur ! Je suis terrifiée de moi-même ! Je ne veux pas que ça arrive parce que si cela devait arriver, je ne sais pas ce que je ferais !

Et si je change trop, pourrais-je retourner dans le monde extérieur ?

-Je t’aiderai ! Si un jour cela devait arriver, tu pourras compter sur moi ! Que dirais tu de faire équipe pour s’évader ou leur faire vivre la misère ?

-Je… je te remercie mais je ne pense pas avoir envie de faire… ça.

-Ah je vois. Dit-il déçu et je m’aperçois de la lueur de changement dans son regard.

-Ce n’est pas parce que je crois que si je suis sage, ils ne me feront rien. Dis-je en reprenant ses termes de notre dernière conversation. J’ai très envie de m’en aller, de revoir ma famille, de partir de cet endroit mais… j’ai peur de leur représailles. Parce que je sais que si je me rebelle avec toi, ce que j’aurais en échange de cette rébellion c’est la douleur ! Et… sans que je sache d’où cela me vient, je sais ce qu’est la douleur, enfin… quelque fois… mais c’est flou… et … ».

Je me rends compte que je me perds dans mes explications alors je reprends de la façon la plus clair possible :

« - Enfin, bref, tout ça pour dire que je ne suis pas encore prête à emprunter ce chemin que tu me propose, désolé.

-Je comprends. Me dit-il après quelques minutes à m’observer. Sache que ma proposition tiendra toujours jusqu’à ce que je disparaisse ou… que je parte. Et si jamais la douleur venait à être insupportable, n’hésite pas à venir me voir. Je sais y faire avec la douleur" me dit-il avec un clin d’œil.

C’est en fin d’après-midi qu’on me ramène à ma chambre et c’est le cœur léger que je m’endors ce soir-là. Je sais que je peux compter sur quelqu’un pour me comprendre, bien qu’il ne soit pas des plus recommandables. Je souris bêtement en fixant mon plafond en me rappelant cet après – midi, avant de m’endormir.

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