Nouvelles recrues I

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Lathelennil ouvrit les yeux. Quelque chose, dans l’atmosphère de la pièce, avait changé.

— Réveille-toi, grogna-t-il à l’attention de la femme accrochée à lui.

Pour toute réponse, Sœur Yolen se cramponna plus fermement à son cou. Ses seins, deux loches énormes couvertes de suçons et autres marques de morsures, vinrent se presser contre le torse lourdement tatoué de l’ældien. Elle soupira et émit un petit bruit mouillé, repu et satisfait. D’un œil aussi écœuré qu’agacé, le dorśari zieuta les traces séchées de fluides divers qui maculaient les puissants cuissots de la nonne dévoyée. Il lui en avait mis plein les fesses, la veille. Et plein la bouche, aussi. Quant à lui, il s’était fait un festin d’hémoglobine saturée de silentium, d’endomètre en morceaux et de cyprine vierge.

Lathelennil se redressa, mécontent. Il s’en voulait d’avoir craqué, et encore plus d’avoir des regrets. Pour parachever le tout, il n’avait pas pu se résoudre à achever sa proie, et voilà qu’elle semblait prête à remettre ça. Il s’était montré faible, une fois de plus.

— Eh ! maugréa-t-il en la secouant plus fort. C’est fini, la grasse mâtinée.

Cette fois, la femme ouvrit les yeux. Si hier, elle avait un regard de brebis qu’on égorge, désormais, c’était celui d’une vache docile qu’elle affichait. Ou d’une wyrm lubrique, au choix.

— Lathé…

Rhach, ne m’appelle pas comme ça ! Comment connais-tu ce nom, d’ailleurs ?

— Tu me l’as dit hier, répondit-elle tranquillement.

— Oui, bon !

Lathelennil se leva. Il se hâta de ramasser le bout de polymère pour se couvrir, soudain désireux de dissimuler sa nudité.

— Normalement, je ne passe jamais la nuit avec une femelle que j’ai baisée, se sentit-il obligé de préciser. Si on n’était pas enfermés dans la même cellule...

La sœur sanglante posa sur lui son regard calme.

— Quant à moi, je m’étais juré de garder mon hymen inviolé, lui rappela-t-elle. Tu vois ? On a tous les deux transgressé nos propres règles !

Lathelennil ne put s’empêcher de sourire. Pour une bonne sœur vierge, elle s’était révélée une sacrée cochonne !

Mais l’heure n’était plus à l’amusement.

— Je crois que tes petits copains préparent quelque chose, annonça-t-il en regardant autour de lui. Ce silence… Je les trouve anormalement calmes !

La femme cala sa tête sur sa main. Ses cheveux repoussaient déjà : l’un des bénéfices du contact étroit avec un être diabolique et exsudant la magie impie comme ces ældiens.

— Peut-être qu’ils se sont rendus compte que tu n’étais pas aussi mauvais que tu en as l’air, répondit-elle naïvement. Peut-être ont-ils enfin réalisé que les ældiens n’avaient que du bon à nous apporter. Ou alors, ils se sont enfuis, comprenant que tu étais trop puissant pour eux. Je pense que mes cris de plaisir ont dû les effrayer...

Sur ce, elle tendit une main câline sur la jambe de Lathelennil, qu’elle se mit à caresser avec un regard gourmand.

— Et si tu me refaisais ce que tu m’as fait hier, puisqu’on est enfin tranquilles, hm ? Je crois que je saigne encore...

Cette fois, Lathelennil, qui avait réussi à se contenir jusqu’ici, se retourna en hurlant.

— Bien sûr que je suis mauvais ! Je suis un seigneur de la guerre sorśari. Hier, j’ai raclé mon braquemart dans tous tes orifices et je me suis vautré dans ton sang. Tu hurlais comme une bougresse qu’on égorge. Si je n’avais pas jugé que tu pouvais encore te montrer utile, je t’aurais dévorée vivante, en prime !

Loin de se vexer ou de prendre peur, la fille gloussa.

— Ça oui, tu m’as bien dévorée. Je reconnais que j’ai donné de la voix, mais tu m’as donné un tel plaisir ! Jamais je n’avais ressenti ça de ma vie. Je comprends pourquoi on vous dit diaboliques ! Si tout le monde savait la vérité, il n’y aurait plus aucune femme humaine dans la galaxie. Elles seraient toutes dans l’Ethereal, à chercher les ældiens !

Lathelennil tourna la tête, vaincu. S’il la regardait trop, avec son air lascif, il allait céder à ses pulsions à nouveau.

Et alors ? se morigéna-t-il. Ne suis-je pas un ædhel, de Sorśa qui plus est ? L’univers est mon terrain de chasse. Depuis quand dois-je me retenir de faire leur fête à des petites catins humaines ?

Depuis que tu as juré d’être le mâle de l’une d’elles, se répondit-il à lui-même. Depuis que tu as fait couler ton sang sur l’arbre-lige de son clan. Et rappelle-toi que Silivren, le modèle qu’elle admire tant et que tu dois dépasser – ou du moins égaler – n’aurait jamais cédé à des pulsions aussi primaires.

Lathelennil grogna de nouveau, ce qui lui amena une attention préoccupée de la part de Yolen.

— Lathé ? Qu’est-ce qui t’arrives, mon gros loup ?

Avec quelle facilité cette bonne sœur timide et pucelle ne s’était-elle pas transformée en trainée d’astroport ! Et il ne devait cette stupéfiante métamorphose qu’à son savoir-faire de jouisseur dévoyé.

— Allez, cesse de m’appeler de tous ces noms ridicules et lève-toi. Je sens que tes collègues intégristes nous réservent une mauvaise surprise de leur cru. C’est trop facile ! Il est temps de mettre les voiles. Tu m’avais dit que tu connaissais de tête toute la configuration de cette station ?

— Le plan du monastère est implanté sur ma mémoire neuronale, oui, admit-elle d’un ton nettement plus froid.

Lathelennil grimaça. En plus, il avait baisé une modifiée ! Encore heureux, la majeure partie de son corps restait organique. En particulier, son ventre tendre, ses seins denses et son vagin étroit. Il avait entendu dire que la réfection bio-vaginale était la dernière mode chez les humains.

Réprimant une nouvelle envie lubrique, Lathelennil releva un œil déterminé sur la bouche d’aération qu’il avait découverte la veille. Elle était trop petite pour lui, mais Yolen, elle, en dépit de la taille conséquente de ses mamelles, pourrait aisément passer.

— Je veux que tu entres là-dedans, lui ordonna-t-il en lui montrant la grille. Une fois de l’autre côté, tu ouvriras la cellule.

— C’est trop haut pour moi, maugréa-t-elle.

— Je te porterai.

Elle gloussa.

— Tu me porteras dans tes bras ? Comme une mariée des temps anciens ?

— Si tu veux, grommela Lathelennil en s’exhortant à la patience. Mais vite !

— D’accord… Seulement, ils sont sûrement là derrière, à nous épier.

— Non, ils n’y sont pas. Je ne sens aucune activité psychique, derrière ce mur. Et leur odeur a disparu.

Cette fois, Yolen n’émit aucune objection. Elle regardait par terre en se mordant la lèvre inférieure. Lorsqu’elle releva son visage vers lui, son regard n’avait plus rien de la dévotion docile d’une femelle bovidé.

— Et qu’est-ce que j’aurais, en échange ?

— Le droit de rester en vie une heure de plus, claqua Lathelennil.

— Mais encore ? La vie ne vaut rien, sans gratifications.

— Je te laisserai me servir, concéda Lathelennil du bout des lèvres.

— Ce n’est pas suffisant. Qui me dit que tu ne me revendras pas au premier esclavagiste venu ?

— Qui que ce soit, il fera un meilleur maître que moi.

— Je veux rester avec toi. Je veux recevoir le baptême de sang et devenir immortelle dans ce corps. Je suis désolée, mais si tu veux sortir d’ici, tu devras accepter ce contrat. C’est non négociable.

Son ton était aussi minéral que celui d’un Inquisiteur chevronné. La nonne montrait enfin la froide obstination typique des membres de son ordre… Cette fois, Lathelennil ne put s’empêcher d’exprimer son humeur en frappant le mur de son poing. Le fer le brûla, et il jura.

— Par les couilles d’airain de Baal-Moloch ! Est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as, que je te propose de te relâcher saine et sauve ? Tu sais ce que c’est, qu’être l’esclave d’un ædhel, stupide femelle ?

— Oui. C’est une éternité de jouissances indescriptibles sous la férule d’un être aussi beau et fascinant que les Piliers de la Création. On nous l’a suffisamment répété. Je ne vois pas ce qui peut m’arriver de mieux. Partir avec toi, c’est la chance de ma vie !

— Je suis un monstre sanguinaire, hurla Lathelennil, un sadique notoire ! Tu seras fouettée, attachée, écartelée, vidée de ton sang jusqu’aux portes de la mort, sans jamais pouvoir mourir ! Tu vivras dans la nuit éternelle ! Et tu devras m’appeler Maître !

— Parfait. Je vois que nous nous comprenons.

Sur ce, l’ancienne nonne s’approcha.

— Faites-moi monter, Maître, lui susurra-t-elle d’un ton provocant.

Elle se montrait aussi raide et déterminée que le Grand Inquisiteur en personne. Lathelennil dut obtempérer. Il la saisit sous les aisselles – se retrouvant un moment avec ses nichons odorants sous le nez – puis la hissa au niveau de la grille.

— Vous bandez, Maître, observa Yolen.

— T’occupe. Contente-toi de dévisser la grille.

Lathelennil se haïssait pour faire montre de tels instincts devant elle. La nonne allait s’en servir, c’était sûr ! Mais c’était plus fort que lui.

Sœur Yolen s’empara du petit colifichet qu’elle portait autour du cou – une représentation abstraite de la Tempérance, sous la forme d’une balance, un objet aussi antique qu’inutile – et commença à dévisser la grille qui couvrait la bouche d’aération. Lorsque ce fut fait, elle la balança derrière son épaule, manquant de peu de toucher Lathelennil.

— Attention ! grogna celui-ci. Tu as failli me toucher avec ta grille. Allez, glisse-toi là-dedans. Et n’oublie pas notre marché.

— Pardon, Maître. Je ne risque pas de l’oublier. Je l’ai enregistré sur ma mémoire neuronale.

Lathelennil grommela quelques imprécations, alors que l’insolente humaine se faufilait. Une fois de plus, il s’était fait rouler.

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