XXVII

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L’appartement du Croisic était déjà meublé. Autant dire que la quasi-totalité du contenu de la maison de Saint-Laurent devait disparaître. Nous aurions pu faire appel à une entreprise spécialisée dans ce genre d’opérations. Mais outre que, souvent, ils vous demandent de l’argent pour repartir avec vos biens, ils ne sont pas réputés être très soigneux. Nous écartâmes donc cette solution extrême.

L’un et l’autre étions persuadés qu’il y avait dans cette maison nombre de meubles et d’objets qui pouvaient encore rendre service à bien des gens. Les transporter en salle des ventes ou en dépôt-vente eût été une alternative. Pleine de complications, elle aussi. Rejetée également.

Nous optâmes pour un arrangement intermédiaire dont la vogue commençait à se répandre : un vide-maison. Une variété de brocante, venue des pays anglo-saxons où les « car boot sales » et autres « garage sales » existent depuis des années.

Vous gardez vos affaires chez vous, et sur un ou plusieurs jours, ouvrez vote logis à la visite, avec la charge d’organiser l’exposition de ce que vous mettez en vente, d’assurer les permanences et d’étiqueter votre marchandise.

Réquisitionner le sous-sol pour y exposer toutes nos possessions vendables eût été la solution la plus satisfaisante en termes de préservation de notre intimité, mais elle supposait de déménager nombre d’objets, lourds ou encombrants, ce n’était plus trop dans nos cordes. Alors, nous décidâmes d’ouvrir également à la présentation les chambres de l’étage.

Il fallait encore songer à la surveillance. Il fut entendu que je prendrais en charge le sous-sol pendant que Jackie se chargerait du rez-de-chaussée et du premier.

Les contraintes légales étaient légères : déclaration à la mairie pour autorisation, parking assuré, signalement extérieur et un extincteur en cas d’incendie. C’était dans nos possibilités.

Ce n’est qu’au début du printemps 1999 que Jackie eut retrouvé sa mobilité antérieure. Pendant tout l’hiver, nous avions recensé, trié, estimé, étiqueté ce que nous souhaitions vendre et évacué le reste en déchetterie. Travail pénible dans tous les sens du terme, émouvant souvent, car chargé de souvenirs pour moi. Jackie, elle, avait moins de scrupules à éliminer, c’est évident.

Un petit tas de bibelots, avec ou sans valeur marchande d’ailleurs, se constitua assez rapidement sur un coin de la table de salle à manger : un sextant d’un aïeul, deux cendriers publicitaires, un fer à braises, un moulin à café en fonte d’aluminium, deux douilles sculptées d’obus de 75 mm, des poids hexagonaux en fonte avec anneau, une balance à tabac d’époque Napoléon III…

Parmi les vases à fleurs, seuls deux soliflores Art déco couleur coquelicot et un autre vase de l’École de Nancy avaient de la valeur. Les autres n’étaient que du verre banal. Le cas des tableaux était plus délicat : au fil de notre vie commune, Jeanne et moi avions acheté une douzaine de toiles de peintres locaux, tous figuratifs, parfois des connaissances, mais bien entendu jamais nous ne nous étions inquiétés de leur cote. Une estimation sommaire par un commissaire-priseur de mes relations nous confirma qu’un passage en salle des ventes était possible, mais très aléatoire.

Alors, nous décidâmes de les garder tous pour l’instant, à l’exception d’un seul, hérité de mes parents, une vue campagnarde quelconque au goût de Jackie.

Confié au commissaire-priseur déjà cité, il s’avéra être d’un des pionniers de l’école de Barbizon, avec Jean-François Millet : Charles-François Daubigny. Sa vente nous réserverait une drôle de surprise.

Après consultation du nouveau calendrier apporté par le facteur, les dates du vendredi 2 au mardi 6 avril furent retenues pour notre opération « Bon débarras ! ». C’était le week-end de Pâques, nous comptions sur les Parisiens venus ouvrir leurs maisons de vacances.

Fin mars, l’autorisation municipale, sollicitée depuis un bon mois, nous parvint enfin.

J’avais distribué de petits prospectus dans tout le quartier, et la curiosité aidant, à défaut d’acheteurs, j’étais bien certain que nous aurions des visiteurs. Cela ne manque jamais. Une petite annonce dans les deux journaux gratuits distribués chaque semaine fit le reste.

(à suivre)

©Pierre-Alain GASSE, 5 mai 2020, 49e jour du confinement.

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